Fragment Fondement n° 15 / 21  – Papier original : RO 59-5

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Fondement n° 289 p. 119 v° / C2 : p. 146

Éditions de Port-Royal : Chap. X - Juifs : 1669 et janvier 1670 p. 77  / 1678 n° 2 p. 77

Éditions savantes : Faugère II, 251, XV / Havet XV.3 / Brunschvicg 645 / Tourneur p. 253-2 / Le Guern 223 / Lafuma 238 / Sellier 270

 

 

 

Figures.

 

Dieu voulant priver les siens des biens périssables pour montrer que ce n’était pas par impuissance, il a fait le peuple juif.

 

 

Le titre de fragment montre qu’il est, dans la liasse Fondement, l’une des pierres d’attente qui préparent la liasse Loi figurative.

La brièveté du texte s’explique par le fait que dans les dossiers consacrés aux Preuves par les Juifs, Pascal travaillait précisément à montrer comment l’histoire d’Israël témoigne de la toute-puissance de Dieu. Mais il ne s’agit pas seulement pour lui de montrer que Dieu intervient dans l’Histoire pour marquer sa puissance : il cherche surtout à montrer que ces interventions sont figuratives des vérités spirituelles et des biens éternels.

 

Analyse détaillée...

Fragments connexes

 

Loi figurative 23 (Laf. 268, Sel. 299). Figures. La lettre tue - Tout arrivait en figures.

Loi figurative 30 (Laf. 275, Sel. 306). Figures.

Isaïe - 51. la mer Rouge image de la rédemption.

Ut sciatis quod filius hominis habet potestatem remittendi peccata tibi dico surge.

Dieu voulant faire paraître qu’il pouvait former un peuple saint d’une sainteté invisible et le remplir d’une gloire éternelle a fait des choses visibles. Comme la nature est une image de la grâce il a fait dans les biens de la nature ce qu’il devait faire dans ceux de la grâce, afin qu’on jugeât qu’il pouvait faire l’invisible puisqu’il faisait bien le visible.

Il a donc sauvé le peuple du déluge ; il l’a fait naître d’Abraham, il l’a racheté d’entre ses ennemis et l’a mis dans le repos.

L’objet de Dieu n’était pas de sauver du déluge, et de faire naître tout un peuple d’Abraham pour n’introduire que dans une terre grasse.

Et même la grâce n’est qu’une figure de la gloire. Car elle n’est pas la dernière fin. Elle a été figurée par la loi et figure elle-même la gloire, mais elle en est la figure et le principe ou la cause.

[...] Dieu a donc montré le pouvoir qu’il a de donner les biens invisibles par celui qu’il a montré qu’il avait sur les visibles.

Perpétuité 2 (Laf. 280, Sel. 312). Les états périraient si on ne faisait ployer souvent les lois à la nécessité, mais jamais la religion n’a souffert cela et n’en a usé. Aussi il faut ces accommodements ou des miracles.

Il n’est pas étrange qu’on se conserve en ployant, et ce n’est pas proprement se maintenir, et encore périssent-ils enfin entièrement. Il n’y en a point qui ait duré 1000 ans. Mais que cette religion se soit toujours maintenue et inflexible... Cela est divin.

Dossier de travail (Laf. 392, Sel. 11). Figures.

Dieu voulant se former un peuple saint, qu’il séparerait de toutes les autres nations, qu’il délivrerait de ses ennemis, qu’il mettrait dans un lieu de repos a promis de le faire et a prédit par ses prophètes le temps et la manière de sa venue. Et cependant pour affermir l’espérance de ses élus dans tous les temps il leur en a fait voir l’image, sans les laisser jamais sans des assurances de sa puissance et de sa volonté pour leur salut, car dans la création de l’homme Adam en était le témoin et le dépositaire de la promesse du Sauveur qui devait naître de la femme.

 Lorsque les hommes étaient encore si proches de la création qu’ils ne pouvaient avoir oublié leur création et leur chute, lorsque ceux qui avaient vu Adam n’ont plus été au monde, Dieu a envoyé Noé et l’a sauvé et noyé toute la terre par un miracle qui marquait assez et le pouvoir qu’il avait de sauver le monde et la volonté qu’il avait de le faire et de faire naître de la semence de la femme celui qu’il avait promis.

Preuves par les Juifs I (Laf. 451, Sel. 691). Dans cette recherche le peuple juif attire d’abord mon attention par quantité de choses admirables et singulières qui y paraissent.

Je vois d’abord que c’est un peuple tout composé de frères, et au lieu que tous les autres sont formés de l’assemblage d’une infinité de familles, celui-ci quoique si étrangement abondant est tout sorti d’un seul homme, et étant ainsi tous une même chair et membres les uns des autres, composent un puissant état d’une seule famille, cela est unique.

 Cette famille ou ce peuple est le plus ancien qui soit en la connaissance des hommes, ce qui me semble lui attirer une vénération particulière. Et principalement dans la recherche que nous faisons, puisque si Dieu s’est de tout temps communiqué aux hommes, c’est à ceux-ci qu’il faut recourir pour en savoir la tradition.

Ce peuple n’est pas seulement considérable par son antiquité mais il est encore singulier en sa durée, qui a toujours continué depuis son origine jusqu’à maintenant, car au lieu que les peuples de Grèce et d’Italie, de Lacédémone, d’Athènes, de Rome et les autres qui sont venus si longtemps après soient péris il y a si longtemps, ceux-ci subsistent toujours et malgré les entreprises des tant de puissants rois qui ont cent fois essayé de les faire périr, comme leurs historiens le témoignent, et comme il est aisé de le juger par l’ordre naturel des choses pendant un si long espace d’années. Ils ont toujours été conservés néanmoins, et cette conservation a été prédite. Et s’étendant depuis les premiers temps jusques aux derniers, leur histoire enferme dans sa durée, celle de toutes nos histoires.

