Fragment Morale chrétienne n° 17 / 25  – Papier original : RO 197-3

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Morale n° 364 p. 179 v° / C2 : p. 212-213

Éditions de Port-Royal : Chap. XXVIII - Pensées chrestiennes : 1669 et janvier 1670 p. 243-244  / 1678

n° 12 p. 235-236

Éditions savantes : Faugère II, 370, XXXII / Havet XXIV.14 / Brunschvicg 672 / Tourneur p. 292-5 / Le Guern 348 / Lafuma 367 / Sellier 400

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Bibliographie

 

 

Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, art. Circoncision, Paris, Cerf, 1993, p. 248-249.

DOMAT Jean, Maximes 30, in Les Moralistes du XVIIe siècle, éd. J. Lafond, coll. Bouquins, Paris, Robert Laffont, 1992, p. 611.

MESNARD Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., Paris, SEDES-CDU, 1993.

THIROUIN  Laurent, “Pascal et la superstition”, in LOPEZ Denis, MAZOUER Charles et SUIRE Éric, La religion des élites au XVIIe siècle, Biblio 17, 175, Tübingen, Gunter Narr Verlag, 2008, p. 237-256.

THIROUIN Laurent, “Le moi haïssable, une formule équivoque”, in BEHRENS Rudolf, GIPPER Andreas, MELLINGHOFF-BOURGERIE Viviane (dir.), Croisements d’anthropologies. Pascals Pensées im Geflecht der Anthropologien, Universitätvelag, Heidelberg, 2005, p. 217-247.

 

 

Éclaircissements

 

Miracle

 

La lecture Miracle est certaine. Voir la description du papier.

Le changement de titre marque la volonté de Pascal de changer la signification et la portée du fragment.

On observe en effet que la rédaction initiale, qui constituait un fragment autonome, est liée aux réflexions de Pascal sur les miracles :

                                   Miracle

Quand saint Pierre et les apôtres délibèrent d’abolir la

circoncision où il s’agissait d’agir contre la loi de Dieu,

ils ne consultent point les prophètes mais simplement le

Miracle arrivé en la personne des incirconcis.

 

Cet état du fragment porte donc sur l’importance que les apôtres accordent au miracle de la conversion des incirconcis, qui leur semble exprimer la volonté de Dieu plus que les textes prophétiques qui édictent la loi juive.

Pascal a ensuite modifié la signification du texte, en portant l’accent sur le fait que, dans l’importante décision qu’ils ont prise sur la circoncision, les apôtres ont voulu répondre à la réception de l’Esprit Saint : ce n’est plus le miracle qui est placé au centre de la réflexion, mais l’idée de l’inspiration.

La fin du fragment ajoute une réflexion plus fondamentale, qui justifie la conduite des apôtres. Puisque la loi que les prophètes ont transmise au peuple était inspirée par l’Esprit Saint, la lettre de cette loi, qui prescrit la circoncision, n’est qu’un signe qui doit être dépassé dans sa signification spirituelle. Le signe n’est plus nécessaire lorsque la réalité qu’il représente est visiblement présente : or lorsque l’inspiration est visiblement présente, comme c’est le cas chez les incirconcis convertis, la figure perd sa nécessité, et doit céder à la réalité.

Il est intéressant de remarquer que Pascal, qui semble avoir d’abord songé à s’appuyer sur l’argument des miracles, pour l’exclure ensuite de son plan, ne refuse pas d’en réutiliser certaines parties, en modifiant leur signification et leur portée.

 

Point formaliste.

 

Formaliste : celui qui s’attache exactement aux formes, et qui n’en veut point démordre ; se dit aussi d’un homme cérémonieux et façonnier, qui veut qu’on ait pour lui de grands égards, et avec qui on ne peut vivre franchement et en liberté (Furetière). Le premier sens est celui qui convient ici.

Point s’entend ici comme un adverbe : il faut entendre l’attitude des apôtres n’est pas formaliste. On pourrait hésiter sur le sens du mot point, qui pourrait être pris pour un substantif, au sens de « point d’une question ». Mais il n’existe pas d’expression point formaliste en ce sens.

