Dossier de travail - Fragment n° 6 / 35  – Papier original : RO 485-1

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 5 p. 191 / C2 : p. 2

Éditions de Port-Royal : Chap. XIV - Jésus-Christ : 1669 et janvier 1670 p. 112  / 1678 n° 10 p. 112

Éditions savantes : Faugère II, 313, I / Havet XVII.10 / Brunschvicg 740 / Tourneur p. 300-3 / Le Guern 367 / Lafuma 388 / Sellier 7

______________________________________________________________________________________

 

 

Bibliographie

 

 

BARTMANN Bernard, Précis de théologie dogmatique, Mulhouse-Tournai, Casterman-Salvator, 1941, 2 vol.

DE NADAÏ Jean-Christophe, Jésus selon Pascal, Paris, Desclée, 2008.

MESNARD Jean, Pascal, Coll. Les écrivains devant Dieu, Paris, Desclée de Brouwer, 1965.

MESNARD Jean, “Au cœur de l’apologétique de Pascal : Dieu par Jésus-Christ”, in La culture du XVIIe siècle, Paris, P. U. F., 1992, p. 414-425.

MESNARD Jean, “La théorie des figuratifs dans les Pensées de Pascal”, La culture du XVIIe siècle, Paris, P. U. F., 1992, p. 426-453.

SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, Paris, Colin, 1970.

SELLIER Philippe, “Jésus-Christ chez Pascal”, in Port-Royal et la littérature, I, Pascal, 2e éd., Paris, Champion, 2010, p. 485-510.

SERRES Michel, Le système de Leibniz et ses modèles mathématiques, II, Paris, P. U. F., 1968.

 

 

Éclaircissements

 

Jésus-Christ que les deux Testaments regardent,

 

Le Christ est fin de l’ancien Testament, car tout l’ancien Testament tend à l’annoncer ; il est principe du nouveau, parce que c’est sa parole qui constitue la substance du Nouveau Testament ; l’un et l’autre coïncident avec le centre. Cela résume bien l’idée du christocentrisme.

Mesnard Jean, “Au cœur de l’apologétique pascalienne : Dieu par Jésus-Christ”, in La culture du XVIIe siècle, Enquêtes et synthèses, Paris, P. U. F., 1992, p. 414-425.

De Nadaï Jean-Christophe, Jésus selon Pascal, Paris, Desclée, 2008.

Voir le dossier thématique sur Jésus-Christ et la liasse Preuves de Jésus-Christ.

Loi figurative 29 (Laf. 274, Sel. 305). Preuve des deux Testaments à la fois. Pour prouver d’un coup tous les deux il ne faut que voir si les prophéties de l’un sont accomplies en l’autre. Pour examiner les prophéties il faut les entendre. Car si on croit qu’elles n’ont qu’un sens il est sûr que le Messie ne sera point venu, mais si elles ont deux sens il est sûr qu’il sera venu en Jésus-Christ.

 

l’Ancien comme son attente,

 

Sellier Philippe, “Jésus-Christ chez Pascal”, Port-Royal et la littérature, I, Pascal, 2e éd., p. 486 sq. Caractère immédiatement christocentrique de la foi de Pascal : p. 273. Comme Origène, Pascal découvre le Christ en filigrane dans tout l’ancien Testament, notamment dans les Psaumes.

Les Juifs, non seulement les prophètes, mais tout le peuple, sont porteurs de l’attente du Messie. Voir le fragment Loi figurative 17 (Laf. 262, Sel. 293) : Que pouvaient faire les Juifs, ses ennemis ? S’ils le reçoivent ils le prouvent par leur réception, car les dépositaires de l’attente du Messie le reçoivent et s’ils le renoncent ils le prouvent par leur renonciation. Les prophètes sont conscients d’annoncer le Messie spirituel. Le peuple attend un grand prince puissant, mais sous cette figure, il n’en attend pas moins lui aussi un sauveur.

Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, II, XXVIII, 422-423, in Œuvres, éd. Velat et Champailler, éd. Pléiade, Paris, Gallimard, 1961, p. 931. « Par le rapport des deux Testaments, on prouve que l’un et l’autre est divin. Ils ont tous les deux le même dessein et la même suite : l’un prépare la voie à la perfection que l’autre montre à découvert ; l’un pose le fondement et l’autre achève l’édifice ; en un mot, l’un prédit ce que l’autre fait voir accompli. » Voir Goyet Thérèse, L’humanisme de Bossuet, II, p. 295.

