Preuves par les Juifs IV  – Papier original : RO 335 r° / v° et 339-1

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 51 p. 245-245 v° / C2 : p. 461 à 463

Éditions de Port-Royal : Chap. VIII - Image d’un homme qui s’est lassé de chercher Dieu... : 1669 et janvier 1670 p. 65-67  / 1678 n° 1 p. 67-68

Éditions savantes : Faugère II, 185, I  / Havet XIV.3 / Michaut 588 et 589 / Brunschvicg 619 et 717 / Tourneur p. 322 / Le Guern 424 / Lafuma 454 et 455 (série IX) / Sellier 694 et 695

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Bibliographie

 

 

CHÉDOZEAU Bernard, L’univers biblique catholique au siècle de Louis XIV. La Bible de Port-Royal, I, Paris, Champion, 2013.

COHN Lionel (Yehuda Arye), Une polémique judéo-chrétienne au Moyen Âge et ses rapports avec l’analyse pascalienne de la religion juive, Reprint of Bar Ilan, volume in Humanities and social sciences, Jérusalem, 1969.

DAVIDSON Hugh, The origins of certainty, Chicago and London, The University of Chicago Press, 1979.

ERNST Pol, Les Pensées de Pascal. Géologie et stratigraphie, Paris et Oxford, Universitas et Oxford Foundation, 1996.

GOUHIER Henri, Blaise Pascal. Commentaires, Paris, Vrin, 1971 (2e éd.).

SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, Paris, Colin, 1970.

SELLIER Philippe, “Israël : La rencontre de ce peuple m’étonne”, in Port-Royal et la littérature, II, Paris, Champion, 2012, p. 233-251.

SHIOKAWA Tetsuya, Pascal et les miracles, Paris, Nizet, 1979.

STIKER-MÉTRAL Charles-Olivier, Narcisse contrarié. L’amour propre dans le discours moral en France (1650-1715), Paris Champion, 2007.

 

 

Éclaircissements

 

Ce fragment doit visiblement être associé à deux autres.

En amont, avec Preuves par les Juifs V (Laf. 456, Sel. 696), qui en esquisse les grandes lignes. Ceci est effectif : pendant que tous les philosophes se séparent en différentes sectes il se trouve en un coin du monde des gens qui sont les plus anciens du monde, déclarent que tout le monde est dans l’erreur, que Dieu leur a révélé la vérité, qu’elle sera toujours sur la terre. En effet toutes les autres sectes cessent ; celle-là dure toujours et depuis quatre mille ans ils déclarent qu’ils tiennent de leurs ancêtres que l’homme est déchu de la communication avec Dieu dans un entier éloignement de Dieu, mais qu’il a promis de les racheter, que cette doctrine serait toujours sur la terre, que leur loi a double sens.

Mais Preuves par les Juifs IV est aussi directement lié avec Preuves par les Juifs I (Laf. 451, Sel. 691), avec lequel il partage plusieurs thèmes communs, relatifs aux avantages de la religion juive. Cependant, le présent fragment prend la question plus en amont : Pascal indique d’abord, de manière négative, le genre de preuves qu’il exclut pour leur peu de solidité, puis il présente la multitude considérable de religions diverses qu’il affirme refuser, faute de marques qui confirment leur vérité.

D’autre part, le présent fragment fournit des indications sur le contenu de la révélation dont a bénéficié le peuple juif. Autant de caractères qui font de la religion juive un cas exceptionnel auquel il soutient qu’il faut accorder une attention à sa mesure.

En revanche, sur le peuple et la loi de Moïse, le présent fragment ne propose qu’une esquisse de ce qui est plus amplement développé dans Preuves par les Juifs IV. Les deux textes ne se recouvrent donc pas l’un l’autre, mais ils peuvent ainsi être « branchés » l’un sur l’autre. La comparaison permet de se faire une idée de la méthode de composition de Pascal.

 

Je vois la religion chrétienne fondée sur une religion précédente, où voici ce que je trouve d’effectif.

 

Effectif : réel, positif. Payer en derniers effectifs, c’est-à-dire non point en papier. Une armée de 30 mille hommes sur les rôles n’est pas de 20 mille effectifs en campagne (Furetière). Le mot effectif souligne que Pascal estime que la subsistance du peuple juif malgré les persécutions dont il est victime est un fait assuré sur lequel la discussion n’est pas possible. Il tire les conséquences des reproches adressés aux apologistes maladroits dans le fragment Laf. 781, Sel. 644, de ne s’appuyer que sur des fondements incertains et en tout cas insuffisants pour toucher les incrédules.

Cette même intention est affichée dans le fragment Ordre 6 (Laf. 8, Sel. 42). Ordre. Voir ce qu’il y a de clair dans tout l’état des Juifs et d’incontestable.

Preuves par les Juifs V (Laf. 456, Sel. 696). Ceci est effectif : pendant que tous les philosophes se séparent en différentes sectes il se trouve en un coin du monde des gens qui sont les plus anciens du monde, déclarent que tout le monde est dans l’erreur, que Dieu leur a révélé la vérité, qu’elle sera toujours sur la terre. En effet toutes les autres sectes cessent ; celle-là dure toujours et depuis quatre mille ans ils déclarent qu’ils tiennent de leurs ancêtres que l’homme est déchu de la communication avec Dieu dans un entier éloignement de Dieu, mais qu’il a promis de les racheter, que cette doctrine serait toujours sur la terre, que leur loi a double sens.

Que durant mille six cents ans ils ont eu des gens qu’ils ont cru prophètes qui ont prédit le temps et la manière.

Que quatre cents ans après ils ont été épars partout, parce que Jésus-Christ devait être annoncé partout.

Que Jésus-Christ est venu en la manière et au temps prédit.

Que depuis les juifs sont épars partout en malédiction, et subsistants néanmoins.

Laf. 793, Sel. 646. Je trouve d’effectif que depuis que la mémoire des hommes dure, voici un peuple qui subsiste plus ancien que tout autre peuple. Il est annoncé constamment aux hommes qu’ils sont dans une corruption universelle, mais qu’il viendra un Réparateur. Que ce n’est pas un homme qui le dit, mais une infinité d’hommes, et un peuple entier, prophétisant et fait exprès durant quatre mille ans ; leurs livres dispersés durant quatre cents ans.

Charron Pierre, De la sagesse, II, ch. V, éd. Duval, t. 2, p. 126-127. Chaque religion bâtit sur son aînée et « prochaine précédente, laquelle elle n’improuve, ni ne condamne de fond en comble, autrement elle ne serait pas ouïe, et ne pourrait prendre pied ; mais seulement l’accuse ou d’imperfection ou de son terme fini, et qu’à cette occasion elle vient pour lui succéder et la parfaire, et ainsi la ruine peu à peu, et s’enrichit de ses dépouilles, comme la Judaïque qui a retenu plusieurs choses de la Gentile, Égyptienne son aînée, ne pouvant ce peuple Hébreu être si tôt sevré et nettoyé de ses coutumes : la Chrétienne bâtie sur les vérités et promesses de la Judaïque : la Mahumetane sur toutes les deux, retenant presque toutes les vérités de Jésus-Christ, sauf la première qui est sa divinité, tellement que pour sauter au Judaïsme au Mahumetisme, il faut passer par le Christianisme, et se sont trouvés des Mahumetans qui se sont exposés aux tourments pour soutenir les vérités chrétiennes, comme un chrétien ferait pour soutenir les vérités du vieil testament, mais les vieilles et aînées condamnent tout à fait et entièrement les jeunes, et les tiennent pour ennemies capitales. »

 

Je ne parle point ici des miracles de Moïse,

 

Parmi les miracles de Moïse, on peut compter les dix plaies qui ont affligé l’Égypte pour contraindre Pharaon à laisser les Juifs quitter l’Égypte (Exode, VII-X). D’autres miracles peuvent lui être plus directement attribués, d’une valeur symbolique plus grande : le passage de la mer Rouge (Exode, XIV), le don de la manne dans le désert (Exode, XVI), le jaillissement de la source au milieu du désert (Exode, XVII).

