Fragment Philosophes n° 8 / 8 – Papier original : RO 255-3

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Philosophes n° 199-200 p. 61 v° / C2 : p. 87

Éditions de Port-Royal : Chap. XXI - Contrarietez estonnantes : 1669 et janv. 1670 p. 167-168 / 1678 n° 1 p. 165

Éditions savantes : Faugère II, 92, VI / Havet VIII.4 / Michaut 535 / Brunschvicg 350 / Tourneur p. 215-4 / Le Guern 136 / Lafuma 146 / Sellier 179

 

 

 

Stoïques.

 

Ils concluent qu’on peut toujours ce qu’on peut quelquefois et que, puisque le désir de la gloire fait bien faire à ceux qu’il possède quelque chose, les autres le pourront bien aussi.

Ce sont des mouvements fiévreux que la santé ne peut imiter.

Épictète conclut de ce qu’il y a des chrétiens constants que chacun le peut bien être.

 

 

Ce fragment écrit contre les philosophes stoïciens est lié à l’ensemble de la réflexion de Pascal sur les capacités de la nature humaine, telle qu’elle est dans l’état de corruption postlapsaire.

Lorsqu’il traite de la constance et de l’inconstance humaine, dans L’art de persuader, § 11, Pascal en distingue deux aspects différents, l’un externe, qui consiste en ce que les hommes sont très différents les uns des autres, l’autre interne, que le même individu change sans cesse d’un moment à l’autre : cette double inconstance, qui rend si difficile la formulation de règles fermes dans l’art de persuader, vient « de ce que les principes du plaisir ne sont pas fermes et stables. Ils sont divers en tous les hommes, et variables dans chaque particulier avec une telle diversité, qu'il n'y a point d'homme plus différent d'un autre que de soi-même dans les divers temps. Un homme a d'autres plaisirs qu'une femme ; un riche et un pauvre en ont de différents ; un prince, un homme de guerre, un marchand, un bourgeois, un paysan, les vieux, les jeunes, les sains, les malades, tous varient ; les moindres accidents les changent. »

Pour critiquer Épictète, Pascal reprend dans ce fragment les mêmes cadres. L’erreur des stoïciens consiste, à ses yeux, à confondre ce qui est individuel et particulier avec ce qui est universel. Cette erreur comporte deux aspects complémentaires.

D’une part, Pascal leur reproche d’ignorer l’inconstance interne de l’homme : ils ont tort de conclure qu’on peut toujours ce qu’on peut quelquefois, c’est-à-dire de croire qu’un homme peut refaire au moment suivant ce qu’il a fait à un moment donné.

D’autre part, ils ont tort d’ignorer la variété externe, c’est-à-dire de croire que ce qu’un individu peut faire, poussé par un motif de gloire, les autres le pourront bien aussi.

Sur cette double inconstance de la nature humaine, et ses conséquences, voir Descotes Dominique, L’argumentation chez Pascal, Paris, Presses Universitaires de France, 1993, p. 35 sq.

Les stoïciens commettent ainsi une double généralisation abusive : dans le premier cas, ils infèrent de ce qu’un homme est à un moment à ce qu’il est à tous les autres ; dans le second, ils infèrent de ce qu’un homme est à ce que les autres peuvent être.

 

Analyse détaillée...

Fragments connexes

 

Misère 2 (Laf. 54, Sel. 87). Inconstance. Les choses ont diverses qualités et l'âme diverses inclinations, car rien n'est simple de ce qui s'offre à l'âme. Et l'âme ne s'offre jamais simple à aucun sujet. De là vient qu'on pleure et qu'on rit d'une même chose.

Raisons des effets 18 (Laf. 100, Sel. 133). Raison des effets.

Épictète. Ceux qui disent : vous avez mal à la tête, ce n’est pas de même. On est assuré de la santé, et non pas de la justice, et en effet la sienne était une niaiserie.

Et cependant il la croyait démontrer en disant ou en notre puissance ou non.

Mais il ne s’apercevait pas qu’il n’est pas en notre pouvoir de régler le cœur, et il avait tort de le conclure de ce qu’il y avait des chrétiens.

 

Mots-clés : ChrétienConclusionConstanceDésirÉpictète – Fièvre – Gloire – Imiter – MouvementPouvoirSantéStoïcisme.