Fragment Morale chrétienne n° 20 / 25  – Papier original : RO 167-5

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Morale n° 367 p. 181 / C2 : p. 213

Éditions savantes : Faugère II, 378 (note) / Brunschvicg 473 / Tourneur p. 293-3 / Le Guern 351 / Lafuma 371 / Sellier 403

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Bibliographie

 

 

ERNST Pol, Approches pascaliennes, Gembloux, Duculot, 1970, p. 488 sq.

FERREYROLLES Gérard, Les reines du monde. L’imagination et la coutume chez Pascal, Paris, Champion, 1995, p. 187 sq.

FRIGO Alberto, “Pascal et les membres pensants : penser l’Église, régler l’amour”, Courrier du Centre International Blaise Pascal, n° 32, 2010, p. 56-60.

LE GUERN Michel, L’image dans l’œuvre de Pascal, Paris, Klincksieck, 1983.

MAGNARD Pierre, “Un corps plein de membres pesants”, Revue Philosophique de la France et de l’Etranger, n° 2, avril-juin 2000, 1137, p. 193-200.

MARION Jean-Luc, Sur le prisme métaphysique de Descartes, Paris, P. U. F., 1986.

McKENNA Antony, “Pascal et le corps humain”, XVIIe siècle, n° 177, octobre-décembre 1992, p. 481-494.

MESNARD Jean, “Universalité de Pascal”, Méthodes chez Pascal, Paris, P. U. F., 1979, p. 335-356.

MESNARD Jean, “Pascal et le problème moral”, in La culture du XVIIe siècle, Paris, P. U. F., 1992, p. 355-362.

MESNARD Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd. Paris, SEDES-CDU, 1993, p. 245 sq.

MESNARD Jean, “Pascal et le moi haïssable”, in La culture du XVIIe siècle, p. 405-413.

MEURILLON Christian, “Clefs pour le lexique des Pensées. L’exemple de corps”, in GOYET Thérèse (dir.), L’accès aux Pensées de Pascal, Paris, Klincksieck, 1993, p. 125-143.

PÉROUSE Marie, L’invention des Pensées de Pascal. Les éditions de Port-Royal (1670-1678), Thèse, Paris, Champion, 2009.

 

 

Éclaircissements

 

Qu’on s’imagine

 

Le Guern Michel, L’image dans l’œuvre de Pascal, p. 148. Image des membres et du corps.

Noter l’usage rationnel de l’imagination qui permet une analogie entre l’ordre des corps et l’ordre de la charité. L’imagination n’est pas toujours trompeuse pour Pascal. Voir sur ce point Ferreyrolles Gérard, Les reines du monde. L’imagination et la coutume chez Pascal, Paris, Champion, 1995, p. 187 sq.

Descotes Dominique, “La conclusion du projet d’Apologie de Pascal”, p. 47-53. Voir p. 51 sq. Thème classique des membres et du corps, mais original dans son traitement par Pascal, principalement par la préparation souterraine de l’image et par l’intégration dans l’image de certaines anomalies qui en marquent le caractère figuratif. Conformité de cette technique avec la pensée de Pascal sur les figuratifs. Rapport avec le il faut n’aimer que Dieu et ne haïr que soi (Morale chrétienne 22 - Laf. 373, Sel. 405) : p. 52.

 

un corps plein de membres pensants.

 

Sur les termes de membre et de corps, voir Morale chrétienne 21 (Laf. 372, Sel 404).

Mesnard Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., p. 245 sq. Origines de l’image, dans l’apologue des membres et de l’estomac, de l’idée paulinienne du corps mystique du Christ, qui se complète par celle de la communion des saints. L’image du corps plein de membres pensants, définit l’union qui doit régner entre l’homme et Dieu, donne aussi le modèle de la société parfaite. On aboutit à l’idée de la Cité de Dieu : p. 247.

L’origine de l’image du corps plein de membres pensants est dans la première lettre aux Corinthiens de saint Paul.