La Bible de Port-Royal présente les miracles de Moise comme la preuve de son autorité. Voir Genèse, Préface, § I. Moïse Auteur de la Genèse. Autorité de Moïse confirmée par ses miracles.

« Toutes ces qualités et humaines et divines ont été rassemblées en Moïse, afin qu’il possédât une autorité à laquelle les hommes fussent obligés de déférer, comme à celle de Dieu même. L’Écriture dit de lui, qu’il a été puissant en œuvres et en paroles. Ses œuvres sont ses miracles, par lesquels il a paru un homme visiblement envoyé de Dieu. Ces plaies effroyables et pleines de merveilles, par lesquelles il a frappé tout un grand royaume, non une fois, mais dix fois de suite, sont des voix éclatantes par lesquelles Dieu lui a rendu témoignage, et s’est expliqué aux hommes plus par des tonnerres que par des paroles.

Quelques-uns objectent que les magiciens de Pharaon ont fait aussi des miracles. Il est vrai, dit saint Augustin, que le démon agissant par ces magiciens, a voulu disputer contre Dieu de la gloire des miracles. Il a changé par eux d’abord l’eau en sang, et la terre en des grenouilles. Mais la troisième plaie par laquelle Moïse remplit toute l’Égypte de moucherons, le démon après s’être efforcé en vain par toute la puissance de l’art magique d’imiter Moïse, fut obligé de témoigner lui-même sa confusion, et de rendre gloire à Dieu par la bouche des magiciens, lorsqu’ils dirent à Pharaon : Le doigt de Dieu est ici. Digitus Dei est hîc, comme s’ils lui eussent dit : Jusqu’ici l’enfer a combattu contre Dieu, mais maintenant il se confesse vaincu, et il faut qu’il cède au Tout-puissant. « Dieu permit à ces Magiciens », ajoute saint Augustin, « de combattre quelque temps contre Moïse, afin qu’il les vainquît avec plus de gloire », Magi Pharaonis facere quædam mir a permissi sunt, ut mirabiliùs vincerentur. Aussi Moïse les frappa ensuite eux-mêmes d’ulcères effroyables comme le reste de tous les Égyptiens, et les mit hors d’état de pouvoir paraître devant Pharaon, sans que toute leur magie les en pût défendre.

Le Saint-Esprit nous apprend la même chose par la bouche du Sage, lorsqu’après avoir représenté les spectres et les fantômes horribles qui se mêlèrent aux ténèbres épaisses, dont Dieu frappa par Moïse toute l’Égypte, il ajoute « C’est alors que toutes les illusions de l’art des Magiciens furent déshonorées honteusement, et devinrent inutiles, que toute cette sagesse dont ils se vantaient, tomba dans l’opprobre. Car au lieu qu’ils faisaient profession de guérir le trouble des âmes abattues par la crainte, ils se trouvèrent eux-mêmes dans une peur et un abattement ridicule, à la vue des objets effroyables qui se présentaient à eux. »

Moïse a fait ces miracles devant Pharaon ; et l’on sait assez ceux qu’il a faits à la sortie de l’Égypte et dans le désert. Il a divisé quand il lui a plu les eaux de la mer pour faire un passage aux Israélites ; et il a fait revenir ces mêmes eaux où elles étaient auparavant, quand il le leur a commandé, pour y abîmer les Égyptiens. Il a puni la désobéissance des Israélites en leur envoyant par l’ordre de Dieu, ou des serpents, ou des flammes qui les dévoraient. Lorsque tout le peuple mourait de soif dans le désert, il a fait sortir d’une pierre des torrents d’eau. Et quand les principaux de la Synagogue ont voulu soulever les Israélites contre lui, il a commandé à la terre de s’entrouvrir sous leurs pieds, et il les a fait descendre tout vivants dans l’enfer à la vue de tout le peuple.

Ces miracles sont très grands, et ils méritent par eux-mêmes d’être respectés comme étant certainement des œuvres de Dieu. Mais la preuve qui les autorise est encore plus grande, qui est que Moïse a été Prophète, et que c’est de Jésus-Christ même que nous apprenons la déférence et la vénération qui lui est due. »

 

de Jésus-Christ

 

Parmi les nombreux miracles opérés par Jésus-Christ, on peut retenir les suivants, rapportés par les évangélistes :

L’apaisement de la tempête (Matthieu VIII, Marc IV, Luc VIII), la multiplication des pains (Matthieu XIV, Marc VI, Luc IX, Jean VI), les nombreuses guérisons de malades et de possédés (Matthieu VIII, XII, XVII, Marc IX, Luc IX), la pêche miraculeuse (Jean XXI), le changement de l’eau en vin aux noces de Cana (Jean II). Voir Passelecq G. et Poswick F., Table pastorale de la Bible. Index analytique et analogique, Paris, Lethielleux, 1994, p. 695-696. Mais la meilleure référence sur ce sujet est naturellement l’Abrégé de la vie de Jésus-Christ composé par Pascal lui-même, OC III, éd. J. Mesnard, p. 248-318. Voir notamment les § 23 (premier miracle de Jésus-Christ aux noces de Cana), § 36, 44, 59, 66 (guérisons de démoniaques), § 35, 38, 42, 46, 48, 80, 99, 126, 142 (guérison de nombreux malades), § 84-85, 117, 147, 150, 164 (guérison d’un sourd-muet, de boiteux, d’aveugles), 86 (multiplication des pains), résurrection de Lazare (§ 141), de la fille de Jaïre (§ 41-42), et du fils du centenier (§ 53). Le plus grand miracle est évidemment la résurrection du Christ, § 310 sq.

 

et des apôtres,

 

Ces miracles, moins connus, sont rapportés dans les Actes des Apôtres. Voir notamment Actes II, V, VI ; voir aussi XIX et XXVIII, sur les miracles de saint Paul.

 

parce qu’ils ne paraissent pas d’abord convaincants et que je ne veux que mettre ici en évidence tous les fondements de cette religion chrétienne qui sont indubitables, et qui ne peuvent être mis en doute par quelque personne que ce soit.

 

Qui sont indubitables, et qui ne peuvent être mis en doute par quelque personne que ce soit : l’expression ne fait pas redondance. Indubitable signifie que par elles-mêmes, a parte rei, ces fondements résistent à toute mise en cause. Qui ne peuvent être mis en doute par quelque personne que ce soit signifie que, quelle que soient les principes et les opinions des personnes qui les examinent, le doute ne les atteint pas.

