Fragment Fausseté des autres religions n° 8 / 18  – Papier original : RO 467-5

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Fausseté n° 268 p. 107 v° / C2 : p. 133

Éditions savantes : Faugère I, 225, CLV / Havet XXIV.80 / Brunschvicg 451 / Tourneur p. 247-1 / Le Guern 196 / Lafuma 210 / Sellier 243

 

 

 

Tous les hommes se haïssent naturellement l’un l’autre. On s’est servi comme on a pu de la concupiscence pour la faire servir au bien public. Mais ce n’est que feindre et une fausse image de la charité, car au fond ce n’est que haine.

 

 

Il est surprenant que ce fragment se trouve dans la liasse Fausseté, car il n’y est apparemment pas question de religion. Cependant il formule une idée qui est directement liée au thème de la fausseté : les sociétés humaines sont toutes animées par l’amour propre, qui engendre un ordre social qui est une image faussée de ce qu’est l’ordre de la charité. Pascal poursuit ici sa critique radicale de l’idéal de l’honnêteté.

D’autre part, ce fragment est étroitement associé au suivant. Il ne s’agit donc pas d’un classement aléatoire ou fautif.

 

Analyse détaillée...

Fragments connexes

 

Grandeur 14 (Laf. 118, Sel. 150). Grandeur de l’homme dans sa concupiscence même, d’en avoir su tirer un règlement admirable et en avoir fait un tableau de la charité.

Fausseté 9 (Laf. 211, Sel. 244). On a fondé et tiré de la concupiscence des règles admirables de police, de morale et de justice.

Mais dans le fond, ce vilain fond de l'homme, ce figmentum malum n'est que couvert. Il n'est pas ôté.

Morale chrétienne 22 (Laf. 373, Sel. 405). Il faut n'aimer que Dieu et ne haïr que soi.

Si le pied avait toujours ignoré qu'il appartînt au corps et qu'il y eût un corps dont il dépendît, s'il n'avait eu que la connaissance et l'amour de soi et qu'il vînt à connaître qu'il appartient à un corps duquel il dépend, quel regret, quelle confusion de sa vie passée, d'avoir été inutile au corps qui lui a influé la vie, qui l'eût anéanti s'il l'eût rejeté et séparé de soi, comme il se séparait de lui. Quelles prières d'y être conservé ! et avec quelle soumission se laisserait-il gouverner à la volonté qui régit le corps, jusqu'à consentir à être retranché s'il le faut ! ou il perdrait sa qualité de membre ; car il faut que tout membre veuille bien périr pour le corps qui est le seul pour qui tout est.

Pensées diverses (Laf. 617, Sel. 510). Qui ne hait en soi son amour propre et cet instinct qui le porte à se faire Dieu, est bien aveuglé. Qui ne voit que rien n’est si opposé à la justice et à la vérité. Car il est faux que nous méritions cela, et il est injuste et impossible d’y arriver, puisque tous demandent la même chose. C’est donc une manifeste injustice où nous sommes nés, dont nous ne pouvons nous défaire et dont il faut nous défaire.

 

Mots-clés : BienCharitéConcupiscence – Fausseté – HaineHomme – Image – Nature.