Fragment Loi figurative n° 24 / 31  – Papier original : RO 33 et 33 v°

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Loi figurative n° 310 p. 133-133 v° / C2 : p. 160-161

Éditions de Port-Royal : Chap. XIII - Que la Loy estoit figurative : 1669 et janvier 1670 p. 104-106  / 1678 n° 18 et 19 p. 104-106

Éditions savantes : Faugère II, 307, XXXV / Havet XVI.15 et 16 / Brunschvicg 692 / Tourneur p. 263 / Le Guern 252 / Lafuma 269 / Sellier 300

 

 

 

 

 

Dans l’édition de Port-Royal

 

Chap. XIII - Que la Loy estoit figurative : 1669 et janvier 1670 p. 104-106  / 1678 n° 18 et 19 p. 104-106

       

 

Différences constatées par rapport au manuscrit original

 

Ed. janvier 1670 1

Transcription du manuscrit

 

18.  Il y en a qui voient bien qu’il n’y a pas d’autre ennemi de l’homme que la concupiscence qui le 2 détourne de Dieu, ni d’autre bien que Dieu, et non pas une terre fertile. Ceux qui croient que le bien de l’homme est en la 2 chair, et le mal en ce qui le détourne des plaisirs des sens ; qu’ils s’en soûlent, et qu’ils y meurent. Mais ceux qui cherchent Dieu de tout leur cœur, qui n’ont de déplaisir que d’être privés de sa vue, qui n’ont de désir que pour le posséder, et d’ennemis que ceux qui les en détournent, qui s’affligent de se voir environnés et dominés de tels ennemis ; qu’ils se consolent ; il y a un libérateur pour eux ; il y a un Dieu pour eux. Un Messie a été promis pour délivrer des ennemis ; et il en est venu un pour délivrer des iniquités, mais non pas des ennemis.

 

 

19.  Quand David prédit que le Messie délivrera son peuple de ses ennemis, on peut croire charnellement que ce sera des Égyptiens, et alors je ne saurais montrer que la prophétie soit accomplie. Mais on peut bien croire aussi que ce sera des iniquités. Car dans la vérité les Égyptiens ne sont pas 2 des ennemis, mais les iniquités le sont. Ce mot d’ennemis est donc équivoque.

Mais s’il dit à l’homme 2, comme il fait, qu’il délivrera son peuple de ses péchés, aussi bien qu’Isaïe et les autres, l’équivoque est ôtée, et le sens double des ennemis réduit au sens simple d’iniquités ; car s’il avait dans l’esprit les péchés, il les pouvait bien dénoter par ennemis ; mais s’il pensait aux ennemis, il ne les pouvait pas désigner par iniquités.

Or Moïse, David et Isaïe usaient des mêmes termes. Qui dira donc qu’ils n’avaient pas même sens, et que le sens de David qui est manifestement d’iniquités lorsqu’il parlait d’ennemis, ne fût pas le même que celui de Moïse en parlant d’ennemis ?

Daniel chap. 9. prie pour la délivrance du peuple de la captivité de leurs ennemis ; mais il pensait aux péchés ; et pour le montrer, il dit, que Gabriel lui vint dire qu’il était exaucé, et qu’il n’y avait que 70 semaines à attendre, après quoi le peuple serait délivré d’iniquité, le péché prendrait fin, et le libérateur le Saint des Saints amènerait la justice éternelle, non la légale, mais l’éternelle.

[Loi figurative 22 - Laf. 267, Sel. 298]

 

Figures. 2

Il y en a qui voient bien qu’il n’y a pas d’autre ennemi de l’homme que la concupiscence qui les détourne de Dieu, et non pas des [iniquités] 2, ni d’autre bien que Dieu, et non pas une terre grasse. Ceux qui croient que le bien de l’homme est en sa chair et le mal en ce qui le détourne des plaisirs des sens, qu’il[s] s’en soûle[nt] et qu’il[s] y meure[nt]. Mais ceux qui cherchent Dieu de tout leur cœur, qui n’ont de déplaisir que d’être privés de sa vue, qui n’ont de désir que pour le posséder et d’ennemis que ceux qui les en détournent, qui s’affligent de se voir environnés et dominés de tels ennemis, qu’ils se consolent. Je leur annonce une heureuse nouvelle : il y a un libérateur pour eux. Je le leur ferai voir, je leur montrerai qu’il y a un Dieu pour eux. Je ne le ferai pas voir aux autres. Je ferai voir qu’un Messie a été promis pour délivrer des ennemis, et qu’il en est venu un pour délivrer des iniquités, mais non des ennemis.

