Pensées - page 211
infinité d’autres vices : et ils ne nous
soulagent dans nos misères, qu’en
nous causant une misère plus réelle,
et plus effective. Car c’est ce qui nous
empêche principalement de songer
à nous, et qui nous fait perdre insensiblement
le temps. Sans cela nous
serions dans l’ennui, et cet ennui
nous porterait à chercher quelque
moyen plus solide d’en sortir. Mais le
divertissement nous trompe, nous amuse,
et nous fait arriver insensiblement
à la mort.
4. Les hommes n’ayant pu guérir
la mort, la misère, l’ignorance, se
sont avisés, pour se rendre heureux,
de n’y point penser : c’est tout ce qu’ils
ont pu inventer pour se consoler de
tant de maux. Mais c’est une consolation
bien misérable, puisqu’elle va,
non pas à guérir le mal, mais à le cacher
simplement pour un peu de temps,
et qu’en le cachant elle fait qu’on ne
pense pas à le guérir véritablement.
Ainsi par un étrange renversement de
la nature de l’homme, il se trouve que
l’ennui qui est son mal le plus sensible
est en quelque sorte son plus grand
bien, parce qu’il peut contribuer plus
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