Charron Pierre, De la sagesse, I, ch. 39, éd. Negroni, Paris, Fayard, 1986, p. 268. « Les formalistes s’attachent tout aux formes et au dehors, pensent être quittes et irrépréhensibles en la poursuite de leurs passions et cupidités, moyennant qu’ils ne fassent rien contre la teneur des lois, et n’omettent rien des formalités ».

Le refus du formalisme apparaît déjà chez les prophètes de l’Ancien Testament, par exemple chez Isaïe, I, 10-14 : « Écoutez la parole du Seigneur, princes de Sodome, prêtez l’oreille à la loi de notre Dieu, peuple de Gomorrhe. 11. Qu’ai-je affaire de cette multitude de victimes que vous m’offrez ? dit le Seigneur. Tout cela m’est à dégoût. Je n’aime point les holocaustes de vos béliers, ni la graisse de vos troupeaux, ni le sang des veaux, des agneaux et des boucs. 12. Lorsque vous veniez devant moi pour entrer dans mon temple, qui vous a demandé que vous eussiez ces dons dans les mains ? 13. Ne m’offrez plus de sacrifices inutilement. L’encens m’est en abomination ; je ne puis plus souffrir vos nouvelles lunes, vos sabbats et vos autres fêtes ; l’iniquité règne dans vos assemblées. 14. Je hais vos solennités des premiers jours des mois et toutes les autres ; elles me sont devenues à charge, je suis las de les souffrir. »

Sur la manière dont le Christ condamne le formalisme des pharisiens et des docteurs de la loi, voir Luc, XI.

 

Quand saint Pierre et les apôtres délibèrent d’abolir la circoncision où il s’agissait d’agir contre la loi de Dieu, Ils ne consultent point les prophètes, mais simplement la réception du Saint‑Esprit en la personne des incirconcis.

Ils jugent plus sûr que Dieu approuve ceux qu’il remplit de son esprit que non pas qu’il faille observer la loi.

 

Que non pas : qu’il n’est sûr.

Mesnard Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., p. 325. Ce fragment porte contre la dévotion formaliste. En principe, la soumission qu’entraîne l’humilité commande d’accepter la loi et les pratiques extérieures. Mais pour qu’une  formalité soit abolie, il faut que l’Esprit se manifeste, conduisant ainsi à agir par soumission.

Sur la circoncision, voir notre commentaire dans Loi figurative 25 (Laf. 270, Sel. 301), et Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, art. Circoncision, Paris, Cerf, 1993, p. 248-249.

Lods Adolphe, Israël, Paris, Albin Michel,  1969, p. 196 sq. Cette cérémonie d’initiation qui a pour but de faire du jeune garçon un mâle apte au mariage est interprétée comme un acte d’affiliation au groupe. D’après une des formes de la tradition israélite, c’est lors de l’entrée du peuple en Canaan que Yahvé ordonna à Josué de circoncire les Israélites, afin qu’ils ne fussent plus, par leur incirconcision, objet du mépris des Égyptiens, voir Josué, V, 2-3, 8-9. Selon la version yahviste, c’est sur les confins de l’Égypte, peu avant l’Exode, Exode, IV, 24-26, que la circoncision fut pratiquée pour la première fois sur un hébreu. D’après Josué V, c’est une coutume de respect humain : l’incirconcis, le Philistin, est, pour les Hébreux, un barbare, un sauvage. C’est à l’époque de l’exil, quand les Juifs entrent en contact avec des peuples incirconcis (Perses, Assyro-Babyloniens) que cette pratique prit le caractère d’une marque distinctive nationale et religieuse. Signe de l’alliance de Yahvé avec son peuple, Genèse, XVII, 11. Circoncision a un sens figuratif dans le langage : p. 199. Être incirconcis de lèvres, c’est ne pas être éloquent (Exode, VI, 12, 30).

Preuves par les Juifs III (Laf. 453, Sel. 693). Pour montrer que les vrais juifs et les vrais chrétiens n’ont qu’une même religion.

La religion des juifs semblait consister essentiellement en la paternité d’Abraham, en la circoncision, aux sacrifices, aux cérémonies, en l’arche, au temple, en Jérusalem, et enfin en la loi et en l’alliance de Moïse.

Je dis qu’elle ne consistait en aucune de ces choses, mais seulement en l’amour de Dieu et que Dieu réprouvait, toutes les autres choses.

[...]

