Dossier de travail - Fragment n° 1 / 35  – Le papier original est perdu

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 1 p. 191 / C2 : p. 1

Éditions savantes : Faugère II, 384, LIII / Brunschvicg 197 / Le Guern 363 / Lafuma 383 / Sellier 2

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Bibliographie

 

 

MESNARD Jean, “Achèvement et inachèvement dans les Pensées de Pascal”, Studi francesi, 143, anno XLVIII, maggio-agosto 2004, p. 300-320. Voir p. 312.

MESNARD Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., Paris SEDES, 1993.

THIROUIN Laurent, “Les premières liasses des Pensées : architecture et signification”, XVIIe Siècle, n° 177, oct.-déc. 1992, n° 4, p. 451-467.

 

 

Éclaircissements

 

D’être insensible à mépriser les choses intéressantes et devenir insensible au point qui nous intéresse le plus.

 

Pascal recourt souvent à l’argument selon lequel les incrédules pris dans le divertissement vont contre leur intérêt propre, et que c’est un effet d’inconscience qui a quelque chose d’incompréhensible. Ce fragment est développé dans Preuves par discours II (Laf. 427, Sel. 681). Rien n'est si important à l'homme que son état ; rien ne lui est si redoutable que l'éternité. Et ainsi, qu'il se trouve des hommes indifférents à la perte de leur être et au péril d'une éternité de misères, cela n'est point naturel. Ils sont tout autres à l'égard de toutes les autres choses : ils craignent jusqu'aux plus légères, ils les prévoient, ils les sentent ; et ce même homme qui passe tant de jours et de nuits dans la rage et dans le désespoir pour la perte d'une charge ou pour quelque offense imaginaire à son honneur, c'est celui-là même qui sait qu'il va tout perdre par la mort, sans inquiétude et sans émotion. C'est une chose monstrueuse de voir dans un même cœur et en même temps cette sensibilité pour les moindres choses et cette étrange insensibilité pour les plus grandes. C'est un enchantement incompréhensible, et un assoupissement surnaturel, qui marque une force toute-puissante qui le cause. Il faut qu'il y ait un étrange renversement dans la nature de l'homme pour faire gloire d'être dans cet état, dans lequel il semble incroyable qu'une seule personne puisse être.

La disproportion entre l’intérêt que devraient présenter les choses et le peu d’importance qu’on leur accorde est preuve de vanité. Ce fragment doit donc être associé à la liasse qui porte ce titre, comme en témoignent les fragments de la liasse Vanité que l’on peut associer au présent passage.

Laf. 632, Sel. 525. La sensibilité de l'homme aux petites choses et l'insensibilité aux plus grandes choses, marque d'un étrange renversement.

D'être insensible à mépriser les choses intéressantes : est-ce que cela veut dire être insensible au point de mépriser les choses intéressantes ?

Insensible, selon Furetière, signifie figurément en morale, n’être ému par aucune passion de l’âme : un stoïcien est insensible aux injures. Il faut donc entendre être insensible au fait que l’on méprise les choses qui nous intéressent.

Intéressant : qui porte avantage ou préjudice à quelqu’un. C’est le sens du verbe intéresser dans la suite du fragment.

Être insensible..., devenir insensible : s’agit-il de deux états, ou du développement d’un processus ? Ce n’est pas le seul cas où le problème se pose dans les Pensées. On peut supposer que Pascal décrit ici le processus de l’endurcissement, qui commence par les choses intéressantes en général, et qui finit à ce qui est le plus intéressant.