Dossier de travail - Fragment n° 23 / 35  – Papier original : RO 487-3

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 20 p. 195 v° / C2 : p. 7

Éditions savantes : Faugère II, 19 / Havet I.9 / Brunschvicg 421 / Tourneur p. 304-3 / Le Guern 384 / Lafuma 405 / Sellier 24

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Bibliographie

 

 

DESCOTES Dominique, “De la XIe Provinciale aux Pensées”, Courrier du Centre International Blaise Pascal, 16, 1994, p. 35-38 ; repris in Treize études sur Blaise Pascal, Clermont-Ferrand, Preses Universitaires Blaise Pascal, 2004, p. 75-83.

FERREYROLLES Gérard, “Éthique et polémique en christianisme : le cas des Provinciales”, in J.-C. DARMON et P. DESAN (dir.), Pensée morale et genres littéraires, Paris, P. U. F., 2009, p. 63-80.

FERREYROLLES Gérard, “Saint Thomas et Pascal : les règles de la polémique chrétienne », in Séries et variations. Études littéraires offertes à Sylvain Menant, Paris, PUPS, 2010, p. 687-703.

MESNARD Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., Paris, SEDES-CDU, 1993.

SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, Paris, Colin, 1970.

THIROUIN Laurent, “Le cycle du divertissement”, in Le Pensées di Pascal : dal disegno all’edizione, Studi francesi, Rosenberg e Sellier, 143, anno XVVIII, fasc. II, mai-août 2004, Rosenberg e Sellier, p. 260-272.

THIROUIN Laurent, “Se divertir, se convertir”, in DESCOTES Dominique (dir.), Pascal auteur spirituel, Paris, Champion, 2006, p. 299-322.

 

 

Éclaircissements

 

Je blâme également et ceux qui prennent parti de louer l’homme et ceux qui le prennent de le blâmer et ceux qui le prennent de se divertir,

 

Le fragment aurait pu être présenté sous forme de trilemme, en suivant une méthode de division par dichotomie, à la manière du Sophiste de Platon.

Les deux catégories principales sont d’une part ceux qui cherchent en gémissant, que Pascal approuve, et ceux dont les certitudes ou le divertissement les empêchent de chercher.

Cette deuxième catégorie comprend deux classes distinctes : d’une part ceux qui évitent de s’interroger sur leur nature, en se plongeant dans le divertissement, et d’autre part ceux dont les idées philosophiques arrêtées les empêchent de chercher au-delà de certaines doctrines philosophiques.

Cette dernière catégorie comporte deux formes, dans lesquelles on retrouve les philosophies classiques : les uns louent la nature de l’homme, ce sont les stoïciens et les philosophes apparentés (par exemple les dogmatiques cartésiens pour ce qui touche la connaissance) qui connaissent la grandeur de l’homme, d’autre part les sceptiques et les épicuriens (représentés chez Pascal par Montaigne principalement), qui déprécient la nature de l’homme en raison de sa misère.

 

 

Recherche

 

 

 

Absence de recherche

 

 

Divertissement

   

Philosophes

 

Stoïciens

Épicuriens

 

Cette présentation a l’avantage de classer les idées et de faire apparaître des parentés entre des types d’attitudes qui ne sont ordinairement envisagés que dans leur opposition.

