Dossier de travail - Fragment n° 21 / 35  – Papier original : RO 77-3

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 18 p. 195 v° / C2 : p. 7

Éditions de Port-Royal : Chap. XXVIII - Pensées Chrestiennes : 1669 et janvier 1670 p. 272  /

1678 n° 74 p. 264

Éditions savantes : Faugère II, 79, III / Havet XXIV.48 / Brunschvicg 174 / Tourneur p. 304-1 / Le Guern 382 / Lafuma 403 / Sellier 22

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Bibliographie

 

 

CAZELLES Henri, Introduction à la Bible, tome 2, Introduction critique à l’Ancien Testament, Paris, Desclée, 1973.

Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, Paris, Cerf, 1993.

LEDUC-FAYETTE Denise, Pascal et le mystère du mal. La clef de Job, Paris, Cerf, 1996.

MESNARD Jean, “Achèvement et inachèvement dans les Pensées de Pascal”, Studi francesi, 143, anno XLVIII, maggio-agosto 2004, p. 300-320.

NORMAND Maxime, Sagesse classique : sapiential biblique et littérature morale dans la seconde moitié du dix-septième siècle en France, Thèse de doctorat, Paris IV-Sorbonne, 2007.

SELLIER Philippe, Port-Royal et la littérature, I, Pascal, 2e éd., Paris, Champion, 2010.

STEINMANN Jean, Le livre de Job, Paris, Cerf, 1955.

 

 

Éclaircissements

 

Mesnard Jean, “Achèvement et inachèvement dans les Pensées de Pascal”, Studi francesi, 143, anno XLVIII, maggio-agosto 2004, p. 300-320. Voir p. 307. Rapport génétique avec les fragments connexes.

 

Misère.

 

Voir notre commentaire sur les fragments intitulés Misère, et la liasse Misère.

 

Salomon et Job ont le mieux connu et le mieux parlé de la misère de l’homme, l’un le plus heureux et l’autre le plus malheureux, l’un connaissant la vanité des plaisirs par expérience, l’autre la vérité des maux.

 

Voir notre commentaire sur le fragment Misère 18 (Laf. 69, Sel. 103), Misère. Job et Salomon, dont nous ne reprenons ici que les éléments pertinents.

Leduc-Fayette Denise, Pascal et le mystère du mal. La clef de Job, p. 124 sq. Le parallèle entre Job et Salomon est un lieu commun où les deux personnages sont considérés non dans leur individualité, mais comme des types. Salomon a été le plus heureux, et il est bien placé pour connaître la vanité des plaisirs. Job est le plus malheureux parce qu’il a connu personnellement la plus profonde misère, et il est le mieux placé pour parler de la vérité des maux.

Voir par exemple Charron Pierre, Préface de la Sagesse, éd. Fayard, p. 227 : « Job, un des plus suffisants en cette matière tant en théorique qu’en pratique, l’a fort au long dépeint et après lui, Salomon, en leurs livres ». Les exemples de Job et de Salomon sont redondants chez Charron, mais complémentaires chez Pascal.

L’originalité de ce fragment consiste dans le fait qu’on y retrouve l’idée qu’il existe un rapport entre la condition ou l’être d’une personne et sa capacité de bien parler de ce qui répond à cette condition formulée dans le fragment Preuves de Jésus-Christ 6 (Laf. 303, Sel. 334) : Un artisan qui parle des richesses, un procureur qui parle de la guerre, de la royauté, etc., mais le riche parle bien des richesses, le roi parle froidement d’un grand don qu’il vient de faire, et Dieu parle bien de Dieu. Voir ce qu’en écrit Sellier Philippe, Port-Royal et la littérature, I, Pascal, 2e éd., p. 224 sq.

 

Salomon

 

Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, article Salomon, p. 1105 sq. Quatrième fils de David sur le trône d’Israël, il est son successeur. Il règne environ quarante ans de 968 à 928 avant Jésus-Christ approximativement. Son règne est un temps de paix et de prospérité. Salomon pratique une politique de paix avec les pays voisins. Roi bâtisseur, il fait édifier le Temple. Sa sagesse légendaire lui vient d’une promesse divine faite en rêve la veille de son couronnement ; au plan judiciaire, il se montre avisé et son jugement est demeuré célèbre. Mais Salomon perd son trône, sa santé, et même sa sagesse à la fin de sa vie.

