Fragment Preuves de Jésus-Christ n° 21 / 24  – Papier original : RO 59-8

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Preuves de J.-C. n° 349 p. 163-163 v° / C2 : p. 194

Éditions savantes : Faugère II, 274, XII / Brunschvicg 699 / Tourneur p. 281-3 / Le Guern 300 / Lafuma 319 / Sellier 350

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Bibliographie

 

 

COHN Lionel, “Pascal et le judaïsme”, in Pascal. Textes du tricentenaire, Paris, Fayard, 1963, p. 206-224.

Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme, article Synagogue, Paris, Cerf, 1993.

ERNST Pol, Approches pascaliennes, Gembloux, Duculot, 1970.

SELLIER Philippe, “Le fondement prophétique”, in Port-Royal et la littérature, Pascal, 2e éd., Paris, Champion, 2010, p. 461-470.

 

 

Éclaircissements

 

La Synagogue a précédé l’Église ;

 

Le mot synagogue vient du grec qui signifie assemblée ; il est donc quasi synonyme d’ecclesia, d’où vient le nom de l’Église. Il désigne les assemblées de prière et de lecture sacrée dans le judaïsme, et le bâtiment qui les abritait. Pascal l’emploie en un sens plus large, pour désigner « l’assemblée idéale du peuple juif », considéré dans ses croyances et dans ses pratiques religieuses (L. Bouyer, Dictionnaire théologique, art. Synagogue, p. 614).

Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme, article Synagogue, Paris, Cerf, 1993, p. 1080-1084. Les origines de la Synagogue ne sont pas très claires, car certaines traditions la font remonter à des temps très anciens. Il semble toutefois que la genèse de cette institution religieuse centrale du judaïsme remonte à l’exil à Babylone, époque où les Juifs se retrouvaient pour étudier les Écritures. Lors du retour des exilés et la construction du second Temple, des synagogues se répandent sur la terre d’Israël. Au temps de la diaspora, on en trouve en de nombreux lieux de l’empire romain, à Rome même, à Damas, en Asie mineure, à Alexandrie. La destruction du Temple fait de ces synagogues une institution vitale dans la survie du peuple d’Israël : certains rites du Temple y sont transférés ; la prière y remplace le sacrifice (qui ne pouvait avoir lieu qu’au Temple). Le clergé du Temple disparu, ce sont des laïcs qui peuvent présider les offices dans la synagogue. Durant le Moyen Âge, la synagogue devient un lieu où se déroulent de nombreuses activités communautaires : réunion du tribunal rabbinique, cours, vœux et excommunications. L’importance de la synagogue dans la conscience communautaire juive a toujours été essentielle, surtout dans la diaspora.

La synagogue précède l’Église en ce sens qu’elle est l’institution fondamentale de la religion qui annonce celle des chrétiens. Elle en partage un caractère de présence dans de nombreux pays du monde méditerranéen : la diaspora lui donne un caractère de présence universelle, comme ce sera vraiment la nature de la religion chrétienne, essentiellement catholique.

La synagogue apparaît comme la préhistoire de l’Église, qui ne s’en est détachée que pour accomplir un dépassement qui était dans la ligne de la synagogue. C’est proprement en ce sens que Pascal entend l’idée de figure.

Pascal souligne plusieurs caractères de la synagogue, à commencer par sa durée, qui va de l’exil jusqu’à l’époque moderne. Toutefois, il ne rapporte pas la cause de cette persistance à des facteurs politiques ou sociaux, mais aux conséquences du dessein de la Révélation : la synagogue a duré tant qu’elle a été porteuse de la Parole de Dieu et figuré la religion chrétienne. Elle n’a pas disparu avec l’avènement du Christ, mais elle s’est trouvée réduite en servitude, perdant ainsi ce qui lui conférait sa vitalité. Pascal lui applique le principe (voir Loi figurative) qui veut que la figure perde sa substance au profit de ce qu’elle figure. Voir Miracles III (Laf. 859, Sel. 438). La synagogue était la figure et ainsi ne périssait point ; et n’était que la figure, et ainsi est périe. C’était une figure qui contenait la vérité et ainsi elle a subsisté jusqu’à ce qu’elle n’a plus eu la vérité.

Laf. 573, Sel. 476. La synagogue ne périssait point parce qu’elle était la figure. Mais parce qu’elle n’était que la figure elle est tombée dans la servitude. La figure a subsisté jusqu’à la vérité afin que l’Église fût toujours visible ou dans la peinture qui la promettait ou dans l’effet.

L’histoire de la synagogue tout entière est ainsi interprétée sous l’aspect des sentiments que Dieu est censé entretenir à son égard :

Miracles III (Laf. 903, Sel. 450). La synagogue qui a été traitée avec amour comme figure de l’Église et avec haine parce qu’elle n’en était que la figure a été relevée étant prête à succomber, quand elle était bien avec Dieu, et ainsi figure.

Pascal a expliqué dans le même sens le destin de la loi juive et des sacrifices accomplis au Temple :

Loi figurative 14 (Laf. 259, Sel. 290). Figure. Si la loi et les sacrifices sont la vérité il faut qu’elle plaise à Dieu et qu’elle ne lui déplaise point. S’ils sont figures il faut qu’ils plaisent et déplaisent.

Or dans toute l’Écriture ils plaisent et déplaisent. Il est dit que la loi sera changée, que le sacrifice sera changé, qu’ils seront sans roi, sans princes et sans sacrifices, qu’il sera fait une nouvelle alliance, que la loi sera renouvelée, que les préceptes qu’ils ont reçus ne sont pas bons, que leurs sacrifices sont abominables, que Dieu n’en a point demandé.

