Fragment Prophéties n° 14 / 27  – Papier original : RO 405-4

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Prophéties n° 354 p. 167 v° / C2 : p. 201

Éditions savantes : Faugère II, 276, XVII / Havet XVIII.3 / Brunschvicg 709 / Tourneur p. 285-4 / Le Guern 317 / Lafuma 336 / Sellier 367

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Bibliographie

 

 

Voir les bibliographies de Prophéties 12 (Laf. 333, Sel. 365), Prophéties 15 (Laf. 335, Sel. 368), Prophéties 18 (Laf. 339, Sel. 371), Prophéties 20 (Laf. 341, Sel. 373).

 

CHÉDOZEAU Bernard, L’univers biblique catholique au siècle de Louis XIV. La Bible de Port-Royal, I, Les préfaces de l’Ancien Testament, Paris, Champion, 2013, p. 591-595.

FERREYROLLES Gérard, “Les païens dans la stratégie argumentative de Pascal”, in Pascal. Religion, Philosophie, Psychanalyse, Revue philosophique de la France et de l’étranger, n° 1, janv.-mars 2002, p. 21-40.

SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin Paris, Colin, 1970.

SELLIER Philippe, “La Bible de Pascal”, in Port-Royal et la littérature, I, Pascal, 2e éd., Paris, Champion, 2010, p. 185-210.

SELLIER Philippe, “Le fondement prophétique”, in Port-Royal et la littérature, Pascal, 2e éd., Paris, Champion, 2010, p. 461-470.

 

 

Éclaircissements

 

La pointe de l’argument porte moins sur les différentes prophéties prises séparément, que sur leur convergence, leur coïncidence et leur conjonction : Pascal insiste sur le fait que les événements prédits par les prophètes se produisent non seulement bien après avoir été annoncés, mais avec une extraordinaire simultanéité :

Prophéties 18 (Laf. 339, Sel. 371). Les prophètes ayant donné diverses marques qui devaient toutes arriver à l’avènement du Messie, il fallait que toutes ces marques arrivassent en même temps. Ainsi il fallait que la quatrième monarchie fût venue lorsque les septante semaines de Daniel seraient accomplies et que le sceptre fût alors ôté de Juda. Et tout cela est arrivé sans aucune difficulté et qu’alors il arrivât le Messie et J.-C. est arrivé alors qui s’est dit le Messie et tout cela est encore sans difficulté. Comme tout cela ne peut être attribué à un effet de hasard, cela marque bien la vérité de prophétie.

Prophéties 17 (Laf. 338, Sel. 370). Prédictions. Qu’en la quatrième monarchie, avant la destruction du second temple, avant que la domination des Juifs fût ôtée en la soixante-dixième semaine de Daniel, pendant la durée du second temple les païens seraient instruits et amenés à la connaissance du Dieu adoré par les Juifs, que ceux qui l’aiment seraient délivrés de leurs ennemis, remplis de sa crainte et de son amour.

Et il est arrivé qu’en la quatrième monarchie avant la destruction du second temple etc. les païens en foule adorent Dieu et mènent une vie angélique.

L’originalité du présent fragment tient à ce que Pascal y insiste moins sur la coïncidence des événements prédits, que sur l’audace qui a été celle des prophètes, lorsqu’ils ont annoncé des événements si longtemps à l’avance, et avec une pareille précision.

L’aspect du manuscrit permet de suivre l’évolution de sa réflexion.

Le noyau initial du texte est constitué par sa partie centrale : Il fallait que les quatre monarchies, la fin du règne de Juda, et les soixante-dix semaines arrivassent en même temps. À laquelle Pascal a sans doute ajouté en haut à droite la précision que les monarchies en question sont idolâtres ou païennes. Ce noyau initial se tient à la constatation du fait brut des exigences qu’imposait la réalisation des prophéties.

Il est difficile de dire laquelle des additions (reconnaissables à leur écriture différente du premier jet, et à la taille de l’écriture, nettement inférieure) qui se trouvent au début et à la fin a été ajoutée la première. Il semble plus naturel de supposer que c’est la fin qui a été tracée la première : Pascal y ajoute une donnée supplémentaire, mais d’un autre genre que les précédentes, puisqu’il s’agit d’une limite assignée au temps de la réalisation de ces prophéties : et le tout avant que le second temple fût détruit. L’importance de cette clause est expliquée ci-après.

Le dernier temps de la rédaction serait donc celui qui figure en tête du fragment : Il faut être hardi pour prédire une même chose en tant de manières. Il présente l’originalité de prendre du recul par rapport aux idées précédentes, et de porter sur l’état d’esprit des prophètes lorsqu’ils ont proclamé des annonces aussi précises.

La démarche d’ensemble irait ainsi de l’affirmation d’un fait, suivie de l’addition d’une précision, et s’achèverait sur une réflexion d’un ordre supérieur sur les conditions nécessaires à la réalisation de ce fait, par un passage du fait à sa raison.