La comparaison des membres et du corps est empruntée à saint Paul, I Corinthiens, XII, 12 sq. « Et comme notre corps, n’étant qu’un, est composé de plusieurs membres, et qu’encore qu’il y ait plusieurs membres, ils ne font tous néanmoins qu’un même corps, il en est de même du Christ. 13. Car nous avons tous été baptisés dans le même Esprit, pour n’être tous ensemble qu’un même corps, soit Juifs ou gentils, soit esclaves ou libres. Et nous avons tous reçu un divin breuvage, pour n’être tous aussi qu’un même esprit. 14. Aussi le corps n’est pas un seul membre, mais plusieurs. 15. Si le pied disait : Puisque je ne suis pas la main, je ne suis pas du corps, ne serait-il point pour cela du corps ? 16. Et si l’oreille disait : Puisque je ne suis pas l’œil, je ne suis pas du corps, ne serait-elle point pour cela du corps ? 17. Si tout le corps était œil, où serait l’ouïe ? Et s’il était tout ouïe, où serait l’odorat ? 18. Mais Dieu a mis dans le corps plusieursmembres, et il les y a placés comme il lui a plu. 19. Si tous les membres n’étaient qu’un seul membre, où serait le corps ? 20. Mais il y a plusieurs membres, et tous ne font qu’un seul corps. 21. Or l’œil ne peut pas dire à la main : Je n’ai pas besoin de votre secours ; non plus que la tête ne peut dire aux pieds : Vous ne m’êtes point nécessaires. 22. Mais au contraire les membres du corps qui paraissent les plus faibles sont les plus nécessaires. 23. Nous honorons même davantage par nos vêtements les parties du corps qui paraissent les moins honorables ; et nous couvrons avec plus de soin et d’honnêteté celles qui sont moins honnêtes. 24. Car pour celles qui sont honnêtes, elles n’en ont pas besoin : mais Dieu a mis un tel ordre dans tout le corps, qu’on honore davantage ce qui est moins honorable de soi-même ; 25. Afin qu’il n’y ait point de schisme, ni de division dans le corps, mais que tous les membres conspirent mutuellement à s’entraider les uns les autres. 26. Et si l’un des membres souffre, tous les autres souffrent avec lui : ou si l’un des membres reçoit de l’honneur, tous les autres s’en réjouissent avec lui. 27. Or vous êtes le corps de Jésus-Christ, et membres les uns des autres » (traduction de la Bible de Port-Royal).

Commentaire de la Bible de Port-Royal : « Car comme dans un seul corps humain nous avons plusieurs membres, c’est-à-dire, plusieurs parties et facultés internes et externes, et que tous ces membres n’ont pas une même fonction, les uns servant immédiatement aux fonctions de l’esprit, les autres, aux opérations animales, les autres aux opérations vitales, et étant placées différemment selon leurs divers usages.

L’Apôtre ne dit pas dans ce verset que chaque membre du corps humain ait des fonctions différentes, ce qui ne serait pas vrai, puisqu’y en a plusieurs qui ont une même espèce de fonctions, comme les yeux, les mains, les pieds et généralement tous les membres que Dieu a faits pour la symétrie du corps, et pour mieux pourvoir à sa conservation, mais il dit seulement ; que tous les membres de ce corps n’ont pas la même fonction : ce qui est une proposition toute différente et très claire d’elle-même. »

Magnard Pierre, “Un corps plein de membres pesants”, p. 193-200.

Stiker-Métral Charles-Olivier, Narcisse contrarié. L’amour propre dans le discours moral en France (1650-1715), p. 187 sq. voit dans l’expression membre pensant un rappel de la définition du corps mystique chez saint Paul, formulé en termes cartésiens. L’adjectif pensant fait référence à la qualité caractéristique du sujet, qui est res cogitans. D’autre part le modèle de l’amour de soi comme partie du tout est essentiel dans Les passions de l’âme comme dans plusieurs lettres de Descartes sur la morale que Pascal pouvait connaître grâce à l’édition procurée par Clerselier : p. 188. L’auteur cite des textes qui rendent compte de cette irruption du modèle cartésien dans la définition de la charité. Mais Pascal retourne contre l’idéal cartésien le propre vocabulaire de Descartes. Voir la note qui suit.

Frigo Alberto, “Pascal et les membres pensants : penser l’Église, régler l’amour”, Courrier du Centre International Blaise Pascal, n° 32, 2010, p. 56-60. Sur l’évolution de la notion de corps mystique. Pascal et le renouvellement de la réflexion ecclésiologique sur le corps mystique : p. 58 sq.

L’idée des membres pensants qui forment le corps, entendu au sens politique de l’État composé par des membres qui en sont les citoyens, est suggérée par la gravure du Léviathan de Hobbes.

 

 

Il faut aussi se rappeler que la compagnie de Jésus, dans les Provinciales et les Écrits des curés de Paris, est présentée comme un corps lui aussi plein de membres pensants, et animée par une seule et même volonté. Voir ce qu’écrit Pascal dans la Provinciale XVII, § 7 : « Il y a bien de la différence entre les Jésuites et ceux qui les combattent. Vous composez véritablement un corps uni sous un seul chef ». Voir surtout le Sixième écrit des curés de Paris où l’on fait voir, par la dernière pièce des jésuites, que leur société entière est résolue de ne point condamner l’apologie ; et où l’on montre par plusieurs exemples, que c’est un principe des plus fermes de la conduite de ces pères de défendre en corps les sentiments de leurs docteurs particuliers. De ce point de vue, les jésuites représentent une défiguration de l’Église.