Pensées - page 290
que les hommes l’aimassent :
ils ont voulu que les hommes s’arrêtassent
à eux : ils ont voulu être
l’objet du bonheur volontaire des
hommes !
51. Montaigne a raison : la coutume
doit être suivie dès là qu’elle est
coutume et qu’on la trouve établie,
sans examiner si elle est raisonnable
ou non : cela s’entend toujours de ce
qui n’est point contraire au droit naturel
ou divin. Il est vrai que le peuple
ne la suit que par cette seule raison
qu’il la croit juste ; sans quoi il ne la
suivrait plus, parce qu’on ne veut
être assujetti qu’à la raison, ou à la
justice. La coutume sans cela passerait
pour tyrannie ; au lieu que l’empire
de la raison et de la justice n’est
non plus tyrannie que celui de la délectation.
Mais il serait bon qu’on obéît aux
lois et coutumes parce qu’elles sont
lois, et que le peuple comprît que
c’est là ce qui les rend justes. Par ce
moyen on ne les quitterait jamais :
au lieu que quand on fait dépendre
leur justice d’autre chose, il est aisé de
la rendre douteuse ; et voilà ce qui |