Ce passage de Bossuet semble faire écho à Pascal, Loi figurative 29 (Laf. 274, Sel. 305). Preuve des deux Testaments à la fois. Pour prouver d’un coup tous les deux il ne faut que voir si les prophéties de l’un sont accomplies en l’autre. Pour examiner les prophéties il faut les entendre. Car si on croit qu’elles n’ont qu’un sens il est sûr que le Messie ne sera point venu, mais si elles ont deux sens il est sûr qu’il sera venu en Jésus-Christ.

Mesnard Jean, “La théorie des figuratifs dans les Pensées de Pascal”, La culture du XVIIe siècle, Paris, P. U. F., 1992, p. 426-453. L’exégèse typique, fréquente chez saint Paul, consiste à considérer certains personnages, certains événements ou certaines institutions de l’histoire juive comme des figures du Christ. C’est par exemple le cas d’Adam. Toute l’histoire d’Israël préfigure l’histoire chrétienne.

 

le Nouveau comme son modèle,

 

Problème du sens du mot modèle. Modèle : original qu’on se propose pour imiter (Furetière).

Pascal emploie le mot modèle dans le fragment Beauté poétique, pour désigner une réalité d’ordre esthétique. Voir Laf. 586, Sel. 486Beauté poétique. Comme on dit beauté poétique on devrait aussi dire beauté géométrique et beauté médicinale, mais on ne le dit pas et la raison en est qu’on sait bien quel est l’objet de la géométrie et qu’il consiste en preuve, et quel est l’objet de la médecine et qu’il consiste en la guérison ; mais on ne sait pas en quoi consiste l’agrément qui est l’objet de la poésie. On ne sait ce que c’est que ce modèle naturel qu’il faut imiter et à faute de cette connaissance on a inventé de certains termes bizarres, siècle d’or, merveille de nos jours, fatal, etc. Et on appelle ce jargon beauté poétique.

Mais qui s’imaginera une femme sur ce modèle-là, qui consiste à dire de petites choses avec de grands mots, verra une jolie damoiselle toute pleine de miroirs et de chaînes, dont il rira parce qu’on sait mieux en quoi consiste l’agrément d’une femme que l’agrément des vers, mais ceux qui ne s’y connaîtraient pas l’admireraient en cet équipage et il y a bien des villages où on la prendrait pour la reine et c’est pourquoi nous appelons les sonnets faits sur ce modèle-là les reines de village.

Marin Louis, “Réflexions sur la notion de modèle chez Pascal”, Revue de métaphysique et de morale, 1967, p. 87-108. Dans cette excellente étude, L. Marin entend le mot modèle en un sens proche du mot structure.

Mesnard Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd. Paris, SEDES-CDU, 1993, p. 79 sq. Sur la notion de modèle. Nature du modèle de la beauté.

Mesnard Jean, “Pascal ou la maîtrise de l’esprit”, Bulletin de la Société française de philosophie, n° 3, 2008, p. 1-38. Voir p. 22 sq., sur la notion de modèle.

Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, II, XXVIII, 422-423, in Œuvres, éd. Velat et Champailler, éd. Pléiade, Paris, Gallimard, 1961, p. 931. « Par le rapport des deux Testaments, on prouve que l’un et l’autre est divin. Ils ont tous les deux le même dessein et la même suite : l’un prépare la voie à la perfection que l’autre montre à découvert ; l’un pose le fondement et l’autre achève l’édifice ; en un mot, l’un prédit ce que l’autre fait voir accompli » (texte de 1681) ; voir Goyet Thérèse, L’humanisme de Bossuet, II, p. 295.

Alors que le mot attente suppose une réalité encore absente, le mot modèle suggère que cette réalité est devenue présente, et qu’elle ordonne tout ce qui doit se produire dans l’avenir.

En quoi Jésus-Christ est-il pour les hommes un modèle ? C’est parce que Jésus-Christ est le modèle qu’il peut y avoir une Imitation de Jésus-Christ.

