L’édition de Port-Royal de 1678

 

 

 

Pensées - page 160

raison un sentiment de toutes les propositions

qu’elle démontre. Cette impuissance

ne peut donc servir qu’à humilier

la raison qui voudrait juger de

tout ; mais non pas à combattre notre

certitude, comme s’il n’y avait que la

raison capable de nous instruire. Plût

à Dieu que nous n’en eussions au contraire

jamais besoin, et que nous connussions

toutes choses par instinct et

par sentiment. Mais la nature nous a

refusé ce bien, et elle ne nous a donné

que très peu de connaissances de cette

sorte : toutes les autres ne peuvent

être acquises que par le raisonnement.

Voilà donc la guerre ouverte entre

les hommes. Il faut que chacun prenne

parti, et se range nécessairement

ou au Dogmatisme, ou au Pyrrhonisme ;

car qui penserait demeurer neutre

serait Pyrrhonien par excellence :

cette neutralité est l’essence du Pyrrhonisme ;

qui n’est pas contre eux est excellemment

pour eux. Que fera donc

l’homme en cet état ? Doutera-t-il de

tout ? Doutera-t-il s’il veille, si on le

pince, si on le brûle ? Doutera-t-il s’il

doute ? Doutera-t-il s’il est ? On n’en

 

 

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