Fragment Morale chrétienne n° 11 / 25  – Papier original : RO 163-2

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Morale n° 363 p. 179 / C2 : p. 211

Éditions savantes : Faugère I, 235, CLXXXIII / Havet XXV.23 / Brunschvicg 209 / Tourneur p. 292-1 / Le Guern 342 / Lafuma 361 / Sellier 393

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Bibliographie

 

 

ERNST Pol, Approches pascaliennes, Gembloux, Duculot, 1970.

MESNARD Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., Paris, SEDES-CDU, 1993.

 

 

Éclaircissements

 

Es‑tu moins esclave pour être aimé et flatté de ton maître ? Tu as bien du bien, esclave, ton maître te flatte. Il te battra tantôt.

 

Mesnard Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., p. 244, rapproche ce fragment de Morale chrétienne 6 (Laf. 356, Sel. 388). Quelle différence entre un soldat et un chartreux quant à l’obéissance ? Car ils sont également obéissants et dépendants, et dans des exercices également pénibles. Mais le soldat espère toujours devenir maître et ne le devient jamais, car les capitaines et princes mêmes sont toujours esclaves et dépendants, mais il l’espère toujours, et travaille toujours à y venir, au lieu que le Chartreux fait vœu de n’être jamais que dépendant. Ainsi ils ne diffèrent pas dans la servitude perpétuelle, que tous deux ont toujours, mais dans l’espérance que l’un a toujours et l’autre jamais. Le fragment peindrait dans ce cas la situation de l’esclave qui pense pouvoir devenir heureux comme son maître, mais qui sera toujours déçu. C’est une manière de montrer que la recherche du bien dans l’esclavage de la concupiscence est vouée à l’échec, alors que lorsqu’on renonce à vouloir dominer, on peut trouver un bonheur réel. C’est ainsi que l’interprètent Brunschvicg et certains commentateurs plus récents : voir GEF XIII, p. 128. Apostrophe au libertin qui s’est fait l’esclave du plaisir ; il se vante d’être flatté par un maître qui le quittera inévitablement.

Ernst Pol, Approches pascaliennes, p. 499. Celui qui est soumis à la concupiscence en est esclave ; il est possible qu’à certains moments il se sente aimé et flatté par son maître, c’est-à-dire par ses passions, et qu’il ait l’illusion d’être heureux ; mais cette félicité est trompeuse et précaire.

L’éd. Sellier, Garnier, 2010, renvoie à saint Augustin, Enchiridion, 29-30, traduit par Pascal dans les Écrits sur la grâce, Lettre sur la possibilité des commandements, 5, § 11, OC III, éd. J. Mesnard, p. 688 : « Quelle peut donc être la liberté de l’esclave assujetti sous le péché, sinon de ce qu’il trouve sa délectation à pécher ? Car celui-là sert librement son maître qui fait sa volonté de bon cœur ».

Un autre rapprochement est parfois proposé avec Luc, XII, 47-48. « Le serviteur qui, ayant connu la volonté de son maître, n’a rien préparé et n’a pas agi selon sa volonté, sera battu d’un grand nombre de coups. 48. Mais celui qui, ne l’ayant pas connue, a fait des choses dignes de châtiment, sera battu de peu de coups. On demandera beaucoup à qui l’on a beaucoup donné, et on exigera davantage de celui à qui l’on a beaucoup confié. » Mais le rapport n’est pas bien évident.

Le Guern Michel, dans son édition des Pensées, suggère qu’il s’agit d’un pastiche d’Épictète, chez qui on trouve en effet de semblables scénettes.