Sur la contestation des miracles, voir le livre de Tetsuya Shiokawa, Pascal et les miracles, p. 16, « La critique des miracles », qui explique très clairement par quels arguments les esprits forts contestent la réalité des miracles, et, quelle difficulté présentait aux défenseurs de la religion chrétienne, la défense de leur l’authenticité (« La défense des miracles », p. 36 sq.). T. Shiokawa explique très clairement pour quelles raisons Pascal, après avoir voulu fonder son apologétique sur les miracles de la religion chrétienne, y a renoncé, ayant éprouvé l’insuffisance de cet argument.

Voir sur ce sujet le chapitre de Gouhier Henri, Blaise Pascal. Commentaires, p. 127-185, « De l’entretien à l’apologie ».

Pol Ernst a confirmé cet abandon de l’apologétique par les miracles en s’appuyant sur l’étude des papiers du manuscrit original ; voir Les Pensées de Pascal. Géologie et stratigraphie, II, ch. 2, « La strate RC/DV ou l’émergence simultanée des thèmes majeurs », p. 178, notamment p. 198 sq. et la conclusion p. 209-210.

Voir les dossiers Miracles I (Laf. 830, Sel. 419) et suivants.

Perpétuité 4 (Laf. 282, Sel. 314). Perpétuité. Le Messie a toujours été cru. La tradition d’Adam était encore nouvelle en Noé et en Moïse. Les prophètes l’ont prédit depuis en prédisant toujours d’autres choses dont les événements qui arrivaient de temps en temps à la vue des hommes marquaient la vérité de leur mission et par conséquent celle de leurs promesses touchant le Messie. Jésus-Christ a fait des miracles et les apôtres aussi qui ont converti tous les païens et par là toutes les prophéties étant accomplies le Messie est prouvé pour jamais.

 

Il est certain que nous voyons en plusieurs endroits du monde un peuple particulier, séparé de tous les autres peuples du monde, qui s’appelle le peuple juif.

 

Il est certain que... : Pascal appuie son argumentation sur une réalité historique incontestable. Voir ci-dessus. Le fait qu’il emploie le pronom pluriel témoigne du fait qu’il estime tenir un fait sur lequel tout le monde doit être d’accord.

Sellier Philippe, “Israël : La rencontre de ce peuple m’étonne”, in Port-Royal et la littérature, II, p. 233-251. « L’état des Juifs » est appelé à constituer l’un des « fondements » de la vision catholique du monde.

Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 465 sq. Le mystère d’Israël.

 

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Je vois donc des faiseurs de religions en plusieurs endroits du monde et dans tous les temps.

 

Je vois donc des faiseurs de religions en plusieurs endroits du monde : Pensées, éd. Havet, I, Delagrave, 1866, p. 198-199, donne « Je vois donc des foisons de religions... ». Port-Royal donne multitudes. « Je vois des multitudes de religions en plusieurs endroits du monde, et dans tous les temps. Mais elles n’ont ni morale qui me puisse plaire, ni preuves capables de m’arrêter. Et ainsi j’aurais refusé également la Religion de Mahomet, et celle de la Chine, et celle des anciens Romains, et celle des Égyptiens, par cette seule raison, que l’une n’ayant pas plus de marques de vérité que l’autre, ni rien qui détermine, la raison ne peut pencher plutôt vers l’une que vers l’autre. »

Pascal passe du nous au je.

Problème rhétorique : qui est censé dire je dans ce texte ? Ce n’est pas Pascal lui-même, mais on ne peut pas dire que ce soit non plus l’incrédule tel qu’il l’a représenté. Il faut imaginer qu’il s’agit, dans son esprit, d’un incrédule qui a commencé à s’informer de la religion chrétienne, et qui en découvre les caractères surprenants. La Préface de l’édition de Port-Royal, Pensées, III, Documents, éd. L. Lafuma, Paris, Éd. du Luxembourg, 1951, p. 134-138, indique que Pascal a « supposé » un « homme qui, ayant toujours vécu dans une ignorance générale, et dans l’indifférence à l’égard de toutes choses, et surtout à l’égard de soi-même », après s’être reconnu dans le portrait que Pascal a tracé de la nature humaine, se trouve « dans cette disposition de chercher à s’instruire sur un doute si important : « Il lui fait jeter les yeux sur le peuple juif, et il lui en fait observer des circonstances si extraordinaires qu’il attire facilement son attention. Après lui avoir présenté tout ce que ce peuple a de singulier, il s’arrête particulièrement à lui faire remarquer un livre unique par lequel il se gouverne, et qui comprend tout ensemble son histoire, sa loi et sa religion. ». On notera que, selon la Préface, c’est une fois cette découverte accomplie, que Pascal propose à son personnage la doctrine du péché originel et de la corruption. Après quoi « M. Pascal entreprit ensuite de prouver la vérité de la religion par les prophéties ; et ce fut sur ce sujet qu’il s’étendit beaucoup plus que sur les autres », parcourant les livres de l’Ancien Testament, les prophéties messianiques de Jésus-Christ.

Filleau de la Chaise, dans son Discours sur les Pensées de M. Pascal, Pensées, III, Documents, éd. L. Lafuma, Paris, Éd. du Luxembourg, 1951, p. 92, avait déjà soutenu que Pascal voulait que le lecteur se mette « à la place d’un homme » qu’il « supposait avoir du sens, et qu’il se proposait en idée de pousser à bout, et d’atterrer, pour le mener ensuite pied à pied à la connaissance de la vérité ».

Sur la diversité des religions, qui est un argument des ennemis de la religion chrétienne, voir Charron Pierre, De la sagesse, II, ch. V, éd. Duval, t. II, p. 117 sq. Voir p. 119-120 : « c’est premièrement chose effroyable, de la grande diversité des religions, qui a été et est au monde, et encore plus de l’étrangeté d’aucunes, si fantasque et exorbitante, que c’est merveille que l’entendement humain ait pu être si fort abruti et enivré d’impostures : car il semble qu’il n’y a rien au monde de haut et bas, qui n’ait été déifié en quelque lieu, et qui n’ait trouvé place pour y être adoré ».

Sabrié J.B., De l'humanisme au rationalisme, Pierre Charron (1541-1603), Slatkine Reprints, Genève, 1970, p. 289. Ni la philosophie ni les religions n’arrivent à s’entendre sur la vérité, les lois et les usages. « Ce qui est impie, injuste, abominable en un lieu est piété, justice, et honneur ailleurs ; et ne saurais nommer une loi, coutume, créance reçue ou rejetée généralement partout ».

 

Mais ils n’ont ni la morale qui peut me plaire, ni les preuves qui peuvent m’arrêter. Et qu’ainsi j’aurais refusé également et la religion de Mahomet

 

Sur l’islam, voir la liasse Fausseté des autres religions.

 

et celle de la Chine

 

Maeda Yoichi, “Pascal au travail : quelques aspects de la méthode rédactionnelle chez Pascal”, in Goyet Thérèse, Mesnard Jean, Sellier Philippe, Descotes Dominique (éd.), Méthodes chez Pascal, Paris, P. U. F., 1979, p. 163. Le problème de la Chine devient d’actualité vers fin 1658-début 1659, par la publication de l’histoire de la Chine du P. Martini. Les remarques sur l’histoire de la Chine n’apparaissent qu’à l’extérieur des 27 liasses, de sorte qu’au moment où Pascal a composé les liasses en question, il n’avait pas encore connaissance de ce problème.