Les philosophes stoïciens et les épicuriens sont contraires en ce qu’ils jugent la nature humaine de manière différente ; mais ils ont en commun de s’être arrêtés à un seul de ses aspects en ignorant l’autre. Les deux premiers termes du trilemme initial sont développés dans Preuves par discours II (Laf. 430, Sel. 683). Nul autre n’a connu que l’homme est la plus excellente créature. Les uns, qui ont bien connu la réalité de son excellence, ont pris pour lâcheté et pour ingratitude les sentiments bas que les hommes ont naturellement d’eux-mêmes ; et les autres, qui ont bien connu combien cette bassesse est effective ont traité d’une superbe ridicule ces sentiments de grandeur, qui sont aussi naturels à l’homme. Levez vos yeux vers Dieu, disent les uns ; voyez celui auquel vous ressemblez, et qui vous a fait pour l’adorer. Vous pouvez vous rendre semblable à lui ; la sagesse vous y égalera, si vous voulez le suivre. « Haussez la tête, hommes libres », dit Épictète. Et les autres lui disent : « Baissez vos yeux vers la terre, chétif ver que vous êtes, et regardez les bêtes dont vous êtes le compagnon. » Que deviendra donc l’homme ? Sera-t-il égal à Dieu ou aux bêtes ? Quelle effroyable distance ! Que serons-nous donc ? Qui ne voit par tout cela que l’homme est égaré, qu’il est tombé de sa place, qu’il la cherche avec inquiétude, qu’il ne la peut plus retrouver. Et qui l’y adressera donc ? Les plus grands hommes ne l’ont pu.

Les philosophes et les hommes qui se laissent divertir sont contraires en ce que les uns évitent de penser à eux en poursuivant continuellement des activités qui les détournent de toute réflexion sur eux-mêmes, alors que les autres se caractérisent au contraire par des conceptions très caractérisées de l’homme. Mais leur point commun est d’éviter toute recherche de la vérité dans l’ordre où elle peut être trouvée, savoir l’ordre religieux.

Enfin recherche de Dieu et absence de recherche s’opposent comme des contraires exclusifs.

Le fragment ne dit rien de la différence qui sépare les raisons de blâmer telle ou telle conduite. On ne blâme pas les philosophes épicuriens, qui réduisent l’homme au rang de bête, et les stoïciens qui s’aveuglent de l’illusion de leur grandeur. De manière analogue, quoique ce soient deux manières différentes de s’imposer des œillères, la faute de ceux qui se plongent dans le divertissement est de nature différente de celle des philosophes. Mais dans ce fragment, Pascal n’en dit rien, et se contente de marquer le point commun de ces conduites, savoir qu’elles ne peuvent recueillir que désapprobation.

Il arrive que Pascal présente une classification différente, dans laquelle il distingue aussi les hommes qui cherchent et ceux qui ne cherchent pas, mais en ajoutant ceux qui servent Dieu l’ayant trouvé.

Commencement 10 (Laf. 160, Sel. 192). Il y a trois sortes de personnes : les uns qui servent Dieu l’ayant trouvé, les autres qui s’emploient à le chercher ne l’ayant pas trouvé, les autres qui vivent sans le chercher ni l’avoir trouvé. Les premiers sont raisonnables et heureux, les derniers sont fous et malheureux, ceux du milieu sont malheureux et raisonnables.

Cependant les deux classifications ne sont pas essentiellement différentes, car nul ne trouve Dieu de manière continue et définitive : on ne trouve Dieu qu’en le cherchant constamment, ce qui n’est pas toujours possible, lorsque la grâce vient à manquer. Les deux premières catégories ne sont donc pas essentiellement différentes.

Voir le rapprochement de ces deux fragments dans Mesnard Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., p. 321-322, qui insiste sur la persistance du tragique jusque chez ceux qui servent Dieu l’ayant trouvé, en raison du combat que charité et concupiscence se livrent en eux jusqu’au dernier moment de la vie.

Cette présentation comporte cependant l’inconvénient d’être une classification purement statique. Pascal lui confère un caractère dynamique en mettant l’accent sur les sentiments que chacune de ces attitudes peut inspirer, ce qui donne au texte un aspect parénétique : le lecteur se sent détourné de attitudes blâmables, et poussé vers la recherche.

Le présent fragment correspond à une phase postérieure à celle que l’on trouvait dans le fragment Contrariétés 13 (Laf. 130, Sel. 163). S’il se vante je l’abaisse

S’il s’abaisse je le vante.

Et le contredis toujours

Jusquà ce qu’il comprenne

Qu’il est un monstre incompréhensible.

Dans ce dernier texte, l’auteur se place pour ainsi dire dans le conflit des philosophes, adoptant successivement la position des stoïciens pour contredire les sceptiques et épicuriens, puis à l’inverse. Dans le présent fragment, l’auteur a pris du recul et englobe ces deux positions dans une perspective plus large et compréhensive, et plus proprement chrétienne. La présence de l’apologiste ne s’en fait pas moins fortement sentir.

