Pensées - page 177
de sa bassesse.
6. L’homme n’est qu’un roseau
le plus faible de la nature ; mais c’est
un roseau pensant. Il ne faut pas que
l’univers entier s’arme pour l’écraser.
Une vapeur, une goutte d’eau suffit
pour le tuer. Mais quand l’univers l’écraserait,
l’homme serait encore plus
noble que ce qui le tue ; parce qu’il sait
qu’il meurt ; et l’avantage que l’univers
a sur lui, l’univers n’en sait rien.
Ainsi toute notre dignité consiste
dans la pensée. C’est de là qu’il faut
nous relever, non de l’espace et de la
durée. Travaillons donc à bien penser.
Voilà le principe de la morale.
7. Il est dangereux de trop faire
voir à l’homme combien il est égal
aux bêtes, sans lui montrer sa grandeur.
Il est encore dangereux de lui
faire trop voir sa grandeur sans sa
bassesse. Il est encore plus dangereux
de lui laisser ignorer l’un et l’autre.
Mais il est très avantageux de lui représenter
l’un et l’autre.
8. Que l’homme donc s’estime
son prix. Qu’il s’aime ; car il a en lui
une nature capable de bien ; mais
qu’il n’aime pas pour cela les bassesses |