Fragment Perpétuité n° 7 / 11  – Papier original : RO 214-4

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Perpétuité n° 326 p. 147-147 v° / C2 : p. 178

Éditions savantes : Faugère I, 321, VIII / Havet Prov. 214 p. 301 / Brunschvicg 867 / Tourneur p. 273-3 / Le Guern 268 / Lafuma 285 / Sellier 317

 

 

 

Si l’ancienne Église était dans l’erreur, l’Église est tombée. Quand elle y serait aujourd’hui ce n’est pas de même, car elle a toujours la maxime supérieure de la tradition de la créance de l’ancienne Église. Et ainsi cette soumission et cette conformité à l’ancienne Église prévaut et corrige tout. Mais l’ancienne Église ne supposait pas l’Église future et ne la regardait pas, comme nous supposons et regardons l’ancienne.

 

 

L’intérêt du présent fragment consiste en ce qu’il établit un lien entre la problématique de l’apologie de la religion de Pascal, où il est ici question de soutenir la perpétuité de la foi chrétienne depuis les origines du monde, et les grandes controverses dans lesquelles l’Église moderne est entraînée, crise de la Réforme et polémiques sur la grâce efficace de saint Augustin et la condamnation de Jansénius.

L’argument de la perpétuité rencontre une objection importante dans les reproches qui sont adressés à l’Église catholique par les protestants, qui prétendent qu’elle s’est corrompue au fil des siècles, et qu’elle a perdu la vérité qui lui avait été confiée à l’origine du christianisme.

Pascal ne partage naturellement pas cette opinion sur la décadence de l’Église catholique. Mais il est tout de même bien obligé de la prendre en compte, et d’y répondre. D’abord parce qu’il est essentiel de défendre l’Église contre la campagne de dénigrement qui est soutenue du côté de Genève, mais aussi parce qu’il expérimente lui-même que celle-ci peut tomber dans l’erreur. La controverse sur les propositions de Jansénius et les attaques que subit depuis plusieurs années la doctrine de la grâce efficace de la part des molinistes et des jésuites montre que le pape est susceptible de se tromper ou d’être trompé, au risque d’entraîner toute l’Église dans de graves erreurs.

Le raisonnement qui suit est une sorte de raisonnement apagogique, autrement dit un raisonnement par l’absurde, lui-même emboîté dans un autre raisonnement par l’absurde.

Pascal soutient que même dans l’hypothèse où l’Église de son temps serait effectivement tombée dans l’erreur, elle possède en soi de quoi se corriger, par l’autorité de la tradition.

Le fragment est donc susceptible d’une double lecture : l’une d’ordre apologétique, si on l’envisage dans le cadre de l’argumentation générale du « projet de 1658 » (Ph. Sellier), l’autre dans la perspective des grandes péripéties de l’histoire de l’Église, ou, pour reprendre une formule de Pascal, de l’Histoire de la Vérité (Pensées diverses - Laf. 776, Sel. 642).

 

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Fragments connexes

 

Perpétuité 4 (Laf. 282, Sel. 314). Perpétuité.

Le Messie a toujours été cru. La tradition d’Adam était encore nouvelle en Noé et en Moïse. Les prophètes l’ont prédit depuis en prédisant toujours d’autres choses dont les événements qui arrivaient de temps en temps à la vue des hommes marquaient la vérité de leur mission et par conséquent celle de leurs promesses touchant le Messie. Jésus-Christ. a fait des miracles et les apôtres aussi qui ont converti tous les païens et par là toutes les prophéties étant accomplies le Messie est prouvé pour jamais.

Miracles III (Laf. 865, Sel. 439). Les miracles ne sont plus nécessaires à cause qu’on en a déjà, mais quand on n’écoute plus la tradition, quand on ne propose plus que le pape, quand on l’a surpris, et qu’ainsi ayant exclu la vraie source de la vérité qui est la tradition, et ayant prévenu le pape qui en est le dépositaire, la vérité n’a plus de liberté de paraître, alors les hommes ne parlent plus de la vérité. La vérité doit parler elle-même aux hommes. C’est ce qui arriva au temps d’Arius.

 

Fragment n° 3 C (Laf. 916, Sel. 746). Le silence est la plus grande persécution. Jamais les saints ne se sont tus. Il est vrai qu’il faut vocation, mais ce n’est pas des arrêts du Conseil qu’il faut apprendre si on est appelé, c’est de la nécessité de parler. Or après que Rome a parlé et qu’on pense qu’il a condamné la vérité, et qu’ils l’ont écrit, et que les livres qui ont dit le contraire sont censurés, il faut crier d’autant plus haut qu’on est censuré plus injustement et qu’on veut étouffer la parole plus violemment, jusqu’à ce qu’il vienne un pape qui écoute les deux parties et qui consulte l’antiquité pour faire justice.

 

Mots-clés : Ancien – Conformité – Créance (voir Croire) – Église – ErreurMaximeTradition.