Il est dit au contraire que la loi durera éternellement, que cette alliance sera éternelle, que le sacrifice sera éternel, que le sceptre ne sortira jamais d’avec eux, puisqu’il n’en doit point sortir que le roi éternel n’arrive.

Tous ces passages marquent-ils que ce soit réalité  ? non ; Marquent-ils aussi que ce soit figure  ? non, mais que c’est réalité ou figure ; mais les premiers excluant la réalité marquent que ce n’est que figure.

Tous ces passages ensemble ne peuvent être dits de la réalité ; tous peuvent être dits de la figure. Ils ne sont pas dits de la réalité mais de la figure.

Sur la religion juive, figure et source du christianisme, voir Cohn Lionel, “Pascal et le judaïsme”, in Pascal. Textes du tricentenaire, Paris, Fayard, 1963, p. 206-224, notamment p. 216-217.

 

 les Juifs, les chrétiens.

 

Il faut sans doute sous-entendre « ont précédé ». Comme pour la synagogue, Pascal emploie ici le mot précédé, et non pas prédit, comme il le fait ensuite. Les Juifs n’ont pas prédit les chrétiens : ils les ont seulement précédés, parce qu’ils en étaient la figure. Mais ils étaient naturellement inconscients de l’être, alors que les prophètes qui ont annoncé le Messie et les chrétiens le faisaient en connaissance de cause.

 

Les prophètes ont prédit les chrétiens ;

 

Cette formule fait écho à la liasse Loi figurative : Pascal y a montré que les prophéties avaient un sens figuratif sous leur sens littéral, et que ce sens figuratif était spirituel, d’où il résulte qu’elles avaient en réalité Jésus-Christ et la charité pour objet. Ces prophètes, Pascal les appelle les vrais Juifs.

Par conséquent, les Juifs n’ont pas seulement précédé les chrétiens : ceux d’entre eux qui connaissaient le sens spirituel des prophéties annonçaient aussi l’avènement du Christ et de ses disciples, savoir les chrétiens.

Preuves de Jésus-Christ 17 (Laf. 315, Sel. 346). Moïse d’abord enseigne la Trinité, le péché originel, le Messie.

Voir la liasse Preuves de Moise.

Perpétuité 4 (Laf. 282, Sel. 314). Perpétuité. Le Messie a toujours été cru. La tradition d’Adam était encore nouvelle en Noé et en Moïse. Les prophètes l’ont prédit depuis en prédisant toujours d’autres choses dont les événements qui arrivaient de temps en temps à la vue des hommes marquaient la vérité de leur mission et par conséquent celle de leurs promesses touchant le Messie. J.-C. a fait des miracles et les apôtres aussi qui ont converti tous les païens et par là toutes les prophéties étant accomplies le Messie est prouvé pour jamais.

Dossier de travail (Laf. 390, Sel. 9). Perpétuité. Qu’on considère que depuis le commencement du monde, l’attente ou l’adoration du Messie subsiste sans interruption, qu’il s’est trouvé des hommes qui ont dit que Dieu leur avait révélé, qu’il devait naître un Rédempteur qui sauverait son peuple. Qu’Abraham est venu ensuite dire qu’il avait eu révélation qu’il naîtrait de lui par un fils qu’il aurait, que Jacob a déclaré que de ses douze enfants il naîtrait de Juda, que Moïse et les prophètes sont venus ensuite déclarer le temps et la manière de sa venue. Qu’ils ont dit que la loi qu’ils avaient n’était qu’en attendant celle du Messie, que jusques là elle serait perpétuelle, mais que l’autre durerait éternellement, qu’ainsi leur loi ou celle du Messie dont elle était la promesse serait toujours sur la terre, qu’en effet elle a toujours duré, qu’enfin est venu J.-C. dans toutes les circonstances prédites. Cela est admirable.

 

saint Jean, Jésus-Christ.

 

Il s’agit de saint Jean Baptiste. Saint Jean est dit le Précurseur. Voir l’Abrégé de la vie de Jésus-Christ, v. 13-17, OC III, éd. J. Mesnard, p. 252-254.

Voir la Pensée n° 24Aa (Laf. 945, Sel. 767). La pénitence, seule de tous les mystères a été déclarée manifestement aux Juifs et par St Jean précurseur, et puis les autres mystères pour marquer qu’en chaque homme comme au monde entier cet ordre doit être observé.

Laf. 547, Sel. 460. J.-C. n’a point voulu du témoignage des démons ni de ceux qui n’avaient pas vocation, mais de Dieu et Jean-Baptiste.

Preuves de Jésus-Christ 17 (Laf. 315, Sel. 346). Moïse d’abord enseigne la Trinité, le péché originel, le Messie.

David grand témoin.

Roi, bon, pardonnant, belle âme, bon esprit, puissant. Il prophétise et son miracle arrive. Cela est infini.

Il n’avait qu’à dire qu’il était le Messie s’il eût eu de la vanité, car les prophéties sont plus claires de lui que de J.-C.

Et saint Jean de même.

Voir l’article Jean-Baptiste du Dictionnaire de théologie catholique.

Philippe de Champaigne a peint un Saint Jean-Baptiste (1657), propriété du musée de Grenoble, qui illustre la parole « Derrière moi vient un homme qui me dépasse, car il était avant moi » (Jean, I, 30). Jean-Baptiste porte un phylactère sur lequel est écrit « Ecce agnus Dei qui tollit peccata mundi ». Voir l’étude de ce tableau dans Philippe de Champaigne, 1602-1674, Entre politique et dévotion, Réunion des Musées nationaux, 2007, p. 192-195.