Pensées - page 159
que nous ne rêvons point, quelque
impuissance où nous soyons de le
prouver par raison. Cette impuissance
ne conclut autre chose que la faiblesse
de notre raison, mais non pas l’incertitude
de toutes nos connaissances,
comme ils le prétendent. Car la connaissance
des premiers principes, comme,
par exemple, qu’il y a espace,
temps, mouvement, nombre, matière,
est aussi ferme qu’aucune de celles
que nos raisonnements nous donnent.
Et c’est sur ces connaissances
d’intelligence et de sentiment qu’il
faut que la raison s’appuie, et qu’elle
fonde tout son discours. Je sens
qu’il y a trois dimensions dans l’espace,
et que les nombres sont infinis ; et
la raison démontre ensuite qu’il n’y
a point deux nombres carrés dont
l’un soit double de l’autre. Les principes
se sentent ; les propositions se concluent ;
le tout avec certitude, quoique
par différentes voies. Et il est
aussi ridicule que la raison demande
au sentiment, et à l’intelligence, des
preuves de ces premiers principes
pour y consentir, qu’il serait ridicule
que l’intelligence demandât à la |