Sur la Chine, Pascal a pu lire les ouvrages suivants :

Histoire du grand royaume de la Chine, contenant la situation, antiquité, fertilité, religion, mœurs, etc. sl, sn, 1606.

L’expression l’histoire de la Chine dans le fragment Laf. 822, Sel. 663 peut suggérer que Pascal pense à l’ouvrage du P. Martini Martino, Sinicae historiae… decas prima, Amstelodami, Blaeu, 1659. Il en existe une traduction française tardive : Martini Martino, Histoire de la Chine, traduite du latin par l’abbé Le Peletier, Paris, C. Barbier et A. Seneuze, 1692, 2 vol.

 

et celle des anciens Romains

 

Il faut entendre que Pascal se place ici à un point de vue largement transhistorique, car il n’y avait plus, de son temps, de culte voué aux divinités romaines.

 

et celle des Égyptiens,

 

Les voyageurs ont apporté des renseignements sur la religion de l’Égypte ancienne, qui avait évidemment encore moins de fidèles que celle de Rome à l’époque de Pascal.

Pascal n’a pu lire le livre de Monconys Balthasar de, Journal des voyages de M. de Monconys, Lyon, 1665. Mais Monconys était un informateur de l’académie Mersenne, et il y a rencontré les Pascal. Voir sur lui la notice consacrée à son Journal dans OC I, éd. J. Mesnard, p. 747.

Le jésuite Athanase Kircher a consacré un ouvrage aux mystères que présentaient à l’époque la religion et les hiéroglyphes de l’Égypte. Voir Kircher Athanase, Œdipus Ægyptiacus, I, Rome, Mascardi, 1652, et II, 1653.

 

par cette seule raison que l’une n’ayant point plus marques de vérité que l’autre, ni rien qui me déterminât nécessairement, la raison ne peut pencher plutôt vers l’une que vers l’autre.

 

Les religions du monde ont beau présenter une extrême diversité, il ne se trouve à première vue aucun caractère qui permette d’en distinguer une qui présente des caractères spécifiques propres à en faire connaître la vérité.

Pascal use ici du double argument de la diversité et du discernement.

Toute diversité poussée à l’extrême aboutit à une confusion qui peut rendre vaine toute tentative de mise en ordre. Voir le fragment Misère 14 (Laf. 65, Sel. 99) : Diversité. La théologie est une science, mais en même temps combien est-ce de sciences ? Un homme est un suppôt, mais si on l’anatomise, que sera-ce ? la tête, le cœur, l’estomac, les veines, chaque veine, chaque portion de veine, le sang, chaque humeur du sang ? Une ville, une campagne, de loin c’est une ville et une campagne, mais à mesure qu’on s’approche, ce sont des maisons, des arbres, des tuiles, des feuilles, des herbes, des fourmis, des jambes de fourmis, à l’infini. Tout cela s’enveloppe sous le nom de campagne.

Laf. 558, Sel. 465. La diversité est si ample que tous les tons de voix, tous les marchers, toussers, mouchers, éternuers [sont différents]. On distingue des fruits les raisins, et entre ceux-là les muscats, et puis Condrieux, et puis Desargues, et puis cette ente. Est-ce tout ? En a-t-elle jamais produit deux grappes pareilles, et une grappe a-t-elle deux grains pareils, etc. Je n’ai jamais jugé d’une même chose exactement de même, je ne puis juger d’un ouvrage en le faisant. Il faut que je fasse comme les peintres et que je m’en éloigne, mais non pas trop. De combien donc ? Devinez.

Le grand nombre des religions et leur « bizarre variété » interdit en apparence d’en distinguer une de toutes les autres.

Sur la méthode de ce fragment, voir Davidson Hugh, The origins of certainty, Chicago and London, The University of Chicago Press, 1979, p. 17 sq. Début sur la comparaison des religions et l’indication des marques qui permettent de discerner une d’elles de toutes les autres. Second temps : répétition subtile du premier temps, en remarquant les marques attachées à l’une des religions, il approfondit jusqu’aux fondements.

 

Mais en considérant ainsi cette inconstante et bizarre variété de mœurs et de créances dans les divers temps, je trouve en un coin du monde un peuple particulier, séparé de tous les autres peuples de la terre,

 

Ses « avantages » font du peuple juif un peuple mis à part de tous les autres. Les Juifs ont conscience d’être séparés des autres peuples, et croient l’avoir été parce que Dieu les aime. Voir Lévitique, XX, 24. « Separavi vos a ceteris populis ». « Je suis le Seigneur votre Dieu, qui vous ai séparés de tout le reste des peuples » (tr. de la Bible de Port-Royal).

Dossier de travail (Laf. 392, Sel. 11). Dieu voulant se former un peuple saint, qu’il séparerait de toutes les autres nations, qu’il délivrerait de ses ennemis, qu’il mettrait dans un lieu de repos a promis de le faire et a prédit par ses prophètes le temps et la manière de sa venue.

On trouve des idées analogues chez Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, éd. Pléiade, p. 675. Dieu sépare un peuple élu parce qu’il veut lui confier une mission historique particulière.

Voir aussi le fragment Loi figurative 25 (Laf. 270, Sel. 301). Les Juifs avaient vieilli dans ces pensées terrestres : que Dieu aimait leur père Abraham, sa chair et ce qui en sortait, que pour cela il les avait multipliés et distingués de tous les autres peuples sans souffrir qu’ils s’y mêlassent, que quand ils languissaient dans l’Égypte il les en retira avec tous ses grands signes en leur faveur, qu’il les nourrit de la manne dans le désert, qu’il les mena dans une terre bien grasse, qu’il leur donna des rois et un temple bien bâti pour y offrir des bêtes, et, par le moyen de l’effusion de leur sang qu’ils seraient purifiés, et qu’il leur devait enfin envoyer le Messie pour les rendre maîtres de tout le monde, et il a prédit le temps de sa venue.

 

le plus ancien de tous, et dont les histoires précèdent de plusieurs siècles les plus anciennes que nous ayons.

 

Les idées de ce passage sont esquissées dans le fragment Preuves par les Juifs V (Laf. 456, Sel. 696). Ceci est effectif : pendant que tous les philosophes se séparent en différentes sectes il se trouve en un coin du monde des gens qui sont les plus anciens du monde, déclarent que tout le monde est dans l’erreur, que Dieu leur a révélé la vérité, qu’elle sera toujours sur la terre. En effet toutes les autres sectes cessent ; celle-là dure toujours et depuis quatre mille ans ils déclarent qu’ils tiennent de leurs ancêtres que l’homme est déchu de la communication avec Dieu dans un entier éloignement de Dieu, mais qu’il a promis de les racheter, que cette doctrine serait toujours sur la terre, que leur loi a double sens.

L’antiquité des Juifs est l’un des caractères qui permettent de compter Israël à part des autres peuples.

Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 470 sq. Le peuple le plus ancien qui soit en la connaissance des hommes : Pascal ne veut pas dire que les Hébreux, dans l’état des connaissances historiques de son temps, passent pour le plus ancien peuple qui ait existé ; saint Augustin dit le contraire, Cité de Dieu, XVI, 1-12. Le peuple juif est le plus ancien des peuples existants et en ce qui concerne les peuples antérieurs à lui, nous ne savons plus rien. À l’origine de la période historique se trouve le peuple juif. C’est la nation qui possède le plus ancien livre du monde.

