Utilisation des Copies

 

La Copie C1 est-elle une copie de travail pour l’édition ?

 

Ph. Sellier (Ibid., 2010, Introduction p. 31) résume ainsi l’impression donnée par la Copie C1 : « le texte de C1 a été abîmé par des corrections de mains multiples (Arnauld, Nicole, É. Périer), à tel point qu’on ne discerne plus toujours ce qui est copie originelle et ajouts [...] ». De plus, de nombreuses marques tracées à la plume, à la sanguine, ou à la mine de plomb, témoignent d’un travail intense dont les phases et leur chronologie sont difficiles à cerner.

L’encre et l’écriture régulière du copiste facilitent le repérage de ses interventions (hésitations, corrections). Celles du réviseur sont moins évidentes, mais ont été confirmées par une comparaison minutieuse des deux Copies. Trois autres mains ont été reconnues, d’abord par P. Faugère (1844), puis par J. Mesnard (1971), comme étant celles d’Antoine Arnauld, de Pierre Nicole et d’Étienne Périer qui ont proposé des corrections dans une encre violette plus ou moins foncée, puis à la sanguine. Les corrections qui consistent en un simple trait tracé à la plume pour signaler qu’il ne faut pas retenir un fragment, un paragraphe ou une expression, ne sont pas identifiables. Aucune de ces propositions n’a été intégrée au texte de la Copie C2. En revanche, certaines de ces corrections ont été prises en compte dans le texte de l’édition.

 

Corrections proposées pour l’édition de 1670

Si Étienne intervient dans la préparation des éditions de 1670 et 1678, Arnauld et Nicole ne semblent pas avoir laissé de traces liées à l’édition de 1678. Les unités concernées par les corrections sont les suivantes :

Antoine Arnauld : Grandeur (1 fragment) Contrariétés (2), Transition (2), Fausseté des autres religions (2), Fondements (1), Preuves par discours I (unité II) (1).

Pierre Nicole : Vanité (5), Souverain bien (1), Soumission (8), Prophéties (4), Preuves par les prophéties V (unité XVI) (1).

Étienne Périer : Philosophes (1), Loi figurative (1), Morale chrétienne (5), Preuves par les prophéties VIII (unité XIX) (1), Pensées diverses (unité XXIII (3), XXVI (3) XXVIII (1), XXX (1)) et peut-être Preuves par discours II à IV (unités III, IV et V) dans lesquelles les corrections n’ont été retenues qu’en 1678.

En fait, si l’on compare ces traces avec les corrections et les ajouts effectués dans l’édition, on constate qu’elles ne représentent qu’une infime contribution au travail réalisé par le Comité.

 

Les nouveaux fragments proposés pour l’édition de 1678

Les traces qui ont été laissées pour préparer l’édition de 1678 sont plus importantes en nombre et plus variées que celles qui étaient destinées à l’édition de 1670. La concordance avec l’édition permet de mettre en évidence deux phases principales de travail : un temps de repérage de quelques fragments déjà retenus dans l’édition de 1670, et une phase complexe de sélection de nouveaux fragments pour 1678.

Selon J. Mesnard (Ibid., 1971, p. 19), les corrections proposées à la sanguine seraient dues à Étienne. C’est aussi lui qui utilise la sanguine pour repérer certains textes qui ont déjà été intégrés dans l’édition de 1670 et en barrer d’autres. Ces deux opérations ont pu être simultanées. Cette phase s’accompagne de marques diverses ajoutées en marge à la sanguine.

            

 

Ces signes sont parfois accompagnés d’un commentaire souvent en relation avec le chapitre de l’édition dans lequel ils ont été vus.

Liasses et dossiers concernés : Vanité, Misère, Raisons des effets, Philosophes, Souverain bien, Soumission, Fausseté des autres religions, Loi figurative, Preuves de Moïse, Prophéties, Morale chrétienne, Dossier de travail (unité I), Preuves par discours I et II (unités II et III), Preuves par les juifs IV et VI (unités IX et XI), Preuves par les prophéties I et VIII (unités XII et XIX), Pensées diverses (unités XXIII, XXV, XXVI), Miracles (unités XXXIII et XXXIV).

Une deuxième phase, dans laquelle alternent sanguine et encre noire, a consisté à marquer par des lettres M, B, ou R certains fragments ou paragraphes non encore retenus dans l’édition.

         

 

Sur 40 fragments ajoutés à l’édition, tous ont au moins été marqués d’un B (35 fois) ou d’un M (5 fois) coché ou non. D’autre part, deux fragments inconnus des Copies ont été ajoutés dans cette édition (Laf. 975, Sel. 739 et Laf. 976, Sel. 740). Un texte qui existait en partie en 1670 (p. 26), et qui a été ajouté intégralement en 1678 (p. 124), s’est retrouvé en double dans l’édition.