Bartmann Bernard, Précis de théologie dogmatique, I, p. 394 sq. Les Perfections de l’humanité du Christ. L’âme du Christ était absolument sans péché, exempte du péché originel comme du péché personnel. C’est en cela qu’il est un modèle pour l’homme.

La manière dont le Christ doit être un modèle pour les hommes est marquée dans le fragment Loi figurative 26 (Laf. 271, Sel. 302). Jésus-Christ n’a fait autre chose qu’apprendre aux hommes qu’ils s’aimaient eux-mêmes, qu’ils étaient esclaves, aveugles, malades, malheureux et pécheurs ; qu’il fallait qu’il les délivrât, éclairât, béatifiât et guérît, que cela se ferait en se haïssant soi-même et en le suivant par la misère et la mort de la croix. Cette règle est une autre forme de ce que dit Matthieu, V, 48 : « Soyez donc vous autres parfaits, comme votre Père céleste est parfait ». Mais cela s’applique au Père, et non au Christ.

Sellier Philippe, “Jésus-Christ chez Pascal”, Port-Royal et la littérature, I, Pascal, 2e éd., Paris, Champion, 2010, p. 486 sq. Caractère immédiatement christocentrique de la foi de Pascal : p. 273. Pascal incline à partir toujours du Fils de Dieu, comme le suggère le Prologue de l’Abrégé de la vie de Jésus-Christ.

 

tous deux comme leur centre.

 

Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, Paris, Colin, 1970, p. 293 sq. Jésus-Christ est le centre de tout.

Sellier Philippe, “Jésus-Christ chez Pascal”, Port-Royal et la littérature, I, Pascal, 2e éd., Paris, Champion, 2010, p. 486 sq. Caractère immédiatement christocentrique de la foi de Pascal : p. 273. Pascal incline à partir toujours du Fils de Dieu, comme le suggère le Prologue de l’Abrégé de la vie de Jésus-Christ. Comme Origène, Pascal découvre le Christ en filigrane dans tout l’Ancien Testament, notamment dans les Psaumes.

L’importance de la notion de centre dans les Pensées a été mise en lumière par Serres Michel, Le système de Leibniz et ses modèles mathématiques, II, Paris, P. U. F., 1968, p. 648 sq. Le centre est considéré comme référentiel, autrement dit comme ce à quoi toutes choses doivent être rapportées pour que soient déterminées leur juste place et leur signification. Sur Jésus-Christ considéré comme centre, ou « milieu du milieu », voir particulièrement p. 698 sq.

Prophéties VII (Laf. 499, Sel. 736). Quel homme eut jamais plus d’éclat. Le peuple juif tout entier le prédit avant sa venue. Le peuple gentil l’adore après sa venue. Ces deux peuples gentil et juif le regardent comme leur centre. Et cependant quel homme jouit jamais moins de cet éclat.

Preuves par discours III (Laf. 449, Sel. 690). Les sages [...] ont vu par lumière naturelle que s’il y a une véritable religion sur la terre, la conduite de toutes choses doit y tendre comme à son centre. Toute la conduite des choses doit avoir pour objet l’établissement et la grandeur de la religion ; les hommes doivent avoir en eux-mêmes des sentiments conformes à ce qu’elle nous enseigne ; et enfin elle doit être tellement l’objet et le centre où toutes choses tendent, que qui en saura les principes puisse rendre raison et de toute la nature de l’homme en particulier, et de toute la conduite du monde en général. [...] Qu’on examine l’ordre du monde sur cela, et qu’on voie si toutes choses ne tendent pas à l’établissement des deux chefs de notre religion.

Preuves par discours III (Laf. 449, Sel. 690). Jésus-Christ est l’objet de tout, et le centre où tout tend. Qui le connaît connaît la raison de toutes choses.

Fondement 17 (Laf. 240, Sel. 272). Preuve. Prophétie avec l’accomplissement. Ce qui a précédé et ce qui a suivi J.-C.

Les formules de ce fragment éclaircissent l’idée que Jésus-Christ doit être le modèle auquel doivent tendre les fidèles du Nouveau Testament : « les hommes doivent avoir en eux-mêmes des sentiments conformes à ce qu’elle [sc. la religion chrétienne, incarnée en Jésus-Christ] nous enseigne ».

Ernst Pol, Approches pascaliennes, p. 430 sq.