Voir sur l’antiquité de la loi juive le fragment Preuves par discours III (Laf. 436, Sel. 688). Antiquité des Juifs. Qu’il y a de différence d’un livre à un autre, je ne m’étonne pas de ce que les Grecs ont fait l’Iliade, ni les Égyptiens et les Chinois leurs histoires. Il ne faut que voir comment cela est né, ces historiens fabuleux ne sont pas contemporains des choses dont ils écrivent. Homère fait un roman, qu’il donne pour tel, et qui est reçu pour tel, car personne ne doutait que Troie et Agamemnon n’avaient non plus été que la pomme d’or. Il ne pensait pas aussi à en faire une histoire, mais seulement un divertissement, il est le seul qui écrit de son temps, la beauté de l’ouvrage fait durer la chose, tout le monde l’apprend et en parle, il la faut savoir, chacun la sait par cœur, 400 ans après les témoins des choses ne sont plus vivants, personne ne sait plus par sa connaissance si c’est une fable ou une histoire, on l’a seulement appris de ses ancêtres, cela peut passer pour vrai.

Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 470 sq. C’est par l’ancienneté de la loi juive qu’on justifie Preuves par les Juifs I (Laf. 451, Sel. 691), selon lequel Dieu s’est de tout temps communiqué aux hommes ; voir aussi Miracles III (Laf. 860, Sel. 439). Toujours ou les hommes ont parlé du vrai Dieu, ou le vrai Dieu a parlé aux hommes. Voir p. 472 : saint Augustin, Cité de Dieu, XVIII, 3-7 ; ces livres et cette sagesse sont les plus vieux du monde. Pascal insiste sur la conservation des textes (n. 36).

Sellier Philippe, Port-Royal et la littérature, I, Pascal, 2e éd., p. 420.

 

Je trouve donc ce peuple grand et nombreux, sorti d’un seul homme,

 

Je trouve donc ce peuple grand et nombreux sorti d’un seul homme : voir Pensées, éd. Havet, I, Delagrave, 1866, p. 202. Les Juifs se recommandent de la paternité d’Abraham. Pascal accepte la tradition des Juifs sans la contrôler. Marque, selon Havet, de défaut d’esprit critique.

Loi figurative 25 (Laf. 270, Sel. 301). Les Juifs avaient vieilli dans ces pensées terrestres : que Dieu aimait leur père Abraham, sa chair et ce qui en sortait, que pour cela il les avait multipliés et distingués de tous les autres peuples sans souffrir qu’ils s’y mêlassent, que quand ils languissaient dans l’Égypte il les en retira avec tous ses grands signes en leur faveur, qu’il les nourrit de la manne dans le désert, qu’il les mena dans une terre bien grasse, qu’il leur donna des rois et un temple bien bâti pour y offrir des bêtes, et, par le moyen de l’effusion de leur sang qu’ils seraient purifiés, et qu’il leur devait enfin envoyer le Messie pour les rendre maîtres de tout le monde, et il a prédit le temps de sa venue.

Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 470 sq. Voir p. 475 sq., sur le peuple de frères. Cette remarque vient sans doute d’une réflexion sur le Deutéronome, mais elle s’écarte de saint Augustin. Les sentiments de solidarité, la cohésion et l’unité qui caractérisent le peuple juif, et qui en font une seule famille, ont frappé Pascal : p. 476.

Lods Adolphe, Israël, p. 309. Le sentiment national juif est étroitement lié à la foi en Yahvé. Moïse est un patriote ardent atteint par les humiliations infligées à ses frères. Voir Exode, II, 11 et suivants. « Lorsque Moïse fut devenu grand, il sortit pour aller voir ses frères. Il vit l’affliction où ils étaient, et il trouve que l’un d’eux, hébreu comme lui, était outragé par un Égyptien ».

 

qui adore un seul Dieu, et qui se conduit par une loi qu’ils disent tenir de sa main. Ils soutiennent qu’ils sont les seuls du monde auxquels Dieu a révélé ses mystères, que tous les hommes sont corrompus et dans la disgrâce de Dieu, qu’ils sont tous abandonnés à leurs sens et à leur propre esprit,

 

Faut-il lire leur sens, comme l’indiquent les copies, ou leurs sens ? Le manuscrit ne semble pas permettre de décider avec certitude. Le singulier implique qu’il s’agit du sens propre, savoir à l’esprit d’égoïsme qui envahit l’homme corrompu par le péché. Mais il semble que cela fasse double emploi avec l’expression « esprit propre » qui suit immédiatement.

La leçon leurs sens peut se recommander de la comparaison avec le fragment A P. R. 1 (Laf. 149, Sel. 182), qui associe les sens à la corruption consécutive au péché : Mais [l’homme] n’a pu soutenir tant de gloire sans tomber dans la présomption. Il a voulu se rendre centre de lui-même et indépendant de mon secours. Il s’est soustrait de ma domination et s’égalant à moi par le désir de trouver sa félicité en lui-même je l’ai abandonné à lui, et révoltant les créatures qui lui étaient soumises, je les lui ai rendues ennemies, en sorte qu’aujourd’hui l’homme est devenu semblable aux bêtes, et dans un tel éloignement de moi qu’à peine lui reste-t-il une lumière confuse de son auteur tant toutes ses connaissances ont été éteintes ou troublées. Les sens indépendants de la raison et souvent maîtres de la raison l’ont emporté à la recherche des plaisirs. Toutes les créatures ou l’affligent ou le tentent, et dominent sur lui ou en le soumettant par leur force ou en le charmant par leur douceur, ce qui est une domination plus terrible et plus injurieuse.

Il semble donc que le pluriel soit ici préférable.

Sur l’idée du péché originel, qui est censé avoir corrompu la nature de l’homme, voir le livre de la Genèse.

La religion juive a un point commun avec la chrétienne sur l’idée du péché originel. Les Écrits sur la grâce, notamment le Traité de la prédestination et de la grâce, 3, OC III, éd. J. Mesnard, p. 792 sq., montre en quoi, sur ces principes, la religion chrétienne n’est effectivement pas différente de la religion juive. Voir le § 11 : « Tous les hommes étant dans cette masse corrompue également dignes de la mort éternelle et de la colère de Dieu, Dieu pouvait avec justice les abandonner tous sans miséricorde à la damnation. » Mais dans l’esprit de Pascal, conformément à la doctrine de saint Augustin, « néanmoins il plaît à Dieu de choisir, élire et discerner de cette masse également corrompue, et où il ne voyait que de mauvais mérites, un nombre d’hommes de tout sexe, âges, conditions, complexions, de tous les pays, de tous les temps, et enfin de toutes sortes ».

Amour propre (Laf. 978, Sel. 743). L’amour propre est une forme de l’esprit propre. Voir sur ce sujet Stiker-Métral Charles-Olivier, Narcisse contrarié. L’amour propre dans le discours moral en France (1650-1715), Paris Champion, 2007.

La volonté peut être animée par deux dispositions, selon qu’elle recherche la satisfaction de l’intérêt propre, ou la recherche de Dieu. La corruption consécutive au péché a détourné la volonté de Dieu vers l’égoïsme : voir ce qu’écrit Saint-Cyran, Lettres, éd. Donetzkoff, I, p. 95, lettre à Arnauld d’Andilly de 1635 : « Souvenez-vous toujours de ce que je vous ai dit souvent, que les vraies passions ont été dérobées au vrai amour, pour être transférées au mauvais ».