Quand David prédit que le Messie délivrera son peuple de ses ennemis, on peut croire charnellement que ce sera des Égyptiens, et alors je ne saurais montrer que la prophétie soit accomplie. Mais on peut bien croire aussi que ce sera des iniquités, car dans la vérité les Égyptiens ne sont point ennemis, mais les iniquités le sont.

Ce mot d’ennemis est donc équivoque.

Mais, s’il dit ailleurs, comme il fait, qu’il délivrera son peuple de ses péchés, aussi bien qu’Isaïe et les autres, l’équivoque est ôtée, et le sens double des ennemis réduit au sens simple d’iniquités. Car s’il avait dans l’esprit les péchés, il les pouvait bien dénoter par ennemis, mais s’il pensait aux ennemis, il ne les pouvait pas désigner par iniquités.

Or Moïse et 2 David et Isaïe usaient de mêmes termes. Qui dira donc qu’ils n’avaient pas même sens et que le sens de David, qui est manifestement d’iniquités lorsqu’il parlait d’ennemis, ne fût pas le même que Moïse en parlant d’ennemis ?

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Daniel IX prie pour la délivrance du peuple de la captivité de leurs ennemis. Mais il pensait aux péchés, et pour le montrer, il dit que Gabriel lui vint dire qu’il était exaucé et qu’il n’y avait plus que 70 semaines à attendre. Après quoi le peuple serait délivré d’iniquité, le péché prendrait fin et le libérateur, le saint des saints, amènerait la justice éternelle, non la légale mais l’éternelle.

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1 Conventions : rose = glose des éditeurs ; vert = correction des éditeurs ; marron = texte non retenu par les éditeurs.

2 La différence provient des Copies C1 et C2.

 

Commentaire

 

Port-Royal a préféré combiner la deuxième partie du fragment (selon les Copies) avec le texte de Loi figurative 22 (Laf. 267, Sel. 298) plutôt qu’avec sa première partie.

 

Les Portefeuilles Vallant ont conservé une copie partielle p. 51 v°-52, qui a été établie au cours du processus d’édition

 

 

 

 

 

 

 

3

 

quand david predit que le messie delivrera

son peuple de ses ennemis on peut croire

charnellement que ce sera des ægiptiens et alors

je ne scaurois montrer que la prophetie soit

accomplies*, mais on peut bien croire aussi que

ce sera des iniquites, car dans la veritè les

egiptiens ne sont pas ennemis mais les iniquites

le sont ce mot dennemis est donc equivoque

mais sil dit a l’homme comme il fait quil

delivrera son peuple de ses peches aussi bien

3 car ils en ont esté delivres sans messie -

 

 

 

 

qu isaie et les autres lequivoque est ostee et le

double sens des ennemis reduit au sens simple

diniquités, car sil avoit dans lesprit les peches

il les pouvoit bien denoter par enemis, mais

sil pensoit aux enemis il ne pouvoit pas pas

les designer par iniquites

or Moyse, david et Isaye usoient de mêmes

termes qui dira donc quils navoient pas mesme

sens, et que le sens de david qui est manifestement

diniquités lorsquil parloit denemis ne fut pas

le mesme que celuy de moyse en parlant denemis

 

Daniel IX prie pour la delivrance du peuple

de la captivitè de leurs enemis, mais il pensoit

aux peches et pour le montrer il dit que gabriel

lui vint dire quil estoit exauce et quil ny

avoit plus que 70 semaines apres quoy le peuple

seroit delivrè diniquité le peche prendroit fin

et le liberateur le saint des saints ameneroit

la justice eternelle, non la legale mais

leternelle.

 

Nota : ce texte est suivi d’un autre qui est tiré du fragment Loi figurative 22 (Laf. 267, Sel. 298) comme dans l’édition définitive.

L’addition marginale car ils en ont été tirés sans messie est étrange. Elle ne rectifie pas l’incohérence qui consiste à faire de David un prophète qui annonce des faits passés, elle la confirme au contraire. Rien dans le manuscrit ni dans les copies ne permet d’en tenir compte.