Fragment Prophéties n° 11 / 27  – Papier original : RO 167-3

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Prophéties n° 353 p. 167-167 v° / C2 : p. 200

Éditions de Port-Royal : Chap. XV - Preuves de Jésus-Christ par les prophéties : 1669 et janvier 1670 p. 115  / 1678 n° 2 p. 115

Éditions savantes : Faugère II, 271, III / Havet XVIII.2 / Brunschvicg 710 / Tourneur p. 285-1 / Le Guern 313 / Lafuma 332 / Sellier 364

 

 

 

Prophéties.

 

Quand un seul homme aurait fait un livre des prédictions de Jésus-Christ pour le temps et pour la manière, et que Jésus-Christ serait venu conformément à ces prophéties, ce serait une force infinie.

Mais il y a bien plus ici. C’est une suite d’hommes durant quatre mille ans qui constamment et sans variations viennent l’un ensuite de l’autre prédire ce même avènement. C’est un peuple tout entier qui l’annonce et qui subsiste depuis quatre mille années pour rendre en corps témoignage des assurances qu’ils en ont, et dont ils ne peuvent être divertis par quelques menaces et persécutions qu’on leur fasse. Ceci est tout autrement considérable.

 

 

Pascal propose ici un argument a fortiori : si le Messie avait été prédit par un seul homme, cette prophétie aurait déjà tenu du miracle. Mais il faut ajouter que cette prophétie est en fait née avec le commencement du monde, et dans des conditions qui auraient normalement dû l’étouffer très rapidement. Pascal oppose ainsi la persistance de la prophétie sur plusieurs milliers d’années à l’instabilité universelle des états et des religions. Ceci est tout autrement considérable, car l’idée du miracle subsistant de la prophétie se renforce ici par le thème de la perpétuité.

 

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Fragments connexes

 

Ordre 1 (Laf. 1, Sel. 37). Les psaumes chantés par toute la terre.

Qui rend témoignage de Mahomet ? lui-même.

J.-C. veut que son témoignage ne soit rien.

La qualité de témoins fait qu’il faut qu’ils soient toujours, et partout, et misérables. Il est seul.

Fondement 1 (Laf. 223, Sel. 256). Il faut mettre au chapitre des fondements ce qui est en celui des figuratifs touchant la cause des figures. Pourquoi Jésus-Christ prophétisé en son premier avènement ? pourquoi prophétisé obscurément en la manière.

Loi figurative 11 (Laf. 255, Sel. 287). Dieu, pour rendre le Messie connaissable aux bons et méconnaissable aux méchants, l’a fait prédire en cette sorte. Si la manière du Messie eût été prédite clairement, il n’y eût point eu d’obscurité, même pour les méchants.

Si le temps eût été prédit obscurément, il y eût eu obscurité même pour les bons, car la bonté de leur cœur ne leur eût pas fait entendre que par exemple ם signifie 600 ans. Mais le temps a été prédit clairement et la manière en figures.

Par ce moyen les méchants, prenant les biens promis pour matériels, s’égarent malgré le temps prédit clairement, et les bons ne s’égarent pas.

Car l’intelligence des biens promis dépend du cœur qui appelle bien ce qu’il aime, mais l’intelligence du temps promis ne dépend point du cœur. Et ainsi la prédiction claire du temps et obscure des biens ne déçoit que les seuls méchants.

Perpétuité 3 (Laf. 281, Sel. 313). Perpétuité.

Cette religion qui consiste à croire que l’homme est déchu d’un état de gloire et de communication avec Dieu en un état de tristesse, de pénitence et d’éloignement de Dieu, mais qu’après cette vie on serait rétabli par un Messie qui devait venir, a toujours été sur la terre. Toutes choses ont passé et cellelà a subsisté pour laquelle sont toutes choses.

Les hommes dans le premier âge du monde ont été emportés dans toutes sortes de désordres, et il y avait cependant des saints comme Énoch, Lamech et d’autres qui attendaient en patience le Christ promis dès le commencement du monde. Noé a vu la malice des hommes au plus haut degré et il a mérité de sauver le monde en sa personne par l’espérance du Messie, dont il a été la figure. Abraham était environné d’idolâtries quand Dieu lui a fait connaître le mystère du Messie qu’il a salué de loin. Au temps d’Isaac et de Jacob, l’abomination était répandue sur toute la terre, mais ces saints vivaient en leur foi, et Jacob mourant et bénissant ses enfants s’écrie par un transport qui lui fait interrompre son discours : J’attends, ô mon Dieu, le sauveur que vous avez promis, salutare tuum expectabo domine.

Les Égyptiens étaient infectés et d’idolâtrie et de magie, le peuple de Dieu même était entraîné par leur exemple. Mais cependant Moïse et d’autres voyaient celui qu’ils ne voyaient pas, et l’adoraient en regardant aux dons éternels qu’il leur préparait.