Il en résulte que, que ce soit dans un sens ou dans l’autre, la volonté est toujours guidée par une forme de plaisir. Voir sur ce point OC III, éd. J. Mesnard, p. 599, la théorie de la délectation.

Saint Augustin, Œuvres, Premières polémiques contre Julien, Bibliothèque augustinienne, t. 23, p. 778-487, note sur la théorie augustinienne de la délectation victorieuse.

Pascal, Lettre sur la mort de son père, OC II, éd. J. Mesnard, p. 857. Dieu a créé l’homme avec deux amours, l’un pour Dieu, l’autre pour soi. Condition : l’amour pour Dieu sera infini, l’amour de soi serait fini et rapportant à Dieu : p. 857. Dans la situation originelle, l’amour de soi était « naturel à Adam, et juste en son innocence », de sorte que « l’homme en cet état non seulement s’aimait sans péché, mais ne pouvait pas ne point s’aimer sans péché ». Mais « cet amour propre s’est étendu et débordé dans le vide que l’amour de Dieu a quitté ; et ainsi il s’est aimé seul, et toutes choses pour soi, c’est-à-dire infiniment ». Il « est devenu criminel et immodéré, ensuite de son péché ». L’amour de Dieu se perd après le péché ; seul demeure l’amour de soi : p. 857-858. L’infinité de l’amour de soi est née de la place laissée par l’amour de Dieu : p. 858.

 

et que de là viennent les étranges égarements et les changements continuels qui arrivent entre eux, et de religions et de coutumes,

 

L’idée de l’inconstance de la nature humaine, qui inspire les liasses Vanité et Misère, trouve ici un fondement et une explication qui a été esquissée dans la liasse A P. R.

 

au lieu qu’ils demeurent inébranlables dans leur conduite,

 

Le caractère surprenant de la constance du peuple juif dans son témoignage, par comparaison avec l’instabilité des autres peuples, est évoquée dans le fragment Perpétuité 2 (Laf. 280, Sel. 312). Les États périraient si on ne faisait ployer souvent les lois à la nécessité, mais jamais la religion n’a souffert cela et n’en a usé. Aussi il faut ces accommodements ou des miracles. Il n’est pas étrange qu’on se conserve en ployant, et ce n’est pas proprement se maintenir, et encore périssent-ils enfin entièrement. Il n’y en a point qui ait duré mille ans. Mais que cette religion se soit toujours maintenue et inflexible, cela est divin.

Sur le fait que les Juifs observent la même loi que sous Moïse, voir Cohn Lionel (Yehuda Arye), Une polémique judéo-chrétienne au Moyen Âge et ses rapports avec l’analyse pascalienne de la religion juive, Reprint of Bar Ilan, volume in Humanities and social sciences, Jérusalem, 1969, qui rapporte les développements des Perouchey Agadoth, de R. Adereth. Voir sur le même sujet, Cohn Lionel, “Pascal et le judaïsme”, p. 206-224, notamment p. 213-214.

Fides ex duratione religionis : voir Grotius, De veritate religionis christianae, I, XIV, qui note que les épreuves et l’aspect pesant des rites des Juifs n’ont pas entamé leur foi.

Preuves de Jésus-Christ 19 (Laf. 317, Sel. 348). Le zèle des Juifs pour leur loi et leur temple. Josèphe et Philon juif, ad Caium. Quel autre peuple a un tel zèle, il fallait qu’ils l’eussent.

 

mais que Dieu ne laissera point éternellement les autres peuples dans ces ténèbres, qu’il viendra un libérateur pour tous,

 

Ce sont les promesses messianiques. Sur le Christ Messie, voir Preuves de Jésus-Christ et le dossier thématique sur Jésus-Christ.

Le peuple juif a vocation à appeler tous les autres peuples à se convertir à la religion du Dieu Yahvé.

Laf. 793, Sel. 646. Je trouve d’effectif que depuis que la mémoire des hommes dure, voici un peuple qui subsiste plus ancien que tout autre peuple. Il est annoncé constamment aux hommes qu’ils sont dans une corruption universelle, mais qu’il viendra un Réparateur. Que ce n’est pas un homme qui le dit, mais une infinité d’hommes, et un peuple entier, prophétisant et fait exprès durant quatre mille ans ; leurs livres dispersés durant quatre cents ans.

Dieu ne laissera point éternellement les autres peuples dans ces ténèbres : voir ce qu’en dit Voltaire, Lettres philosophiques, XXV, § VII. Opposition des Juifs et des chrétiens sur ce point : les Juifs attendent un libérateur pour eux ; les chrétiens l’attendent pour tous.

Boullier, Sentiments de M*** sur la critique des Pensées de Pascal par M. Voltaire, § VII, p. 42 sq., soutient l’identité de fond de ce qu’ont pensé les Juifs et les Chrétiens là-dessus.

 

qu’ils sont au monde pour l’annoncer aux hommes, qu’ils sont formés exprès pour être les avant‑coureurs et les hérauts de ce grand avènement, et pour appeler tous les peuples à s’unir à eux dans l’attente de ce libérateur.

La rencontre de ce peuple m’étonne et me semble digne de l’attention.

 

Sellier Philippe, “Israël : La rencontre de ce peuple m’étonne”, in Port-Royal et la littérature, II, 2e éd., 2012, p. 233-251.

Sur le caractère étonnant du rôle historique des Juifs, voir Sellier, Pascal et saint Augustin, p. 474, n. 36.

Cette affirmation se justifie par un caractère du peuple juif que Pascal a expliqué ailleurs :

Preuves par discours III (Laf. 436, Sel. 688). Toute histoire qui n’est pas contemporaine est suspecte, ainsi les livres des Sibylles et de Trismégiste, et tant d’autres qui ont eu crédit au monde sont faux et se trouvent faux à la suite des temps, il n’en est pas ainsi des auteurs contemporains. Il y a bien de la différence entre un livre que fait un particulier, et qu’il jette dans le peuple et un livre qui fait lui-même un peuple, on ne peut douter que le livre ne soit aussi ancien que le peuple. Comme le livre a fait le peuple, et comme par conséquent il est aussi ancien que le peuple, il répond à l’exigence de la méthode d’autorité, qui veut que les témoins aient eu avec les événements en cause un contact direct. Voir sur ce point la Préface au traité du vide, dans laquelle Pascal expose les exigences fondamentales des disciplines historiques, toutes fondées sur la mémoire.

 

Je considère cette loi qu’ils se vantent de tenir de Dieu et je la trouve admirable.

 

Sellier Philippe, Port-Royal et la littérature, II, p. 124 sq., et p. 126. Pascal va jusqu’à célébrer la grandeur de la loi juive entendue au sens littéral, contrairement à saint Augustin : p. 474 sq.

Russier Jeanne, La foi selon Pascal, II, p. 394. Pascal reprend les principes essentiels de l’interprétation janséniste du fait juif, mais en le faisant servir à la démonstration de la foi, ce qui est son originalité. Il pose deux principes : 1. l’excellence de la loi donnée par Dieu aux Juifs ; 2. l’inefficacité de l’alliance comme moyen de salut. L’idée de l’identité entre ce que Dieu prescrit aux Juifs et ce qu’il commande aux chrétiens est un thème courant à Port-Royal : p. 395. Originalité de l’usage apologétique des deux principes : p. 400. La preuve par la perpétuité, qui suppose l’identité des lois juives et chrétiennes, et le fait que les prophètes adoraient le Messie en regardant les dons éternels qu’il préparait, montrent qu’ils avaient donc conscience de parler par figures, et font donc partie des vrais Juifs : p. 401.