Cette technique ouvre la voie à un développement supplémentaire dans l’argumentation, par lequel Pascal indique qu’une telle hardiesse ne peut s’expliquer par des causes purement naturelles, mais seulement par une cause elle-même surnaturelle ; c’est le sens du fragment Prophéties 17 (Laf. 338, Sel. 370) : Prédictions. Qu’en la quatrième monarchie, avant la destruction du second temple, avant que la domination des Juifs fût ôtée en la soixante-dixième semaine de Daniel, pendant la durée du second temple les païens seraient instruits et amenés à la connaissance du Dieu adoré par les Juifs, que ceux qui l’aiment seraient délivrés de leurs ennemis, remplis de sa crainte et de son amour.

Et il est arrivé qu’en la quatrième monarchie avant la destruction du second temple etc. les païens en foule adorent Dieu et mènent une vie angélique.

Les filles consacrent à Dieu leur virginité et leur vie, les hommes renoncent à tous plaisirs. Ce que Platon n’a pu persuader à quelque peu d’hommes choisis et si instruits une force secrète le persuade à cent milliers d’hommes ignorants, par la vertu de peu de paroles.

Les riches quittent leurs biens, les enfants quittent la maison délicate de leurs pères pour aller dans l’austérité d’un désert, etc. Voyez Philon juif.

Qu’est-ce que tout cela ? c’est ce qui a été prédit si longtemps auparavant ; depuis deux mille années aucun païen n’avait adoré le Dieu des Juifs et dans le temps prédit la foule des païens adore cet unique Dieu. Les temples sont détruits, les rois mêmes se soumettent à la croix. Qu’est-ce que tout cela ? C’est l’esprit de Dieu qui est répandu sur la terre.

 

ll faut être hardi pour prédire une même chose en tant de manières.

 

Hardi signifie proprement téméraire, voire impudent, effronté. Le mot signifie parfois assuré, ferme, et se dit figurément des choses spirituelles : une proposition hardie est celle qui ne tombe pas dans le sens ordinaire du peuple ; une expression ou une figure peut être hardie. Hardi qualifie aussi celui qui joue gros jeu, qui donne tout au hasard, sans rien réserver : un marchand est bien hardi, qui met tout son bien sur un vaisseau. Hardi se dit des entreprises extraordinaires qui font des chefs d’œuvre de l’art (Furetière).

La convergence des événements annoncés par les prophètes et la précision de la prédiction marquent leur « hardiesse », au sens où ils les affirment sans réserve, et sans autre appui que ce que leur révèle l’Esprit. Elles expliquent l’assurance que Pascal affiche à l’égard de ce en quoi il n’hésite par à voir un « miracle subsistant ». Voir le fragment Prophéties 11 (Laf. 332, Sel. 364) : Prophéties. Quand un seul homme aurait fait un livre des prédictions de J.-C. pour le temps et pour la manière et que J.-C. serait venu conformément à ces prophéties ce serait une force infinie. Mais il y a bien plus ici. C’est une suite d’hommes durant quatre mille ans qui constamment et sans variations viennent l’un ensuite de l’autre prédire ce même avènement. C’est un peuple tout entier qui l’annonce et qui subsiste depuis quatre mille années pour rendre en corps témoignage des assurances qu’ils en ont, et dont ils ne peuvent être divertis par quelques menaces et persécutions qu’on leur fasse. Ceci est tout autrement considérable.

 

Il fallait que les quatre monarchies, idolâtres ou païennes,

 

La prophétie des quatre monarchies vient de Daniel. Pascal donne le texte de Daniel et son interprétation dans Prophéties III (Laf. 485, Sel. 720). D’après la prophétie des quatre bêtes, dans Daniel, VII, quatre royaumes se succèderaient : l’empire de Babylone, le royaume des Mèdes, le royaume des Perses, et le royaume d’Alexandre et de ses successeurs.

Pascal, Pensées, éd. Havet, 1866, t. 2, p. 34, indique que les quatre monarchies sont celles des Assyriens, des Mèdes, des Perses, et des Grecs ou des successeurs d’Alexandre. La pierre qui les brise symbolise l’empire romain.

Voir le dossier du fragment Prophéties 12 (Laf. 333, Sel. 365) : Prophéties. Le temps prédit par l’état du peuple juif, par l’état du peuple païen, par l’état du temple, par le nombre des années.

