Fragment Contrariétés n° 13 / 14 – Papier original : RO 442-1

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Contrariétés n° 177 p. 47 v° / C2 : p. 68

Éditions de Port-Royal : Chap. XXI - Contrarietez estonnantes : 1669 et janv. 1670 p. 171 / 1678 n° 4 p. 168

Éditions savantes : Faugère II, 89, XXV / Havet VIII.14 / Michaut 760 / Brunschvicg 420 / Tourneur p. 199-1 / Le Guern 121 / Lafuma 130 / Sellier 163

 

 

 

S’il se vante, je l’abaisse

S’il s’abaisse, je le vante

Et le contredis toujours

Jusqu’à ce qu’il comprenne

Qu’il est un monstre incompréhensible.

 

 

 

Ces vers paraissent énoncer ce qui constitue la stratégie de Pascal à l’égard de son lecteur. S’il se vante, je l’abaisse répond aux liasses dans lesquelles Pascal développe les arguments des sceptiques et des pyrrhoniens, Vanité, Misère et Ennui. S’il s’abaisse, je le vante répond à Grandeur.

On peut considérer que Contrariétés 13 représente l’application pratique du programme qui est défini dans le fragment Dossier de travail 16 (Laf. 398, Sel. 17) :

Les philosophes ne prescrivaient point des sentiments proportionnés aux deux états.

Ils inspiraient des mouvements de grandeur pure et ce n’est pas l’état de l’homme.

Ils inspiraient des mouvements de bassesse pure et ce n’est pas l’état de l’homme.

Il faut des mouvements de bassesse, non de nature, mais de pénitence non pour y demeurer mais pour aller à la grandeur. Il faut des mouvements de grandeur, non de mérite mais de grâce et après avoir passé par la bassesse.

À partir des sentiments que les philosophes inspirent à leurs disciples, Contrariétés 13 présente la manière dont l’auteur projette d’élever et d’abaisser l’homme, et par délégation son lecteur. La conjonction si, montre que Pascal a prévu une réponse dans l’une et l’autre situation.

 

Analyse détaillée...

Fragments connexes

 

Contrariétés 5 (Laf. 122, Sel. 155). APR. Grandeur et Misère. La misère se concluant de la grandeur et la grandeur de la misère, les uns ont conclu la misère d'autant plus qu'ils en ont pris pour preuve la grandeur, et les autres concluant la grandeur avec d'autant plus de force qu'ils l'ont conclue de la misère même, tout ce que les uns ont pu dire pour montrer la grandeur n'a servi que d'un argument aux autres pour conclure la misère, puisque c'est être d'autant plus misérable qu'on est tombé de plus haut, et les autres au contraire. Ils se sont portés les uns sur les autres, par un cercle sans fin, étant certain qu'à mesure que les hommes ont de lumière ils trouvent et grandeur et misère en l'homme. En un mot l'homme connaît qu'il est misérable. Il est donc misérable puisqu'il l'est, mais il est bien grand puisqu'il le connaît.

Contrariétés 14 (Laf. 131, Sel. 164). Chose étonnante cependant que le mystère le plus éloigné de notre connaissance qui est celui de la transmission du péché soit une chose sans laquelle nous ne pouvons avoir aucune connaissance de nous-mêmes.[…] Certainement rien ne nous heurte plus rudement que cette doctrine, et cependant sans ce mystère, le plus incompréhensible de tous, nous sommes incompréhensibles à nous-mêmes. Le nœud de notre condition prend ses replis et ses tours dans cet abîme. De sorte que l’homme est plus inconcevable sans ce mystère, que ce mystère n’est inconcevable à l’homme.

A P. R. 2 (Laf. 149, Sel. 182). Tout ce qui est incompréhensible ne laisse pas d’être.

Dossier de travail (Laf. 398, Sel. 17). Les philosophes ne prescrivaient point des sentiments proportionnés aux deux états.

Ils inspiraient des mouvements de grandeur pure et ce n'est pas l'état de l'homme.

Ils inspiraient des mouvements de bassesse pure et ce n'est pas l'état de l'homme.

Il faut des mouvements de bassesse, non de nature, mais de pénitence non pour y demeurer mais pour aller à la grandeur. Il faut des mouvements de grandeur, non de mérite mais de grâce et après avoir passé par la bassesse.

 

Mots-clés : AbaisserComprendreContredireIncompréhensibleMonstreVanter.