Ce recul apparaît dans le redoublement du terme blâme dans l’expression blâmer ceux qui blâment l’homme. Malgré l’effet d’écho, ces deux blâmes ne sont pas de même ordre. Dans cette expression, le second blâme est celui des philosophes qui déplorent la vanité de l’homme : c’est celui que marque le terme je l’abaisse dans le fragment Contrariétés 13. Le premier blâme porte sur cette attitude intellectuelle des philosophes, qui ne comprennent pas la source et la nature de cette vanité.

Il ne s’agit plus de faire passer le lecteur d’une philosophie à l’autre, mais de l’absence de recherche à la recherche.

Le blâme dont il est question dans ce fragment se traduit, dans l’argumentation, par les procédés de la raillerie et de l’invective. Pascal a exposé la théorie rhétorique de la raillerie chrétienne dans la XIe Provinciale. Plusieurs fragments des Pensées tirent les conséquences des règles formulées dans cette lettre pour le bon usage de la raillerie, pour ce qui touche la rhétorique de l’apologétique.

Commencement 6 (Laf. 156, Sel. 188). Plaindre les athées qui cherchent, car ne sont-ils pas assez malheureux. Invectiver contre ceux qui en font vanité.

Commencement 12 (Laf. 162, Sel. 194). Commencer par plaindre les incrédules, ils sont assez malheureux par leur condition. Il ne les faudrait injurier qu’au cas que cela servît, mais cela leur nuit.

Pascal exclut dont nettement l’usage de l’invective et de l’injure à l’égard des incrédules.

 

Se divertir

 

Voir la bibliographie de la liasse Divertissement.

L’idée du divertissement fait partie des notions qui subissent un approfondissement et un développement à mesure que le lecteur avance dans les Pensées.

Dans la liasse Divertissement, elle est surtout évoquée comme effet de la crainte de la mort et des misères qui affligent la nature de l’homme. Par la suite, le divertissement revêt une signification plus profonde, comme moyen que les hommes trouvent pour se détourner de la recherche qui mène à Dieu. C’est en ce sens que Pascal l’entend dans le présent fragment.

Montaigne et Pascal diffèrent par leur manière d’évaluer le divertissement. Ils s’accordent pour reconnaître en l’homme la même tendance à se divertir. Mais chez Montaigne, la diversion est envisagée favorablement, comme quelque chose qui permet de détourner l’esprit de la douleur, et d’éviter de souffrir davantage en pensant à son mal. Montaigne s’en accommode, à tel point qu’il érige la diversion en méthode pour échapper à la crainte de la mort, ce qui en fait une thérapeutique utile. Pascal en revanche y voit une activité foncièrement inauthentique, qui revient à fermer les yeux devant une réalité déplaisante. Il pense que la tendance au divertissement est trop profonde à ses yeux pour être supprimée, parce qu’elle résulte de la corruption de la nature par le péché. Il admet aussi que le divertissement peut apparaître comme une tentative de trouver un remède au sentiment d’un malheur essentiel, inhérent à la nature de l’homme : voir Divertissement 6 (Laf. 138, Sel. 170) : Divertissement. La mort est plus aisée à supporter sans y penser que la pensée de la mort sans péril. Mais il ne peut admettre des concessions à la faiblesse humaine : le seul effort qu’elle exige est celui qui permettrait de la surmonter. Le divertissement apporte un moment de bonheur en faisant oublier la misère de la condition humaine, mais il ne supprime pas cette misère, et son caractère provisoire condamne l’homme à retomber dans l’ennui dès qu’il vient à manquer.