La circoncision n’était qu’un signe. Gen. 17. 11.

[...] Que la circoncision du cœur est ordonnée.

[...] Que Dieu dit qu’il le ferait un jour.

[...] Que les incirconcis de cœur seront jugés.

[...] Que l’extérieur ne sert à rien sans l’intérieur.

Loi figurative 23 (Laf. 268, Sel. 299). Figures. Voilà le chiffre que saint Paul nous donne. [...] Circoncision du cœur, vrai jeûne, vrai sacrifice, vrai temple, les prophètes ont indiqué qu’il fallait que tout cela fût spirituel.

Le christianisme considère ce rite comme une figure de la « circoncision du cœur » : voir sur ce point le dossier de Loi figurative 25 (Laf. 270, Sel. 301). Pascal pense que les prophètes de l’Ancien Testament l’entendaient dans ce sens spirituel : voir Perpétuité 1 (Laf. 279, Sel. 311) : Un mot de David ou de Moïse, comme que Dieu circoncira leur cœur fait juger de leur esprit. Que tous leurs autres discours soient équivoques et douteux d’être philosophes ou chrétiens, enfin un mot de cette nature détermine tous les autres comme un mot d’Épictète détermine tout le reste au contraire. Jusque-là l’ambiguïté dure et non pas après.

Deutéronome X, 16. « Circumcidete igitur praeputium cordis vestri, et cervicem vestram ne induratis amplius » ; « Ayez donc soin de circoncire la chair de votre cœur, et ne rendez pas davantage votre tête dure et inflexible ».

Deutéronome, XXX, 6. « Circumcidet Dominus Deus tuus cor tuum, et cor seminis tui ; ut diligas Dominum Deum tuum in toto corde tuo, et in tota anima tua, ut possis vivere » ; « Le Seigneur votre Dieu circoncira votre cœur, et le cœur de vos enfants ; afin que vous aimiez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur et de toute votre âme, et qui vous puissiez vivre ».

Voir aussi, sur le même sujet, Perpétuité 10 (Laf. 288, Sel. 320). Moïse, Deut. 30. promet que Dieu circoncira leur cœur pour les rendre capables de l’aimer.

La circoncision du cœur, qui est d’ordre spirituel, s’est substituée à la circoncision purement charnelle qu’ordonnait la loi. Voir Prophéties VIII (Laf. 503, Sel. 738). Il nous a donc appris enfin que toutes ces choses n’étaient que figures et ce que c’est que vraiment libre, vrai Israélite, vraie circoncision, vrai pain du ciel, etc.

Voir Saint Augustin, Cité de Dieu, XVI, c. 26-27. La circoncision est figure du baptême, et figure de l’alliance de Dieu avec l’Église. Elle signifie la rénovation de la nature par le dépouillement de la vieillesse. Signe de la régénération.

Pascal fait ici allusion aux débats qui agitèrent la première Église sur la nécessité de la circoncision.

Actes des Apôtres, XV, 1-29. 1.

