Fragment Fondement n° 1 / 21  – Papier original : RO 45-5

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Fondement n° 277 p. 117 / C2 : p. 143

Éditions savantes : Faugère II, 392 / Havet XXV.111 / Michaut 110 / Brunschvicg 570 / Tourneur p. 250-2 / Le Guern 209 / Lafuma 223 / Sellier 256

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Bibliographie

 

 

FORCE Pierre, Le problème herméneutique chez Pascal, Paris, Vrin, 1989.

MESNARD Jean, “Pourquoi les Pensées de Pascal se présentent-elles sous forme de fragments ?”, in La culture du XVIIe siècle, Paris, PUF, 1992, p. 363-370.

MESNARD Jean, “Achèvement et inachèvement dans les Pensées de Pascal”, Studi francesi, 143, anno XLVIII, maggio-agosto 2004, p. 300-320.

MESNARD Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., Paris, SEDES-CDU, 1993.

SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, Paris, Colin, 1970.

 

Éclaircissements

 

Il faut mettre au chapitre des fondements ce qui est en celui des figuratifs touchant la cause des figures.

 

 Chapitre

Ce fragment, qui s’apparente à un aide-mémoire enfilé au-dessus de la liasse, est un des deux textes dans lequel Pascal fait mention d’un chapitre.

Chapitre au sens premier désigne une division d’un ouvrage ou d’un livre, afin que les matières soient plus distinguées et moins confuses (Furetière). Faut-il entendre ce mot en ce sens littéral, ce qui signifierait qu’il prévoyait de diviser son livre en chapitres ? C’était déjà le cas dans le fragment Imagination, Vanité 31 (Laf. 44-45, Sel. 78)  où Pascal a ajouté et encadré dans la marge Il faut commencer par là le chapitre des puissances trompeuses. Était-ce le titre d’un chapitre du futur ouvrage ? Ce n’est pas impossible, quoique dans Ordre 2 (Laf. 2-4, Sel. 38), il parle de dialogues et de lettres, et que dans Laf. 781-782, Sel. 644, il soit question de parties. 

Le mot chapitre se dit aussi figurément de certaines matières particulières dont on parle : après qu’on eut parlé de plusieurs choses, enfin on vint sur son chapitre, c’est-à-dire à parler de lui, à l’examiner (Furetière).

Il est en ce sens possible aussi qu’il soit une autre façon de nommer la liasse Vanité, ou dans le cas présent les liasses Fondement et Loi figurative, qui sont chacune un chantier de travail portant sur un « noyau » (Mesnard Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., p. 403), une question particulière. Voir l’étude de J. Mesnard, “Pourquoi les Pensées de Pascal se présentent-elles sous forme de fragments ?”, Papers on french seventeenth century literature, vol. X, n° 19, 1983, p. 635-649, repris in La culture du XVIIe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 1992, p. 363-370). Il faudrait alors y voir « des divisions que les Copies nous restituent », comme le proposait J. Mesnard dans “Aux origines de l’édition des Pensées : les deux copies”, in Les « Pensées » de Pascal ont trois cents ans, Clermont-Ferrand, G. de Bussac, 1971, p. 24  (en précisant qu’il s’agit de divisions d’un classement et non d’un plan).

 

Fondements est au pluriel. Voir la présentation générale de la liasse Fondement, qui montre que le mot est employé couramment par Pascal au singulier comme au pluriel.

Pascal prévoit sans doute un remaniement dans le groupement de ses papiers. Comme c’est souvent le cas chez lui, il projette de faire précéder une proposition ou une théorie par l’explication de sa cause, ou de la « raison des effets ». La partie de la liasse Loi figurative qui porte sur la cause des figures est destinée à être transférée en tête de l’exposition de la doctrine des figures elle-même. Voir dans les remarques de la transcription savante la discussion sur le mot chapitre.

La cause des figures n’est pas ici considérée du point de vue logique et rhétorique : il ne s’agit pas de savoir pourquoi et à quelles conditions une expression de l’ancien testament doit être prise au sens figuré ; ce sera l’objet de la liasse Loi figurative.

 

Pourquoi Jésus-Christ prophétisé en son premier avènement, pourquoi prophétisé obscurément en la manière.

 

Pascal envisage ici la cause des figures sous l’angle du projet de Dieu. Pourquoi Jésus-Christ devait-il être prophétisé ? la réponse a été esquissée a contrario dans Fausseté des autres religions : Jésus-Christ devait bénéficier d’un fondement prophétique, pour le distinguer des faux prophètes comme Mahomet.

Pourquoi Jésus-Christ a-t-il été prophétisé obscurément, pour ce qui touche la manière de son premier avènement ? Pascal abrège ici une idée complexe, expliquée dans le fragment Loi figurative 11 (Laf. 255, Sel. 287) : l’annonce du Messie comportait deux aspects. La thèse de Pascal est que la prédiction du temps de l’avènement a été faite en termes clairs, car les computations chronologiques n’exigent que l’usage de la raison. En revanche, la manière dont le Messie est apparu, en la personne humble et cachée de Jésus-Christ, devait être prédite obscurément, afin que seuls les cœurs purs soient aptes à le reconnaître, et non les cœurs endurcis. Car l’intelligence des biens promis dépend du cœur qui appelle bien ce qu’il aime, mais l’intelligence du temps promis ne dépend point du cœur. Et ainsi la prédiction claire du temps et obscure des biens ne déçoit que les seuls méchants. De sorte que la prophétie du Christ, pour le rendre connaissable aux bons et méconnaissable aux méchants, devait revêtir un caractère de clair-obscur. Voir sur ce point Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 19 sq.

Prophéties VIII (Laf. 502, Sel. 738). C’est pour cela que les prophéties ont un sens caché, le spirituel, dont ce peuple était ennemi, sous le charnel dont il était ami. Si le sens spirituel eût été découvert ils n’étaient pas capables de l’aimer et ne pouvant le porter ils n’eussent point eu le zèle pour la conservation de leurs livres et de leurs cérémonies et s’ils avaient aimé ces promesses spirituelles et qu’ils les eussent conservées incorrompues jusqu’au messie leur témoignage n’eût point eu de force puisqu’ils en eussent été amis.

Voilà pourquoi il était bon que le sens spirituel fût couvert, mais d’un autre côté si ce sens eût été tellement caché qu’il n’eût point du tout paru il n’eût pu servir de preuve au messie. Qu’a-t-il donc été fait ?

Il a été couvert sous le temporel en la foule des passages et a été découvert si clairement en quelques-uns, outre que le temps et l’état du monde ont été prédits si clairement qu’il est plus clair que le soleil, et ce sens spirituel est si clairement expliqué en quelques endroits qu’il fallait un aveuglement pareil à celui que la chair jette dans l’esprit quand il lui est assujetti pour ne le pas reconnaître.

Le développement des suites de ce principe est remis par Pascal à la liasse Loi figurative.

Sur les raisons d’être du sens spirituel des prophéties selon Pascal, voir Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 394 sq., et Force Pierre, Le problème herméneutique chez Pascal.