Le sens de ces marques, proposé par Paul-Louis Couchoud (Ibid., 1948, p. 9) puis par J. Mesnard (B = Bien, M = Mal, R = A rejeter), ne paraît pas conforme à ces résultats : les cinq fragments marqués M et ajoutés à l’édition n’ont pas plus été modifiés que ceux marqués B. Seuls les fragments de la liasse Raisons des effets, auxquels il faut ajouter un texte barré de “Disproportion de l’homme” Voilà une partie des causes qui rendent l’homme si imbécile [...] il est composé de deux natures différentes (Transition 4 - Laf. 199, Sel. 230), ont été marqués d’un R. Aucun élément ne permet d’affirmer qu’une autre personne qu’Étienne soit intervenue sur la Copie à ce niveau. Cela d’ailleurs n’empêche pas que d’autres personnes ont pu participer à cette sélection. Étienne a pu servir de secrétaire. De plus, cette sélection est plus positive que ne le suggère P.-L. Couchoud : ce n’est pas le travail d’un censeur, mais plutôt celui de la famille de Pascal qui avait le souci d’intervenir au minimum sur le texte publié.

 

La Copie C2 : une copie presque épargnée

 

Contrairement à C1, cette Copie ne contient aucune trace de son utilisation dans la préparation de l’édition de Port-Royal. En revanche, la copie Sainte-Beuve, copie figurée du ms Périer selon J. Mesnard, montre que Louis Périer a largement puisé dans cette Copie.

Jean Mesnard (OC, III, p. 498 et OC I, p. 295) voit la main de Bossut ainsi que celle d’un collaborateur sur les commentaires « copié » et « à voir » ajoutés aux pièces VI, VII, VIII, X et XII du Recueil RC2. Toutes ces marques sont notées au crayon.

D’autres traces présentes dans C2, toujours au crayon, peuvent aussi être attribuées à Bossut. Parmi les textes inédits publiés dans l’édition Bossut (1779), deux textes ne proviennent ni de l’édition Desmolets (1728), ni des copies Sainte-Beuve, Théméricourt, le Recueil de l’oratoire de Troyes ou Montempuys, ni de l’édition de Condorcet (1776) :

Misère 9 (Laf. 60, Sel. 94) : L’art de fronder, bouleverser les États [...] curieux examinateurs des coutumes reçues. Ce texte est dans l’édition de Port-Royal (chap. XXV, § 6) mais transcrit ici selon l’original (ou une des Copies). Ce texte est signalé par un trait vertical tracé au crayon dans C2 p. 37.

(Laf. 536-537, Sel. 458) : Toutes les bonnes maximes sont dans le monde : on ne manque qu’à les appliquer. [...] et l’esprit ne peut le souffrir. Seule une partie de ce texte est dans l’édition de Port-Royal (chap. XXIX, 20). Ce texte est signalé par un trait au crayon dans C2 p. 282 puis par des croix p. 283. P. 283, d’autres croix ont été barrées. Bossut ne les a pas publiés.

La plupart des textes sont signalés dans la marge au crayon par un J (i majuscule ?) ou un N, parfois très gros et accompagné d’une sorte d’accolade (p. 53, 77 à 80, 82 à 84, 311 v°, 321 v°) ou parfois d’un trait (p. 167, 219, 305). Parfois la marque est J et N ou J & N ou J N ou N. J. Les liasses Rabbinage, Figures particulières, et les dossiers XXXV et XXXII ne sont pas concernés. Ce marquage s’arrête brusquement p. 327 (au milieu du dossier XXV) sauf p. 423 v° (un J).

D’autres marques correspondent probablement à la même phase de marquage : cy devan pag 76 et 77 p. 82 ; Tous (Tout ?) a examiner écrit en haut de la page 179 ; quatre feui. plus loin p. 261 ; quatre feuill. avant p. 269, ainsi que de grandes croix (certaines sont barrées p. 278, 280 - d’autres non p. 280, 283 - ou multiples p. 282 ou en forme de X p. 289 v°). Les références quatre feui. plus loin et quatre feuill. avant correspondent à deux paragraphes dont le thème est le schisme (Miracles III - Laf. 878, Sel. 442 et Miracles III - Laf. 904, Sel. 450). Le commentaire ci-devant p. 76 et 77, ajouté dans la marge d’un fragment titré Divertissement (Divertissement 5 - Laf. 137, Sel. 169) fait référence au plus grand fragment sur le divertissement (Divertissement 4 - Laf. 136, Sel. 168).

Il existe aussi d’autres marques ajoutées au crayon dont une partie pourrait être de Faugère.

Début de l’article...