La loi par laquelle ce peuple est gouverné est tout ensemble, la plus ancienne loi du monde, la plus parfaite et la seule qui ait toujours été gardée sans interruption dans un état. C’est ce que Josèphe montre admirablement contre Appion, et Philon juif, en divers lieux où ils font voir qu’elle est si ancienne que le nom même de loi n’a été connu des plus anciens que plus de mille ans après, en sorte que Homère qui a écrit l’histoire de tant d’états ne s’en est jamais servi. Et il est aisé de juger de sa perfection par la simple lecture, où l’on voit qu’on a pourvu à toutes choses, avec tant de sagesse, tant d’équité et tant de jugement que les plus anciens législateurs grecs et romains en ayant eu quelque lumière en ont emprunté leurs principales lois, ce qui paraît par celle qu’ils appellent des 12 Tables, et par les autres preuves que Josèphe en donne..

 Mais cette loi est en même temps la plus sévère et la plus rigoureuse de toutes en ce qui regarde le culte de leur religion obligeant ce peuple pour le retenir dans son devoir, à mille observations particulières et pénibles sur peine de la vie, de sorte que c’est une chose bien étonnante, qu’elle se soit toujours conservée constamment durant tant de siècles, par un peuple rebelle et impatient comme celui-ci pendant que tous les autres états ont changé de temps en temps leurs lois quoique tout autrement faciles.

Le livre qui contient cette loi la première de toutes, est lui-même le plus ancien livre du monde, ceux d’Homère, d’Hésiode et les autres n’étant que six ou sept cents ans depuis.

Preuves par les Juifs III (Laf. 453, Sel. 693). Isaïe 65. Que les biens temporels sont faux et que le vrai bien est d’être uni à Dieu.

Preuves par les Juifs IV (Laf. 454, Sel. 694). Il est certain que nous voyons en plusieurs endroits du monde, un peuple particulier séparé de tous les autres peuples du monde qui s’appelle le peuple juif.

[...] Je vois donc des faiseurs de religions en plusieurs endroits du monde et dans tous les temps, mais ils n’ont ni la morale qui peut me plaire, ni les preuves qui peuvent m’arrêter, et qu’ainsi j’aurais refusé également, et la religion de Mahomet et celle de la Chine et celle des anciens Romains et celle des Égyptiens par cette seule raison que l’une n’ayant point plus de marques de vérité que l’autre, ni rien qui me déterminât nécessairement. La raison ne peut pencher plutôt vers l’une que vers l’autre.

Mais en considérant ainsi cette inconstante et bizarre variété de mœurs et de créances dans les divers temps je trouve en un coin du monde, un peuple particulier séparé de tous les autres peuples de la terre, le plus ancien de tous et dont les histoires, précèdent de plusieurs siècles les plus anciennes que nous ayons.

Je trouve donc ce peuple grand et nombreux sorti d’un seul homme, qui adore un seul Dieu, et qui se conduit par une loi qu’ils disent tenir de sa main ils soutiennent qu’ils sont les seuls du monde auxquels Dieu a révélé ses mystères. Que tous les hommes sont corrompus et dans la disgrâce de Dieu, qu’ils sont tous abandonnés à leur sens et à leur propre esprit. Et que de là viennent les étranges égarements et les changements continuels qui arrivent entre eux et de religions et de coutumes. Au lieu qu’ils demeurent inébranlables dans leur conduite, mais que Dieu ne laissera point éternellement les autres peuples dans ces ténèbres, qu’il viendra un libérateur, pour tous, qu’ils sont au monde pour l’annoncer aux hommes, qu’ils sont formés exprès pour être les avant-coureurs et les hérauts de ce grand avènement, et pour appeler tous les peuples à s’unir à eux dans l’attente de ce libérateur.

La rencontre de ce peuple m’étonne, et me semble digne de l’attention.

Je considère cette loi qu’ils se vantent de tenir de Dieu et je la trouve admirable C’est la première loi de toutes et de telle sorte qu’avant même que le mot de loi fût en usage parmi les Grecs, il y avait près de mille ans qu’ils l’avaient reçue et observée sans interruption. Ainsi je trouve étrange que la première loi du monde se rencontre aussi la plus parfaite en sorte que les plus grands législateurs en ont emprunté les leurs comme il paraît par la Loi des 12 Tables d’Athènes qui fut ensuite prise par les Romains et comme il serait aisé de le montrer, si Josèphe et d’autres n’avaient assez traité cette matière.

Preuves par les Juifs V (Laf. 456, Sel. 696). Ceci est effectif : Pendant que tous les philosophes se séparent en différentes sectes il se trouve en un coin du monde des gens qui sont les plus anciens du monde, déclarant que tout le monde est dans l’erreur, que Dieu leur a révélé la vérité, qu’elle sera toujours sur la terre. En effet toutes les autres sectes cessent ; celle-là dure toujours et depuis 4 000 ans ils déclarent qu’ils tiennent de leurs ancêtres que l’homme est déchu de la communication avec Dieu dans un entier éloignement de Dieu, mais qu’il a promis de les racheter que cette doctrine serait toujours sur la terre, que leur loi a double sens.

[...] Que depuis les juifs sont épars partout en malédiction, et subsistants néanmoins.

 

Mots-clés : BienDieuFigureImpuissancePérissablePeuple.