« Or quelques-uns, qui étaient venus de Judée, enseignaient cette doctrine aux frères : Si vous n’êtes circoncis selon la pratique de la loi de Moïse, vous ne pouvez être sauvés. 2. Paul et Barnabé s’étant donc élevés fortement contre eux, il fut résolu que Paul et Barnabé, et quelques-uns d’entre les autres iraient à Jérusalem vers les apôtres et les prêtres, pour leur proposer cette question. 3. Les fidèles de cette Église les ayant accompagnés à leur départ, ils traversèrent la Phénicie et la Samarie, racontant la conversion des gentils ; ce qui donnait beaucoup de joie à tous les frères. 4. Et étant arrivés à Jérusalem, ils furent reçus par l’Église, par le apôtres et par les prêtres, et ils leur rapportèrent combien Dieu avait fait de grandes choses avec eux. 5. Mais quelques-uns de la secte des pharisiens, qui avaient embrassé la foi, s’élevèrent et soutinrent qu’il fallait circoncire les gentils, et leur ordonner de garder la loi de Moïse. 6. Les apôtres donc et les prêtres s’assemblèrent pour examiner et résoudre cette affaire. 7. Et après en avoir beaucoup conféré ensemble, Pierre se leva, et leur dit : Mes frères, vous savez qu’il y a longtemps que Dieu m’a choisi d’entre nous, afin que les gentils entendissent par ma bouche la parole de l’Évangile, et qu’ils crussent. 8. Et Dieu, qui connaît les cœurs, leur a rendu témoignage, leur donnant le Saint-Esprit, aussi bien qu’à nous. 9. Et il n’a point fait de différence entre eux et nous, ayant purifié leurs cœurs par la foi. 10. Pourquoi donc tentez-vous maintenant Dieu, en imposant aux disciples un joug, que ni nos pères ni nous n’avons pu porter  ? 11. Mais nous croyons que c’est par la grâce du Seigneur Jésus-Christ, que nous serons sauvés aussi bien qu’eux. 12. Alors toute la multitude se tut ; et ils écoutaient Barnabé et Paul, qui leur racontaient combien de miracles et de prodiges Dieu avait faits par eux parmi les gentils. 13. Après qu’ils se furent tus, Jacques prit la parole, et dit : Mes frères, écoutez moi : 14. Simon vous a représenté de quelle sorte Dieu a commencé de regarder favorablement les gentils, pour choisir parmi eux un peuple consacréà son nom ; 15. Et les paroles des prophètes s’y accordent, selon qu’il est écrit : 16. Après cela je reviendrai édifier de nouveau la maison de David, qui est tombée ; je réparerai ses ruines, et la relèverai ; 17. Afin que le reste des hommes et tous les gentils qui seront appelés de mon nom cherchent le Seigneur : c’est ce que dit le Seigneur, qui fait ces choses. 18. Dieu connaît son œuvre de toute éternité. 19. C’est pourquoi je juge qu’il ne faut point inquiéter ceux d’entre les gentils qui se convertissent à Dieu ; 20. Mais qu’on doit seulement leur écrire qu’ils s’abstiennent des souillures des idoles, de la fornication, des chairs étouffées et du sang. 21. Car quant à Moïse,il y a de tout temps en chaque ville des hommes qui le prêchent dans les synagogues, où on le lit chaque jour de sabbat. 22. Alors il fut résolu par les apôtres et les prêtres, avec toute l’Église, de choisir quelques-uns d’entre eux pour les envoyer à Antioche avec Paul et Barnabé.  Ils choisirent donc Jude surnommé Barsabas, et Silas, qui étaient des principaux entre les frères ; 23.  Et ils écrivirent par eux cette lettre : Les apôtres, les prêtres et les frères, à nos frères d’entre les gentils qui sont à Antioche, en Syrie, et en Cilicie, Salut. 24. Comme nous avons su que quelques-uns, qui venaient d’avec nous, vous ont troublés par leurs discours, et ont renversé vos âmes, sans toutefois que nous leur en eussions donné aucun ordre ; 25. Après nous être assemblés dans un esprit, nous avons jugé à propos de vous envoyer des personnes choisies avec nos chers frères Barnabé et Paul, 26. Qui sont des hommes qui ont exposé leur vie pour le nom de notre Seigneur Jésus-Christ. 27. Nous vous envoyons donc Jude et Silas, qui vous feront entendre les mêmes choses de vive voix. 28. Car il a semblé bon au Saint-Esprit et à nous de ne vous point imposer d’autre charge que celles-ci qui sont nécessaires ; 29. Savoir, de vous abstenir de ce qui aura été sacrifié aux idoles, du sang, des chairs étouffées, et de la fornication ; abstenez-vous de ces choses, et vous ferez bien. Adieu. »