Au stade de la liasse Divertissement, ce concept est principalement envisagé dans une perspective purement naturelle : le divertissement est présenté comme une attitude psychologique et sociale qui consiste à détourner le regard de la misère naturelle de l’homme, indépendamment de tout aspect religieux et théologique : Les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés, pour se rendre heureux, de n’y point penser (Divertissement 2 - Laf. 133, Sel. 166). C’est pourquoi le divertissement est lié à plusieurs concepts pascaliens qui sont apparus dans les premières liasses des papiers classés : la misère, car c’est pour l’oublier qu’on se divertit ; la vanité, parce qu’il n’y a pas pire preuve de vanité que ce remède aux maux humains ; le souverain bien, car c’est son ignorance qui pousse l’homme à la poursuite de biens illusoires.

Il est même possible, d’un certain point de vue, de trouver une sorte de valeur positive au divertissement. Si l’on admet avec l’athée qu’il n’y a pas d’issue à la misère de l’homme, le divertissement se justifie en disant qu’à des maux inévitables, il n’est pas absurde de chercher pour dérivatif une « occupation violente et impétueuse » : c’est la solution du désespoir. En fait, dit Pascal, les athées « ne répondent pas cela, parce qu’ils ne se connaissent pas eux-mêmes » et sont dupes de leur propre divertissement. Du point de vue chrétien, loin d’être un remède à la misère, le divertissement en est un comble, puisqu’il y ajoute l’illusion qu’on peut lui échapper par d’aussi pitoyables expédients. C’est surtout une misère tragique, qui nous fait coopérer de toutes nos forces à notre propre malheur : Nous courons sans souci dans le précipice après que nous avons mis quelque chose devant nous pour nous empêcher de le voir (Commencement 16 - Laf. 166, Sel. 198).

Mais ce concept est aussi lié à l’apologie dans son ensemble, puisque c’est l’obstacle majeur que Pascal doit vaincre pour amener son lecteur à la recherche. Il fait partie de ces notions qui dévoilent progressivement, au fur et à mesure que l’argumentation se développe, des implications nouvelles, qui n’étaient pas nécessairement présentes dans les définitions initiales, et qui s’enrichissent progressivement par approfondissement. Le divertissement réapparaît donc par la suite, mais avec une signification nouvelle : à partir du moment où la religion chrétienne est prise en considération, la doctrine du divertissement acquiert une dimension religieuse. À la recherche inauthentique du divertissement, Pascal propose d’en substituer une qui regarde en face la misère de l’homme.

Dossier de travail (Laf. 395, Sel. 14). Quand nous voulons penser à Dieu n’y a-t-il rien qui nous détourne, nous tente de penser ailleurs ? tout cela est mauvais et né avec nous.

Du point de vue théologique, le divertissement peut être considéré non seulement comme une forme de diversion, mais comme ce qu’Augustin appelle aversion. Voir Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 163 sq. : aversio, conversio, divertissement. La vie du chrétien consiste dans l’attention à Dieu : p. 164. Le péché consiste à se détourner de Dieu : le divertissement n’est donc pas seulement une manière de détourner les yeux de la misère humaine et de la mort, c’est aussi et surtout une forme mineure de l’aversio mentis a Deo, que saint Augustin évoque dans les Confessions, X, 35. Saint Augustin s’est principalement concentré sur l’aversio-conversio dans une perspective immédiatement religieuse : « C’est en théologien surtout qu’il s’adresse à ses lecteurs ou auditeurs. Il est tout de suite question de Dieu, de l’éternité..., comme de réalités dont on ne saurait douter sérieusement : dès lors le divertissement est un oubli de Dieu, dû à la faiblesse qui nous vient du péché originel, et à une mauvaise disposition de la volonté ». Pascal est obligé d’envisager d’abord le divertissement comme réalité purement humaine. Car « au XVIIe siècle, l’incroyance gagne. Nous ne voyons rien, répètent les interlocuteurs de Pascal. Aussi ce dernier, même s’il reprend souvent la perspective et les termes mêmes de son prédécesseur, a-t-il dans une certaine mesure laïcisé la théorie. Il s’adresse à un athée. Il parlera donc souvent moins de Dieu que de la condition humaine, et le leitmotiv de l’Apologie est bien exprimé par cette pensée lapidaire : si notre condition était véritablement heureuse, il ne faudrait pas nous divertir d’y penser (Miracles III - Laf. 889, Sel. 445). Notre condition, c’est l’ignorance, le temps qui fuit, la maladie, la mort : Les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés, pour se rendre heureux, de n’y point penser (Divertissement 2 - Laf. 133, Sel. 166). Mais cette laïcisation ne doit pas nous empêcher de voir à quel point l’apologiste est resté proche de son maître, qu’il rejoint dès qu’il est parvenu à élever le lecteur à un point de vue religieux.

