Fragment Grandeur n° 12 / 14 Papier original : RO 394-2

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Grandeur n° 157 p. 39 v° / C2 : p. 60-61

Éditions de Port-Royal : Chap. XXIII - Grandeur de l’homme : 1669 et janv. 1670 p. 179 / 1678 n° 3 p. 175

Éditions savantes : Faugère II, 82, IX / Havet I.3 / Brunschvicg 398 / Tourneur p. 196-2 / Le Guern 107 / Lafuma 116 / Sellier 148

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Bibliographie

 

 

ERNST Pol, Approches pascaliennes, Gembloux, Duculot, 1970, p. 131 sq.

THIROUIN Laurent, “Les premières liasses des Pensées : architecture et signification”, XVIIe Siècle, n° 177, oct.-déc. 1992, n° 4, p. 451-467.

 

 

Éclaircissements

 

Toutes ces misères-là même prouvent sa grandeur.

 

Davidson Hugh, The origins of certainty, p. 20. Implication mutuelle dans le renversement du pour au contre.

Russier Jeanne, La foi selon Pascal, I, p. 86 sq. La grandeur marquée par la misère. « Il y a donc, entre la grandeur et la misère, un rapport complexe de cause à effet dans un sens, de signe à chose signifiée dans l’autre : la grandeur est source de misère, et la misère est signe de grandeur » : p. 88. Donc la grandeur se conclut de la misère.

Chevalier Jacques, Pascal, Paris, Plon, 1922, p. 251 sq.

Descotes Dominique, L’argumentation chez Pascal, p. 428 sq. Renversement du pour au contre et mécanisme du passage de la grandeur à la misère et inversement.

Pascal arrête en route le retournement, qui aurait pu être complet, pour approfondir la nature d’une phase et lui donner une expression dramatique, ou plus exactement tragique. Le roi dépossédé est un personnage tragique.

 

Ce sont misères de grand seigneur, misères d’un roi dépossédé.

 

Sur l’idée de dépossession, voir Grandeur 13 (Laf. 117, Sel. 149).

 

 Tragédie

 

Alors que la liasse Vanité présente les impuissances de l’homme sous un aspect plutôt comique, ce fragment de Grandeur  fait entrer dans le registre tragique : la définition de la tragédie, c’est qu’elle présente les grandeurs et les malheurs catastrophiques qui frappent les grands de ce monde.

Voir Morel Jacques, La tragédie, Paris, Colin, 1964, p. 9. Le genre tragique est d’abord défini par son sujet ; il évoque les revers de fortune auxquels sont exposés les grands de ce monde. La dimension morale et religieuse est visible : il s’agit d’apporter aux princes un avertissement salutaire, et aux peuples qui leur sont soumis une puissante consolation. L’auteur renvoie, entre autres, à Peletier du Mans, L’art poétique, 1555 : « La comédie et la tragédie ont de commun qu’elles contiennent chacune cinq actes, ni plus ni moins ; au demeurant elles sont toutes diverses. Car au lieu des personnes comiques, qui sont de basse condition, en la tragédie s’introduisent rois, princes et grands seigneurs. Et au lieu qu’en la comédie les choses ont joyeuse issue, en la tragédie la fin est toujours luctueuse et lamentable, ou horrible à voir. Car la matière d’icelle sont occisions, exits malheureux, définements de fortunes, d’enfants et de parents ». Il mentionne aussi Scaliger Jules César, Poétique, Livre I, ch. VI, 1561. « La tragédie emprunte ses sujets, comme la comédie, à la vie des hommes ; mais elle s’en distingue sur trois points : condition des personnages, nature des situations et des actions, dénouement ; d’où il résulte que son style aussi doit être différent. A la comédie les champs fournissent les Chrémès, les Dave, les Thaïs, tous de modeste origine ; le début n’est pas exempt d’agitation, mais la fin est heureuse ; le langage se borne au registre moyen. La tragédie met en scène des rois et des princes, empruntant ses personnages aux cités, aux places et aux camps ; le commencement est plutôt calme, mais le dénouement est horrible ; le style est sérieux, recherché, éloigné de tout prosaïsme ; là tout respire l’inquiétude, la peur, les menaces, l’exil et la mort ».