Voir le commentaire de ce passage dans le Nouveau Testament de Mons. Le chef de la faction qui à Antioche enseignait la doctrine à laquelle les apôtres se sont opposés est Cérinthe, qui devint un « fameux hérésiarque ». « Il était de la dernière importance de décider cette question, pour assoupir toutes ces contestations. Les Juifs, surtout ceux de la secte des pharisiens qui faisaient profession d’une plus exacte observance de la loi, ayant appris que Paul et Barnabé avaient converti grand nombre de gentils sans les avoir fait circoncire, et sans peur avoir prescrit aucune cérémonie légale, ils s’élevèrent contre eux, et la dispute s’échauffait de plus en plus ». Saint Paul a expliqué dans l’Épître aux Galates, ch. II, comment le débat s’est déroulé. C’est, selon Sacy, « le premier concile qui se soit tenu dans l’Église, auquel assistèrent les apôtres, les évêques et les prêtres qui se trouvèrent à Jérusalem ». « La principale cause de cette division était la loi de la circoncision, et ce fut aussi le principal sujet de l’assemblée. D’un côté les Juifs convertis soutenaient  qu’elle était nécessaire, et que Dieu l’avait établie pour être toujours observée comme le signe de l’alliance éternelle qu’il faisait avec eux ; mais Paul avec Barnabé répondit que cette cérémonie et toutes les autres observations légales devaient cesser par l’établissement de la loi nouvelle et par le don de la foi [...] ». Le discours de Pierre leur a donné raison. « Les Juifs n’y répliquèrent rien et furent convaincus par la descente du Saint-Esprit et par les miracles opérés par les gentils, que la circoncision ne leur était point nécessaire ». Jacques, évêque de Jérusalem « confirma l’avis de Pierre par les oracles des prophètes, et conclut comme lui qu’il fallait exempter les gentils de l’observation des cérémonies légales ». Sacy insiste sur le fait que, « afin qu’on ne crût pas que le décret eût été fait de leur tête par quelque motif humain, ils déclarent que ç’a été de l’avis du Saint-Esprit qu’ils l’avaient formé, et qu’ils n’avaient fait autre chose qu’écrire ce qu’il leur avait dicté ; car quoiqu’ils se nomment séparément, il a semblé bon au Saint-Esprit et à nous, ils ne s’attribuent néanmoins que le ministère sous le direction du Saint-Esprit dont ils ont suivi les lumières [...]. Ces manières de parler familières à l’Écriture ne signifient autre chose, si ce n’est que la Saint-Esprit s’explique par la voix et l’organe de ses ministres : ils disent donc qu’après avoir imploré l’assistance du Saint-Esprit, ils ont jugé à propos de ne point imposer aux gentils d’autres charges que celles qui sont nécessaires ».

Le mot sûr indique qu’en l’occurrence, les apôtres avaient à décider un cas de conscience ; leur attitude montre ce que doit être la règle d’une casuistique saine, qui ne doit pas être formaliste, mais se guider sur la foi. Voir sur ce problème la Ve Provinciale, éd. Cognet, Garnier, 1992, § 15.

 

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Ils savaient que la fin de la loi n’était que le Saint-Esprit et qu’ainsi, puisqu’on l’avait bien sans circoncision, elle n’était pas nécessaire.

 

Ce passage ajoute une réflexion plus fondamentale, qui justifie la conduite des apôtres. Puisque la loi que les prophètes ont transmise au peuple était inspirée par l’Esprit Saint, la lettre de cette loi, qui prescrit la circoncision, n’est qu’un signe qui doit être dépassé dans sa signification spirituelle. Le signe n’est plus nécessaire lorsque la réalité qu’il représente est visiblement présente : or lorsque l’inspiration est visiblement présente, comme c’est le cas chez les incirconcis convertis, la figure perd sa nécessité, et doit céder à la réalité. Cette idée est conforme au principe que la figure doit s’effacer devant la réalité qu’elle représente.

Saint Paul, Romains, II, 25-26. « Ce n’est pas que la circoncision ne soit utile, si vous accomplissez la loi ; mais si vous la violez, tout circoncis que vous êtes, vous devenez comme un homme incirconcis. Si donc un homme incirconcis garde les ordonnances de la loi, n’est-il pas vrai que tout incirconcis qu’il est, il sera considéré comme circoncis ? »

Domat Jean, Maximes 30, in Les Moralistes du XVIIe siècle, éd. J. Lafond, p. 611. « Les dévotions extérieures de ce temps semblent être dans la Loi nouvelle ce qu’étaient dans l’ancienne les traditions superstitieuses des pharisiens, par lesquelles et sous prétexte desquelles ils quittaient l’essentiel de la Loi, s’imaginant qu’ils étaient purifiés par ces cérémonies. »

Thirouin  Laurent, “Pascal et la superstition”, p. 237-256.

Voir aussi Thirouin Laurent, “Le moi haïssable, une formule équivoque”, p. 241 sq., sur le christianisme, « école d’honnêteté ».