La chute finale de Salomon semble avoir frappé le groupe de Port-Royal autant que sa sagesse. Voir l’Avertissement des livres de l’Ecclésiaste et de la Sagesse dans la Bible de Port-Royal. Sacy insiste sur le fait que la conversion finale de Salomon n’est pas du tout certaine : « après les témoignages de l’Écriture qui semblent si forts, et le sentiment de saint Augustin, qui est conforme à celui de saint Cyprien, de saint Prosper et de quelques autres saints, il doit au moins demeurer constant qu’il n’y a rien ni de plus certain que le péché de Salomon, ni de plus incertain que sa pénitence ». De sorte que Salomon peut aussi être invoqué pour symbole de la misère de l’homme corrompu : « Cela nous suffit pour nous faire voir une vérité que nous devons repasser souvent dans notre esprit, qui est qu’il n’y a rien dans les plus grands hommes que ce que Dieu y a mis : et que cette grandeur même qu’ils ont reçue de Dieu ne les empêchera pas de tomber s’ils n’ont soin de rentrer sans cesse dans le néant d’où sa main les a tirés, et de s’humilier autant devant lui qu’il les a élevés au-dessus des autres. C’est pourquoi on peut dire qu’encore que ce prince si éclairé parle si divinement dans ce livre du néant du monde, il en est néanmoins lui-même une preuve sans comparaison plus convaincante que tout ce qu’il en a dit. Si ses paroles instruisent, son exemple étonne ; et il faut que l’orgueil humain soit bien inflexible s’il n’est ébranlé par l’objet si funeste d’une si terrible chute ». Salomon est donc témoin de la misère de l’homme à double titre : d’une part par ses écrits, d’autre part par sa propre personne. Pascal pouvait sans doute exploiter ce double aspect de cette figure symbolique.

Cazelles Henri, Introduction à la Bible, tome 2, Introduction critique à l’Ancien Testament, p. 44 sq. Salomon est présenté comme l’initiateur de la littérature sapientielle : p. 567-568. Voir sur ce sujet Normand Maxime, Sagesse classique : sapiential biblique et littérature morale dans la seconde moitié du dix-septième siècle en France, Thèse de doctorat, Paris IV-Sorbonne, 2007.

Le présent fragment insiste sur un point particulier : le tableau frappant de la misère de l’homme tracé dans les livres de l’Ancien Testament qui sont attribués à Salomon. Voir Sellier Philippe, Port-Royal et la littérature, I, Pascal, p. 133. La mention de Salomon renvoie à la conviction du XVIIe siècle que ce roi est l’auteur du Livre des Proverbes, de l’Ecclésiaste, du Cantique des cantiques, de l’Ecclésiastique et même du Livre de la Sagesse. Le livre qui insiste sur la misère de l’homme, c’est l’Ecclésiaste.

Sur l’Ecclésiaste, qui est supposé avoir été écrit par Salomon, voir Misère 24 (Laf. 75, Sel. 110).

 

Job

 

Cazelles Henri, Introduction à la Bible, tome 2, Introduction critique à l’Ancien Testament, p. 581 sq.

La Bible de Sacy explique que « Job, couvert d’ulcères et de vers, et couché sur son fumier, est devenu à toute la terre un plus grand objet de vénération, que Salomon même assis sur son trône magnifique et revêtu de sa pourpre. On ne parle plus de ce dernier qu’avec tremblement en considérant sa chute effroyable. Et l’on ne pense au contraire au premier qu’avec une extrême consolation en voyant les avantages que Dieu a tirés de sa victoire pour attirer l’affermissement de tous ses élus ». Dans le livre qui porte son nom, Job se plaint de la misère et de l’injustice qui l’affligent en des termes dont l’éloquence a marqué les esprits à travers les siècles.

Leduc-Fayette Denise, Pascal et le mystère du mal. La clef de Job, p. 382, fournit un Index des références à Job dans l’œuvre de Pascal.