Laf. 793, Sel. 646. Cette religion m’est aimable et je la trouve déjà assez autorisée par une si divine morale.

Lemaître de Sacy, tr. de L’Exode et le Lévitique, Préface, § IV, p. XIX sq. Voir dans Chédozeau Bernard, L’univers biblique catholique au siècle de Louis XIV. La Bible de Port-Royal, I, Paris, Champion, 2013, p. 347-378, les passages de cette Préface qui traitent de la Loi de Moïse.

Grotius Hugo, De veritate religionis christianae, I, § XI. Judaica religio nihil quidem habuit illicitum aut inhonestum. Elle est pourtant inférieure à la chrétienne. Voir Pars V, § VI : « Ostenditur lege Mosis perfectiorem aliam dari potuisse. » Pas d’objection à tirer de l’immutabilité de Dieu contre le changement de la loi : « non enim de intrinseca Dei natura, sed de operibus agitur ». « Etiam praemia lege Mosis aperte proposita ad hanc vitam mortalem spectant omnia : unde fatendum est, legem aliquam illa lege meliorem dari potuisse, quae aeterna praemia, non sub umbris, sed aperte proponeret, quel lege Christi factum videmus ».

Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, in Œuvres, éd. Pléiade, p. 792 sq. L’éloge de détail est exposé p. 794 : « le législateur y avait si bien réfléchi sur toutes choses, que jamais on n’a eu besoin d’y rien changer » ; Moïse avait tout prévu.

Voir contra Voltaire, Traité de métaphysique, ch. V, in Mélanges, éd. Van des Heuvel, Pléiade, p. 182-183, un pastiche cruel de ce passage de Pascal, où il remarque que la loi des Juifs était si parfaite qu’elle prescrivait même comment aller aux toilettes, mais ne parlait pas de l’âme.

 

C’est la première loi de toutes, et de telle sorte qu’avant même que le mot de loi fût en usage parmi les Grecs, il y avait près de mille ans qu’ils l’avaient reçue et observée sans interruption.

 

Voir l’éloge que Flavius Josèphe a fait de Moïse comme législateur et de la loi qu’il a donnée aux Juifs dans la Réponse à ce qu’Apion avait écrit contre son Histoire des Juifs touchant l’Antiquité de leur race, Livre II, Chapitre VI, in Œuvres, I, Traduit du grec par Monsieur Arnauld d’Andilly. Troisième édition. Paris, chez Pierre Le Petit, MDCLXX, p. 439 sq. « Réponse à ce que Lysimaque, Apollonius Molon et quelques autres ont dit contre Moïse. Josèphe fait voir combien cet admirable législateur a surpassé tous les autres, et que nulles lois n’ont jamais été si saintes ni si religieusement observées que celles qu’il a établies » : p. 439 sq. On dit que « Moïse notre législateur n’était qu’un séducteur et un enchanteur, et que les lois qu’il nous a données n’ont rien que de méchant et de dangereux... ». Toutes les critiques contre les Juifs se résument à deux : que leurs lois ne sont pas bonnes et qu’ils ne les observent pas : p. 440. « Or je dis que notre législateur précède en antiquité Lycurgue, Solon, Zaleucus de Locres, et tous les autres tant anciens que modernes que les Grecs vantent si fort, et que le nom de lois n’était pas autrefois seulement connu parmi eux, comme il paraît par ce qu’Homère n’en a point usé. Les peuples étaient gouvernés par certaines maximes et quelques ordres des rois dont on usait selon les rencontres sans qu’il y en eût rien d’écrit. Mais notre législateur, que ceux mêmes qui parlent contre nous ne peuvent désavouer être très ancien, a fait voir qu’il était un admirable conducteur de tout un grand peuple, puisqu’après lui avoir donné d’excellentes lois il lui a persuadé de les recevoir et de les observer inviolablement. Voyons par la grandeur de ses actions quel il a été ». Il ne pensa qu’à marcher dans la crainte de Dieu, qu’à exciter ce peuple à embrasser la pitié et la justice, qu’à l’y fortifier par son exemple, et qu’à affermir son repos. Une conduite si sainte et tant de grandes actions ne donnent-elles pas sujet de croire que Dieu était l’oracle qu’il consultait, et qu’étant persuadé qu’il devait en toutes choses se conformer à sa volonté, il n’y avait rien qu’il ne fît pour inspirer ce même sentiment au peuple dont il avait la conduite » : p. 441. C’est un législateur « semblable à Minos » : car on voit bien que ses lois sont les plus saintes.

Le mot de loi n’a été connu qu’après Homère : voir Flavius Josèphe, Contre Apion, II, 154-155, éd. T. Reinach et L. Blum, Paris, Les Belles Lettres, 1972, p. 84. « Je prétends que notre législateur est le plus ancien des législateurs connus du monde entier. Les Lycurgue, les Solon, les Zaleucos de Locres et tous ceux qu’on admire chez les Grecs paraissent nés d’hier ou d’avant-hier comparés à lui, puisque le nom même de loi dans l’antiquité était inconnu en Grèce. Témoin Homère qui nulle part dans ses poèmes ne s’en est servi. En effet la loi n’existait pas même de son temps ; les peuples étaient gouvernés suivant des maximes non définies et par les ordres des rois. Longtemps encore, ils continuèrent à suivre des coutumes non écrites, dont beaucoup, au fur et à mesure des circonstances, étaient modifiées ». Le mot nomos ne se trouve pas en effet dans les poèmes homériques ; les plus anciens exemples sont dans Hésiode.

GEF XIV, p. 63, n. 12. Homère ne mentionne que des maximes non définies ou les ordres des rois, mais ne parle jamais de lois.

Pensées, éd. Havet, I, Delagrave, 1866, p. 203. Critique de l’expression et de l’idée de Pascal.

Voltaire, Lettres philosophiques, XXV, § VIII, éd. Ferret et McKenna, Garnier, p. 170. Fausseté de la thèse de Pascal.

« Il est très faux que la loi des Juifs soit la plus ancienne, puisque avant Moïse, leur législateur, ils demeuraient en Égypte, le pays de la terre le plus renommé pour ses sages lois.

Il est très faux que le nom de loi n’ait été connu qu’après Homère ; il parle des lois de Minos ; le mot de loi est dans Hésiode. Et quand le nom de loi ne se trouverait ni dans Hésiode ni dans Homère, cela ne prouverait rien. Il y avait des lois et des juges ; donc il y avait des lois.

Il est encore très faux que les Grecs et les Romains aient pris des lois des Juifs. Ce ne peut être dans les commencements de leurs républiques, car alors ils ne pouvaient connaître les Juifs ; ce ne peut être dans le temps de leur grandeur, car alors ils avaient pour ces barbares un mépris connu de toute la terre ».

Boullier David Renaud, Sentiments de M*** sur la critique des Pensées de Pascal par M. Voltaire, § VIII, p. 43 sq. Réponse à Voltaire.

