Fragment Loi figurative n° 28 / 31  – Papier original : RO 39-2

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Loi figurative n° 314 p. 137 v° / C2 : p. 165

Éditions de Port-Royal : Chap. XIII - Juifs : 1669 et janvier 1670 p. 80  / 1678 n° 9 p. 80-81

Éditions savantes : Faugère II, 203, XXVI / Havet XV.6 / Michaut 90 / Brunschvicg 745 / Tourneur p. 266-1 / Le Guern 256 / Lafuma 273 / Sellier 304

 

 

 

Ceux qui ont peine à croire en cherchent un sujet en ce que les Juifs ne croient pas  Si cela était si clair, dit‑on, pourquoi ne croiraient‑ils pas ?  et voudraient quasi qu’ils crussent afin de n’être point arrêtés par l’exemple de leur refus. Mais c’est leur refus même qui est le fondement de notre créance. Nous y serions bien moins disposés s’ils étaient des nôtres. Nous aurions alors un bien plus ample prétexte.

Cela est admirable d’avoir rendu les Juifs grands amateurs des choses prédites et grands ennemis de l’accomplissement.

 

 

 

Pascal répond dans ce fragment à une objection qui s’impose immédiatement à toute personne qui a entrepris sa recherche sur la vérité de la religion chrétienne : si cette vérité est si évidente qu’on le prétend, comment se fait-il que les Juifs ne se soient pas rendus à cette évidence, alors qu’ils étaient apparemment les plus aptes à la reconnaître, familiers des prophéties messianiques comme ils l’étaient ?

En réalité, remarque Pascal, la situation des Juifs, amateurs des choses prédites et grands ennemis de l’accomplissement, était telle que leur refus de Jésus-Christ est paradoxalement l’une des preuves les plus puissantes de cette religion chrétienne qu’ils récusent.

De ce fait, l’objection que des modernes pourraient croire trouver dans cette résistance des Juifs se transforme en une raison qui fait pour la religion chrétienne et non contre.

 

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Fragments connexes

 

Loi figurative 17 (Laf. 262, Sel. 293). Que pouvaient faire les Juifs, ses ennemis ? S’ils le reçoivent ils le prouvent par leur réception, car les dépositaires de l’attente du Messie le reçoivent et s’ils le renoncent ils le prouvent par leur renonciation.

Loi figurative 25 (Laf. 270, Sel. 301). Les Juifs avaient vieilli dans ces pensées terrestres : que Dieu aimait leur père Abraham, sa chair et ce qui en sortait, que pour cela il les avait multipliés et distingués de tous les autres peuples sans souffrir qu’ils s’y mêlassent, que quand ils languissaient dans l’Égypte il les en retira avec tous ses grands signes en leur faveur, qu’il les nourrit de la manne dans le désert, qu’il les mena dans une terre bien grasse, qu’il leur donna des rois et un temple bien bâti pour y offrir des bêtes, et, par le moyen de l’effusion de leur sang qu’ils seraient purifiés, et qu’il leur devait enfin envoyer le Messie pour les rendre maîtres de tout le monde, et il a prédit le temps de sa venue.

Le monde ayant vieilli dans ces erreurs charnelles, J.-C. est venu dans le temps prédit, mais non pas dans l’éclat attendu, et ainsi ils n’ont pas pensé que ce fût lui. Après sa mort saint Paul est venu apprendre aux hommes que toutes ces choses étaient arrivées en figures, que le royaume de Dieu ne consistait pas en la chair, mais en l’esprit, que les ennemis des hommes n’étaient pas les Babyloniens, mais leurs passions, que Dieu ne se plaisait pas aux temples faits de main, mais en un cœur pur et humilié, que la circoncision du corps était inutile, mais qu’il fallait celle du cœur, que Moïse ne leur avait pas donné le pain du ciel, etc.

Mais Dieu n’ayant pas voulu découvrir ces choses à ce peuple qui en était indigne et ayant voulu néanmoins les produire afin qu’elles fussent crues, il en a prédit le temps clairement et les a quelquefois exprimées clairement mais abondamment en figures afin que ceux qui aimaient les choses figurantes s’y arrêtassent (je ne dis pas bien) et que ceux qui aimaient les figurées les y vissent.

Prophéties V (Laf. 488, Sel. 734). Les Juifs en le tuant pour ne le point recevoir pour Messie, lui ont donné la dernière marque du Messie. Et en continuant à le méconnaître ils se sont rendus témoins irréprochables. Et en le tuant et continuant à le renier ils ont accompli les prophéties.

Pensées diverses (Laf. 592, Sel. 492). Si les Juifs eussent été tous convertis par J.-C. nous n’aurions plus que des témoins suspects. Et s’ils avaient été exterminés, nous n’en aurions point du tout.

Pensées diverses (Laf. 593, Sel. 493). Les Juifs le refusent mais non pas tous ; les saints le reçoivent et non les charnels, et tant s’en faut que cela soit contre sa gloire que c’est le dernier trait qui l’achève. Comme la raison qu’ils en ont et la seule qui se trouve dans tous leurs écrits, dans le Talmud et dans les rabbins, n’est que parce que J.-C. n’a pas dompté les nations en main armée. Gladium tuum potentissime. N’ont-ils que cela à dire ? J.-C. a été tué, disent-ils, il a succombé et il n’a pas dompté les païens par sa force. Il ne nous a pas donné leurs dépouilles. Il ne donne point de richesses, n’ont-ils que cela à dire ? C’est en cela qu’il m’est aimable. Je ne voudrais pas celui qu’ils se figurent. Il est visible que ce n’est que le vice qui leur a empêché de le recevoir et par ce refus ils sont des témoins sans reproche, et qui plus est par là ils accomplissent les prophéties.

 

Mots-clés : Clarté – Croire – Exemple – FondementJuifs – Prétexte – Refus.