Fragment Fausseté des autres religions n° 1 / 18  – Papier original : RO 467-7

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Fausseté n° 262 p. 105 / C2 : p. 129

Éditions de Port-Royal : Chap. XVII - Contre Mahomet : 1669 et janvier 1670 p. 133  / 1678 n° 2 p. 132

Éditions savantes : Faugère II, 334, XLIII / Havet XIX.7 bis / Brunschvicg 595 / Tourneur p. 245-3 / Le Guern 189 / Lafuma 203 / Sellier 235

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Bibliographie

 

 

HASEKURA Takaharu, “Commentaire des Pensées de Pascal, L. 203, 204”, The proceedings of the department of foreign languages and literatures, College of arts and sciences, University of Tokyo, vol. XXXVI, n° 2, 1988, p. 39-57.

Voir la bibliographie de Fausseté 7 (Laf. 209, Sel. 241-242).

 

 

Éclaircissements

 

Fausseté des autres religions.

 

Pascal n’a pas seulement à envisager l’islam ; il mentionne ailleurs la religion de la Chine, et celles de l’Antiquité. Le présent fragment s’inscrit donc dans un cadre qui dépasse largement la religion musulmane.

 

Mahomet sans autorité.

Il faudrait donc que ses raisons fussent bien puissantes, n’ayant que leur propre force.

 

Le fragment doit être rapproché de Ordre 1 (Laf. 1, Sel. 37), qui souligne ce manque d’autorité de Mahomet, tient au fait que Mahomet est seul. Il faut comprendre qu’il n’a pas été annoncé par des prophètes antérieurs.

Voir GEF XIV, p. 37. Nicole sur le même sujet dans ses Instructions sur le Symbole : « J.-C. a été prédit ; Mahomet ne l’a point été, quoiqu’il ait fait un tel renversement dans le monde, que ç’aurait dû être le principal objet des prophéties, si c’était un changement en bien ».

Cet isolement de Mahomet pourrait être compensé par des preuves puissantes proposées dans sa prédication même. Pascal reprend ici un argument ancien : voir Thomas d’Aquin, Somme contre les gentils, I, chapitre 6, éd. Michon, Garnier-Flammarion, p. 153 : Mahomet n’a guère avancé de preuves (documenta) de la vérité.

Le seul argument que Mahomet apporte est l’exigence d’être cru. Il se rend témoignage à lui-même. Cependant, pour être recevable, un témoignage ne peut être apporté que par autrui ; nul n’est recevable à témoigner en sa propre faveur.

Voir Ernst Pol, Approches pascaliennes, p. 36. Nullité du témoignage de Mahomet selon Pascal.

L’argument implicite est que Mahomet n’arrive pas à faire plus que n’importe quel homme : voir Preuves de Jésus-Christ 23 (Laf. 321, Sel. 352) : Tout homme peut faire ce qu’a fait Mahomet. Car il n’a point fait de miracles, il n’a point été prédit.

Sur tous ces points, Pascal entend opposer Mahomet au Christ. Le Christ n’est pas isolé : il a été annoncé par toute la tradition prophétique juive. De sorte que selon Preuves de Jésus-Christ 23 (Laf. 321, Sel. 352), Nul homme ne peut faire ce qu’a fait J. C.

Pascal reproche implicitement à Mahomet d’user de tyrannie : l’affirmation de son autorité ne suffit pas pour entraîner l’adhésion. Ce fragment s’oppose donc à A P. R. 2 (Laf. 149, Sel. 182), où Pascal fait dire à la Sagesse de Dieu : Je ne demande pas de vous une créance aveugle.

 

Que dit‑il donc ? qu’il faut le croire.

 

Il est difficile de dire si Pascal pense ici à un texte précis du Coran. Peut-être renvoie-t-il à un passage comme la sourate intitulée dans la traduction de Du Ryer Le chapitre de la lignée de Joachim, contenant deux cents versets écrits à la Medine, éd. de 1647, p. 47 : [Dieu] « a envoyé l’Alcoran, qui distingue le bien d’avec le mal, ceux qui ne croiront pas en la Loi de Dieu seront rigoureusement châtiés ». Mais il ne semble pas qu’en écrivant il faut Pascal fasse allusion à la menace du châtiment. On peut aussi renvoyer par exemple au Chapitre des femmes, contenant cent-soixante-dix versets, écrit à la Medine, p. 97 : « Ô peuple il vous est venu un prophète qui vous prêche la vérité de la part de votre Seigneur, croyez-le, vous ferez bien, si vous ne le croyez pas, sachez que tout ce qui est en la terre et au ciel est à Dieu, et que Dieu sait tout ce que vous faites ».

On n’a du reste aucune preuve que Pascal ait lu le Coran dans le texte.