D’abord, il considérera d’une manière nouvelle l’aptitude de certains incroyants de refuser de se soucier de leur propre destinée et de leur souverain bien. Dans le fragment Preuves par discours II (Laf. 427, Sel. 681), il stigmatise l’inconscience de ceux qui demeurent volontairement dans l’ignorance de leur condition, et refusent de faire le moindre effort pour en sortir. Il souligne qu’une telle attitude est non seulement contraire à l’honnêteté, mais qu’elle pourrait fournir un excellent argument en faveur de la religion chrétienne : Qui souhaiterait d’avoir pour ami un homme qui discourt de cette manière ? qui le choisirait entre les autres pour lui communiquer ses affaires ? qui aurait recours à lui dans ses afflictions ? et enfin à quel usage de la vie on le pourrait destiner ? En vérité, il est glorieux à la religion d’avoir pour ennemis des hommes si déraisonnables ; et leur opposition lui est si peu dangereuse, qu’elle sert au contraire à l’établissement de ses vérités. Car la foi chrétienne ne va presque qu’à établir ces deux choses : la corruption de la nature, et la rédemption de Jésus-Christ. Or, je soutiens que s’ils ne servent pas à montrer la vérité de la rédemption par la sainteté de leurs mœurs, ils servent au moins admirablement à montrer la corruption de la nature, par des sentiments si dénaturés. Et plus bas : Rien n’est si important à l’homme que son état ; rien ne lui est si redoutable que l’éternité. Et ainsi, qu’il se trouve des hommes indifférents à la perte de leur être et au péril d’une éternité de misères, cela n’est point naturel. Ils sont tout autres à l’égard de toutes les autres choses : ils craignent jusqu’aux plus légères, ils les prévoient, ils les sentent ; et ce même homme qui passe tant de jours et de nuits dans la rage et dans le désespoir pour la perte d’une charge ou pour quelque offense imaginaire à son honneur, c’est celui-là même qui sait qu’il va tout perdre par la mort, sans inquiétude et sans émotion. C’est une chose monstrueuse de voir dans un même cœur et en même temps cette sensibilité pour les moindres choses et cette étrange insensibilité pour les plus grandes.

De ce point de vue, le divertissement est l’une des faces de la concupiscence ; c’est elle qui détourne de Dieu. C’est pourquoi Pascal voit dans cette sensibilité pour les moindres choses et cette étrange insensibilité pour les plus grandes [...] un enchantement incompréhensible et un assoupissement surnaturel, qui marque une force route puissante qui le cause ; elle prouve à ses yeux la corruption de la nature. Le divertissement est donc une des suites du péché originel et de la royauté de la concupiscence. Il n’est possible qu’à cause du pouvoir de la volonté qui détourne l’intelligence de considérer ce qui lui déplaît. À la base du divertissement, on trouve la mauvaise foi. C’est pourquoi l’homme est coupable, responsable de cette aversio, aussi bien chez Pascal que chez Augustin.

 

et je ne puis approuver que ceux qui cherchent en gémissant.

 

Ce fragment esquisse un développement auquel Pascal donne toute son ampleur dans Preuves par discours II (Laf. 427, Sel. 681). Je ne puis avoir que de la compassion pour ceux qui gémissent sincèrement dans ce doute, qui le regardent comme le dernier des malheurs, et qui, n’épargnant rien pour en sortir, font de cette recherche leurs principales et leurs plus sérieuses occupations.

Voir dans Preuves par discours II (Laf. 429, Sel. 682), le discours d’une personne qui « cherche en gémissant ».