Pensées - page 277
mettent guère de différence entre le
métier de poète, et celui de brodeur.
Ils ne sont point appelés ni poètes,
ni géomètres ; mais ils jugent de tous
ceux-là. On ne les devine point. Ils
parleront des choses dont l’on parlait
quand ils sont entrés. On ne s’aperçoit
point en eux d’une qualité plutôt
que d’une autre, hors de la nécessité
de la mettre en usage ; mais alors on
s’en souvient : car il est également de
ce caractère, qu’on ne dise point
d’eux qu’ils parlent bien, lorsqu’il
n’est pas question du langage ; et qu’on
dise d’eux qu’ils parlent bien, quand
il en est question. C’est donc une fausse
louange quand on dit d’un homme
lorsqu’il entre, qu’il est fort habile
en poésie ; et c’est une mauvaise marque
quand on n’a recours à lui que
lorsqu’il s’agit de juger de quelques
vers. L’homme est plein de besoins.
Il n’aime que ceux qui peuvent les
remplir. C’est un bon mathématicien,
dira-t-on ; mais je n’ai que faire de
mathématique. C’est un homme qui
entend bien la guerre ; mais je ne la
veux faire à personne. Il faut donc
un honnête homme qui puisse s’accommoder |