Fragment Misère n° 5 / 24 – Papier original :  RO 67-1

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Misère n° 78 p. 15 / C2 : p. 33

Éditions savantes : Faugère I, 223, CXLV / Havet XXV.72 / Michaut 186 / Brunschvicg 379 / Tourneur p. 181-1 / Le Guern 53 / Maeda II p.235 / Lafuma 57 / Sellier 90

 

 

 

Il n’est pas bon d’être trop libre.

-------

Il n’est pas bon d’avoir toutes les nécessités.

 

 

 

Ce fragment répond à l’idée qu’il est toujours difficile, voire impossible, de fixer un juste milieu entre des caractères différents ou opposés. On trouve cette idée dans les fragments Laf. 540, Sel. 458, ou Miracles III (Laf. 905, Sel. 450). Le sens du fragment serait celui-ci : Toutes les bonnes maximes sont dans le monde ; on ne manque qu’à les appliquer, mais chaque chose est ici vraie en partie, fausse en partie, Nous n’avons ni vrai, ni bien que en partie, et mêlé de mal et de faux. C’est le cas quand on envisage la liberté qu’il faut laisser à l’homme, ou la contrainte qu’il doit subir : les excès sont mauvais, mais on ne sait pas comment assigner le juste milieu.

 

Analyse détaillée...

Fragments connexes

 

Pensées diverses (Laf. 540, Sel. 458). Toutes les bonnes maximes sont dans le monde ; on ne manque qu’à les appliquer.

Par exemple, on ne doute pas qu’il ne faille exposer sa vie pour défendre le bien public, et plusieurs le font ; mais pour la religion point.

Il est nécessaire qu’il y ait de l’inégalité parmi les hommes, cela est vrai ; mais cela étant accordé voilà la porte ouverte non seulement à la plus haute domination mais à la plus haute tyrannie.

Il est nécessaire de relâcher un peu l’esprit, mais cela ouvre la porte aux plus grands débordements.

Qu’on en marque les limites. Il n’y a point de bornes dans les choses. Les lois en veulent mettre, et l’esprit ne peut le souffrir.

Miracles III (Laf. 905, Sel. 450). Pyrrhonisme.

Chaque chose est ici vraie en partie, fausse en partie. La vérité essentielle n’est point ainsi, elle est toute pure et toute vraie. Ce mélange la détruit et l’anéantit. Rien n’est purement vrai et ainsi rien n’est vrai en l’entendant du pur vrai. On dira qu’il est vrai que l’homicide est mauvais : oui, car nous connaissons bien le mal et le faux. Mais que dira-t-on qui soit bon ? La chasteté ? Je dis que non, car le monde finirait. Le mariage ? non, la continence vaut mieux. De ne point tuer ? non, car les désordres seraient horribles, et les méchants tueraient tous les bons. De tuer ? non, car cela détruit la nature. Nous n’avons ni vrai, ni bien que en partie, et mêlé de mal et de faux.

 

Mots-clés : LibertéNécessité.