Fragment Loi figurative n° 5 / 31  – Papier original : RO 39-6

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Loi figurative n° 297 p. 125 / C2 : p. 151

Éditions savantes : Faugère II, 249, XII / Havet XXV, 154 / Brunschvicg 681 / Tourneur p. 256-5 / Le Guern 233 / Lafuma 249 / Sellier 281

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Bibliographie

 

 

DESCOTES Dominique, L’argumentation chez Pascal, Paris, Presses Universitaires de France, 1993, p. 243.

ERNST Pol, Approches pascaliennes, Gembloux, Duculot, 1970, p. 376.

FORCE Pierre, Le problème herméneutique chez Pascal, Paris, Vrin, 1989.

MESNARD Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., Paris, SEDES-CDU, 1993, p. 262.

SELLIER Philippe, Pascal et la liturgie, Paris, Presses Universitaires de France, 1966, p. 75-76.

 

 

Éclaircissements

 

Figuratives.

 

Cet adjectif sous-entend un féminin pluriel tel que expressions. Le mot permet de préciser la signification des titres de plusieurs autres fragments intitulés Figur. en abrégé.

 

Clé du chiffre.

 

L’idée que Le vieux Testament est un chiffre, c’est-à-dire que sous son sens littéral se trouve un sens figuré caché aux esprits charnels, est formulée dans le fragment Loi figurative 31 (Laf. 276, Sel. 307). Pascal considère donc les écrits des prophètes comme une sorte de langage chiffré. Les conséquences qui s’en tirent sont expliquées dans différents endroits, principalement dans la liasse Loi figurative.

Laf. 557, Sel. 465. Les langues sont des chiffres où, non les lettres sont changées en lettres, mais les mots en mots. De sorte qu’une langue inconnue est déchiffrable.

Le chiffre exige d’abord d’être connu comme chiffre, faute de quoi le lecteur n’a aucune raison de chercher un autre sens que celui qui lui apparaît au premier regard. Il exige donc l’existence d’une clé qui permet d’inférer du sens littéral au sens spirituel caché. La clé peut être dissimulée, pour échapper aux personnes auxquelles le message n’est pas destiné. Mais qu’elle soit cachée ou non, elle ne peut elle-même être chiffrée, faute de quoi elle ne peut pas remplir son office de clé (ou alors une clé seconde, qui la désigne comme clé, est nécessaire, mais l’on se heurte alors à un renvoi à l’infini). Par conséquent la clé elle-même doit être formulée clairement.

Loi figurative 20 (Laf. 265, Sel. 296). Chiffre a double sens. Un clair et où il est dit que le sens est caché.

Les Écritures satisfont à cette exigence.

Loi figurative 15 (Laf. 260, Sel. 291). Le chiffre a deux sens. Quand on surprend une lettre importante où l’on trouve un sens clair, et où il est dit néanmoins que le sens en est voilé et obscurci, qu’il est caché en sorte qu’on verra cette lettre sans la voir et qu’on l’entendra sans l’entendre, que doit-on penser sinon que c’est un chiffre à double sens ? Et d’autant plus qu’on y trouve des contrariétés manifestes dans le sens littéral. Les prophètes ont dit clairement qu’Israël serait toujours aimé de Dieu et que la Loi serait éternelle. Et ils ont dit que l’on n’entendrait point leur sens et qu’il était voilé.

Combien doit-on donc estimer ceux qui nous découvrent le chiffre et nous apprennent à connaître le sens caché, et principalement quand les principes qu’ils en prennent sont tout à fait naturels et clairs. C’est ce qu’a fait Jésus-Christ et les apôtres. Ils ont levé le sceau. Il a rompu le voile et a découvert l’esprit.

Loi figurative 23 (Laf. 268, Sel. 299). La lettre tue - Tout arrivait en figures - Il fallait que le Christ souffrît - Un Dieu humilié - Voilà le chiffre que saint Paul nous donne.

 

Veri adoratores.

 

Jean, IV, 23. « Mais le temps vient, et il est déjà venu, que les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité » (tr. Sacy).

Sellier Philippe, Pascal et la liturgie, p. 75-76, indique qu’il s’agit d’un texte tiré de la liturgie de carême. Ce sont les premiers mots de l’antienne à Magnificat pour le troisième lundi de carême : « Veri adoratores adorabunt Patrem in spiritu et veritate » (Tr. : les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité).

Les expressions semblables à Vrais adorateurs, dont Pascal a établi une liste, ont une structure complexe : l’adjectif vrai sert à mettre en cause le sens du mot qu’il accompagne, dans la mesure où il implique que le sens auquel on l’entend ordinairement n’est pas le bon, comme l’indique Loi figurative 23 (Laf. 268, Sel. 299) : Vous seriez vraiment libres ; donc l’autre liberté, la liberté politique, n’est qu’une figure de liberté. Voir Descotes Dominique, L’argumentation chez Pascal, p. 243. Cependant, le fait de savoir que la liberté politique n’est pas la vraie ne suffit pas pour faire savoir que la vraie liberté est la liberté spirituelle, qui délivre l’homme du péché. C’est que, selon Pascal, les prophètes et les apôtres ont suffisamment expliqué :

Loi figurative 23 (Laf. 268, Sel. 299). Circoncision du cœur, vrai jeûne, vrai sacrifice, vrai temple : les prophètes ont indiqué qu’il fallait que tout cela fût spirituel.

Loi figurative 9 (Laf. 253, Sel. 285). J.-C. leur ouvrit l’esprit pour entendre les Écritures.

Deux grandes ouvertures sont celles-là : 1. Toutes choses leur arrivaient en figures - Vere Israelita, Vere liberi, Vrai pain du ciel.

Laf. 818, Sel. 660. Les agneaux n’ôtaient point les péchés du monde mais je suis l’agneau qui ôte les péchés.

Moïse ne vous a point donné le pain du ciel.

Moïse ne vous a point tirés de captivité et ne vous a pas rendus véritablement libres.

 

Ecce agnus Dei qui tollit peccata mundi.

 

Jean, I, 29. « Le lendemain, Jean vit Jésus qui venait à lui et il dit : Voici l’agneau de Dieu, voici celui qui ôte le péché du monde » (tr. Sacy).

Laf. 818, Sel. 660. Les agneaux n’ôtaient point les péchés du monde mais je suis l’agneau qui ôte les péchés.

Sellier Philippe, Pascal et la liturgie, p. 75-76. Ce passage a sans doute été amené par un souvenir de la Préface de Pâques, « Ipse enim verus est agnus, qui abstulit peccata mundi », où il est dit que le Christ est la réalité dont l’agneau pascal n’était que la figure. La Préface au temps de Pâques, souvent utilisée par Pascal, contient cette évocation en des termes à peu près identiques.

Voir dans GEF XIV, p. 116, un rapprochement de ce passage avec l’application ironique que Pascal en fait aux casuistes dans la IVe Provinciale, § 3 : « C'était sur cela que M. Hallier, avant qu'il fût de nos amis, se moquait du P. Bauny, et lui appliquait ces paroles : Ecce qui tollit peccata mundi ; Voilà celui qui ôte les péchés du monde. Il est vrai, lui dis-je, que voilà une rédemption toute nouvelle selon le P. Bauny. »