Les Grecs et les Latins ensuite ont fait régner les fausses déités, les poètes ont fait cent diverses théologies, les philosophes se sont séparés en mille sectes différentes. Et cependant, il y avait toujours au cœur de la Judée des hommes choisis qui prédisaient la venue de ce Messie qui n’était connu que d’eux. Il est venu enfin en la consommation des temps, et depuis on a vu naître tant de schismes et d’hérésies, tant renverser d’États, tant de changements en toutes choses, et cette Église qui adore celui qui a toujours été adoré a subsisté sans interruption, et ce qui est admirable, incomparable et tout à fait divin, c’est que cette religion qui a toujours duré a toujours été combattue. Mille fois elle a été à la veille d’une destruction universelle, et toutes les fois qu’elle a été en cet état Dieu l’a relevée par des coups extraordinaires de sa puissance. Et ce qui est étonnant est qu’elle s’est maintenue sans fléchir et plier sous la volonté des tyrans, car il n’est pas étrange qu’un État subsiste lorsque l’on fait quelquefois céder ses lois à la nécessité.

Preuves de Moïse 4 (Laf. 294, Sel. 325). Tandis que les prophètes ont été pour maintenir la loi le peuple a été négligent. Mais depuis qu’il n’y a plus eu de prophètes le zèle a succédé.

Preuves de Jésus-Christ 17 (Laf. 315, Sel. 346). Moïse d’abord enseigne la Trinité, le péché originel, le Messie.

David grand témoin. Roi, bon, pardonnant, belle âme, bon esprit, puissant. Il prophétise et son miracle arrive. Cela est infini.

Dossier de travail (Laf. 390, Sel. 9). Perpétuité.

Qu’on considère que depuis le commencement du monde, l’attente ou l’adoration du Messie subsiste sans interruption, qu’il s’est trouvé des hommes qui ont dit que Dieu leur avait révélé, qu’il devait naître un Rédempteur qui sauverait son peuple. Qu’Abraham est venu ensuite dire qu’il avait eu révélation qu’il naîtrait de lui par un fils qu’il aurait, que Jacob a déclaré que de ses douze enfants il naîtrait de Juda, que Moïse et les prophètes sont venus ensuite déclarer le temps et la manière de sa venue. Qu’ils ont dit que la loi qu’ils avaient n’était qu’en attendant celle du Messie, que jusque là elle serait perpétuelle, mais que l’autre durerait éternellement, qu’ainsi leur loi ou celle du Messie dont elle était la promesse serait toujours sur la terre, qu’en effet elle a toujours duré, qu’enfin est venu J.-C. dans toutes les circonstances prédites. Cela est admirable.

Preuves par les Juifs V (Laf. 456, Sel. 696). Ceci est effectif : pendant que tous les philosophes se séparent en différentes sectes il se trouve en un coin du monde des gens qui sont les plus anciens du monde, déclarant que tout le monde est dans l’erreur, que Dieu leur a révélé la vérité, qu’elle sera toujours sur la terre. En effet toutes les autres sectes cessent ; celle-là dure toujours et depuis 4 000 ans ils déclarent qu’ils tiennent de leurs ancêtres que l’homme est déchu de la communication avec Dieu dans un entier éloignement de Dieu, mais qu’il a promis de les racheter que cette doctrine serait toujours sur la terre, que leur loi a double sens.

Que durant 1 600 ans ils ont eu des gens qu’ils ont crus prophètes qui ont prédit le temps et la manière.

Que 400 ans après ils ont été épars partout, parce que Jésus-Christ devait être annoncé partout.

Que Jésus-Christ est venu en la manière et au temps prédit.

Que depuis les juifs sont épars partout en malédiction, et subsistants néanmoins.

Pensées diverses (Laf. 793, Sel. 646). Je trouve d’effectif que depuis que la mémoire des hommes dure, voici un peuple qui subsiste plus ancien que tout autre peuple.

Il est annoncé constamment aux hommes qu’ils sont dans une corruption universelle, mais qu’il viendra un Réparateur.

Que ce n’est pas un homme qui le dit, mais une infinité d’hommes, et un peuple entier, prophétisant et fait exprès durant 4 000 ans ; leurs livres dispersés durant 400 ans.

[...] Ainsi je tends les bras à mon libérateur, qui, ayant été prédit durant 4 000 ans est venu souffrir et mourir pour moi sur la terre dans les temps et dans toutes les circonstances qui en ont été prédites, et par sa grâce j’attends la mort en paix dans l’espérance de lui être éternellement uni et je vis cependant avec joie, soit dans les biens qu’il lui plaît de me donner, soit dans les maux qu’il m’envoie pour mon bien et qu’il m’a appris à souffrir par son exemple.

 

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