 

Ainsi je trouve étrange que la première loi du monde se rencontre aussi la plus parfaite,

 

Preuves par les Juifs I (Laf. 451, Sel. 691). Avantages du peuple juif. [...] La loi par laquelle ce peuple est gouverné est tout ensemble, la plus ancienne loi du monde, la plus parfaite et la seule qui ait toujours été gardée sans interruption dans un État. C’est ce que Josèphe montre admirablement contre Apion et Philon juif, en divers lieux où ils font voir qu’elle est si ancienne que le nom même de loi n’a été connu des plus anciens que plus de mille ans après, en sorte que Homère qui a écrit l’histoire de tant d’États ne s’en est jamais servi. Et il est aisé de juger de sa perfection par la simple lecture, où l’on voit qu’on a pourvu à toutes choses, avec tant de sagesse, tant d’équité et tant de jugement que les plus anciens législateurs grecs et romains en ayant eu quelque lumière en ont emprunté leurs principales lois, ce qui paraît par celle qu’ils appellent des douze tables, et par les autres preuves que Josèphe en donne.

 

en sorte que les plus grands législateurs en ont emprunté les leurs comme il paraît par la loi des douze Tables d’Athènes qui fut ensuite prise par les Romains, et comme il serait aisé de le montrer, si Josèphe et d’autres n’avaient assez traité cette matière.

 

Preuves par les Juifs I (Laf. 451, Sel. 691). Avantages du peuple juif. [...] Les plus anciens législateurs grecs et romains en ayant eu quelque lumière en ont emprunté leurs principales lois, ce qui paraît par celle qu’ils appellent des douze tables, et par les autres preuves que Josèphe en donne.

Le mot de loi n’aurait été connu qu’après Homère : voir Flavius Josèphe, Contre Apion, II, 154-155, éd. T. Reinach et L. Blum, Paris, Les Belles Lettres, 1972, p. 84. « Je prétends que notre législateur est le plus ancien des législateurs connus du monde entier. Les Lycurgue, les Solon, les Zaleucos de Locres et tous ceux qu’on admire chez les Grecs paraissent nés d’hier ou d’avant-hier comparés à lui, puisque le nom même de loi dans l’antiquité était inconnu en Grèce. Témoin Homère qui nulle part dans ses poèmes ne s’en est servi. En effet la loi n’existait pas même de son temps ; les peuples étaient gouvernés suivant des maximes non définies et par les ordres des rois. Longtemps encore, ils continuèrent à suivre des coutumes non écrites, dont beaucoup, au fur et à mesure des circonstances, étaient modifiées ». Le mot nomos ne se trouve pas en effet dans les poèmes homériques ; les plus anciens exemples sont dans Hésiode.

Les Grecs ont emprunté leurs lois aux Juifs : voir Saint Augustin, Cité de Dieu, VIII, t. 34, p. 270. Saint Augustin avoue qu’il soutiendrait volontiers cette idée : p. 271. L’idée que les philosophes grecs ont connu la loi de Moïse se trouve souvent chez les apologistes chrétiens. La tradition selon laquelle les Grecs n’ont jamais vraiment rien inventé, ou n’ont inventé que des absurdités, mais qu’ils ont pris à la Bible leurs idées philosophiques les plus solides, remonterait à semble-t-il, au philosophe grec Aristobule (vers 150 avant Jésus-Christ), et se retrouverait chez Tatien, Discours aux Grecs (entre 166 et 171), et, du côté de l’école judéo-alexandrine, à Josèphe, Contre Apion I, XXII, éd. T. Reinach et L. Blum, coll. Budé, Paris, Belles Lettres, 1972, p. 31 sq. (exemple de Pythagore de Samos), et Philon, Allégories, I, 33, ainsi que chez Justin, Clément d’Alexandrie et Origène.

Saint Augustin, Cité de Dieu, VIII, t. 34, p. 270. Augustin avoue qu’il soutiendrait volontiers cette idée, que Platon aurait eu connaissance de la loi de Moïse : p. 271. Voir aussi De doctrina christiana, II, XXVIII, 43.

Gilson Étienne, Philosophie au Moyen Âge, I, p. 21-22, et Le thomisme. Introduction à la philosophie de saint Thomas d’Aquin, 6e éd., Paris, Vrin, 1997, p. 100. Augustin pense que Platon a dû connaître au moins en partie le livre de l’Exode. Voir Cité de Dieu, VIII, 11.

On trouve aussi par exemple chez Grotius, qui traite de « Mosis veracitate et antiquitate », l’idée que les Romains ont emprunté leurs lois aux Juifs : voir De veritate…, I, XV. « Accedit in dubitata scriptorum Mosis antiquitas, cui nullum aliud scriptum possit contendere : cujus argumentum et hoc est, quod Graeci, unde omnis ad alias gentes fluxit eruditio, litteras se aliunde accepisse fatentur… : sicut et antiquissimae leges atticae, unde et Romanae postea desumptae sunt, ex legibus Mosis originem ducunt » : p. 9. Grotius ne mentionne pas la loi des douze tables.

Grotius Hugo, Le droit de la guerre et de la paix, éd. Alland et Goyard-Fabre, II, ch. I, XII, 1, Paris, P. U. F., 1999, p. 172. « Voyons quel est le sens de la loi hébraïque, avec laquelle s’accorde la loi ancienne de Solon, dont Démosthène fait mention dans son discours contre Timocrate, et qui a été la source de la loi des Douze Tables ».

Sur la loi des douze tables, voir Historiens romains, Pléiade, I, Tite Live, p. 223, et II, César, p. 1151. Le texte original ne nous en est pas parvenu.

Bloch Raymond, Les origines de Rome, Que sais-je ?, Paris, P. U. F., 1985, p. 119. Avant la loi des douze tables, le droit romain n’était pas écrit, mais coutumier. La plèbe demanda que le droit fût unifié et publié. Un code fut préparé par une commission décemvirale et gravé sur douze tables. Ces lois ont été rédigées par une commission de dix anciens consuls (decemvirs) (451-499), posant la volonté du peuple en son entier comme fondement de la loi et établissant l’égalité des citoyens, patriciens et plébéiens. Voir Piganiol André, La conquête romaine, Paris, P. U. F., 1940, p. 90-94. La loi des douze tables est demeurée la « source de tout le droit, tant public que privé ». Ce sont des dispositions générales qu’on peut reconstituer par hypothèse, réglant le régime de la famille et de l’autorité paternelle, l’endettement : p. 92 sq. Au temps de Cicéron le texte en était appris par cœur par les enfants. Ce fut le fondement du droit romain.

Voltaire, Lettres philosophiques, XXV, § VIII, s’est fortement opposé à la thèse selon laquelle les Romains ont emprunté leurs lois aux Juifs. Voir plus haut.

Boullier, Sentiments de M*** sur la critique des Pensées de Pascal par M. Voltaire, § VIII, p. 43 sq., ne répond pas directement à l’objection, il se contente de l’écarter.

 

Prophéties. Serment que David aura toujours des successeurs. Jér. (texte barré verticalement)

 

Jérémie, XXXIII, 22 : « Sicuti numerari non possunt stellae caeli et metiri harena maris sic multiplicabo semen David servi mei et Levitas ministros meos ». Traduction de la Bible de Sacy : « Comme on ne peut compter les étoiles, ni mesurer tout le sable de la mer, ainsi je multiplierai la race de mon serviteur David, et les lévites qui sont mes ministres ».