Voir ce qu’en dit la Préface de la Bible de Port-Royal au livre de Daniel ; le texte en est donné par Chédozeau Bernard, L’univers biblique catholique au siècle de Louis XIV. La Bible de Port-Royal, I, Les préfaces de l’Ancien Testament, p. 591-595. Daniel, II, v. 37-38 :

« Vous êtes le roi des rois ; et le Dieu du ciel vous a donné le royaume, la force, l’empire, et la gloire... C’est donc vous qui êtes la tête d’or. Cette statue si prodigieuse que vit en songe le roi Nabuchodonosor, représentait par ses membres différents les divers empires qui devaient se succéder les uns aux autres. Sa tête était d’or : et lorsque Daniel dit à ce prince qu’il était lui-même cette tête d’or, ce n’est pas tant à sa personne qu’il donne ce nom, qu’à son empire, qui est celui des Babyloniens. Il l’appelle tête, parce que c’est la première des quatre grandes monarchies ; et il l’appelle tête d’or, à cause qu’elle surpassait de beaucoup en gloire et magnificence tous les royaumes de la terre. Aussi Babylone, la capitale de cet empire, est nommé dans Isaïe [Isaïe, cap. 13. 19] la gloire des royaumes, et l’orgueil éclatant des Chaldéens.

v. 39. Il s’élèvera après vous un autre royaume moindre que le vôtre, qui sera d’argent. Le même Isaïe dit encore que cette grande Babylone se voit détruite, comme le Seigneur renversa Sodome et Gomorrhe. Ainsi, après la destruction de l’empire des Chaldéens, figuré par la tête d’or de cette statue si mystérieuse, il s’est élevé un autre empire, qui a été celui des Perses et des Mèdes, figuré par la poitrine et les bras d’argent de la statue, à cause de la réunion de ces deux royaumes avec celui des Chaldéens en un même corps d’État. Il est comparé à l’argent, qui est moindre que l’or ; non que l’empire des Perses ait été inférieur à celui des Chaldéens, soit en grandeur ou en puissance ou en richesses, depuis l’union de ces trois monarchies en une seule ; mais parce que, selon la nature des choses humaines qui vont d’ordinaire en dégénérant, le gouvernement du premier empire fut beaucoup plus équitable et plus heureux, et dura même sans comparaison plus longtemps que le second.

Et ensuite un troisième royaume, qui sera d’airain, et qui commandera à toute la terre.

Ce troisième empire est celui du grand Alexandre et des Grecs, qui est comparé au ventre et aux cuisses d’airain de la statue ; soit pour remarquer qu’il serait encore pire que le second, et aussi différent de celui des Perses, que l’airain l’est de l’argent ; ou pour faire entendre qu’il briserait tout par la force de ses armes, à cause qu’anciennement les meilleures armes se faisaient d’airain trempé ; ou même, selon saint Jérôme, pour exprimer par le son de ce métal éclatant, l’éloquence de ces peuples qui fit tant de bruit dans tout l’Univers. Le ventre peut bien signifier aussi, selon quelques-uns, les débauches et l’avarice insatiable des princes qui se succédèrent les uns aux autres dans le gouvernement de cet empire. Il est dit qu’il commanderait à toute la terre [Daniel. cap. 8. 5. I. Macch. cap. 1. 3. I Esdr. cap. 1. 2] : ce qui est une manière de parler assez ordinaire dans l’Écriture, qui signifie seulement, toute la terre de ce pays-là, ou la plus grande partie de la terre qui était connue du peuple de Dieu.

v. 40-41, etc. Le quatrième royaume sera comme le fer : il brisera, et il réduira tout en poudre, comme le fer brise et dompte toutes choses... Et quoique prenant son origine du fer, il sera divisé, selon que vous avez vu que le fer était mêlé avec la terre et l’argile, etc.

Ce quatrième royaume, selon l’opinion commune, est l’empire des Romains, comparé aux jambes de la statue, et à ses pieds, dont une partie était de fer, et l’autre d’argile. Ce règne est donc appelé le règne de fer, pour la raison qu’en apporte le prophète, qui est, que comme le fer par sa grande dureté écrase et brise tout, aussi le gouvernement des Romains devait détruire les trois monarchies précédentes, avant même qu’il fût établi en monarchie sous Auguste. Ce mélange de fer et d’argile qui était aux pieds et aux doigts des pieds de la statue, marquait, selon l’explication de Daniel, la division et les différentes fractions de l’État, et sa faiblesse ou sa force, selon la bonne ou la mauvaise intelligence qui unissaient ou qui divisaient ses citoyens. Il peut encore marquer, que cet empire, quoique solide et affermi comme le fer, serait néanmoins souvent affaibli, tant par l’inondation des barbares que par le soulèvement de plusieurs peuples, qui lassés de la tyrannie des Romains, se feraient des rois, selon qu’il est dit dans l’Apocalypse [Apocal. cap. 13. 1], que dix rois devaient sortir de cet empire, comme autant de cornes de la bête ; ou, selon l’expression de Daniel même, comme autant de doigts des pieds de la statue, dont les uns sont grands et les autres plus petits. Ce même prophète explique encore ce mélange de fer et d’argile, des alliances inégales qui se feraient par des mariages, et qui ne pourraient établir une solide union, non plus que le fer ne peut bien se lier ni s’unir avec l’argile.

Mais quoique cette explication qu’on donne communément à ce passage de Daniel, en entendant de l’empire des Romains, ce quatrième royaume, paraisse assez littérale, il semble qu’il y a encore plus de fondement, de l’entendre de celui que Daniel même a encore représenté sous différentes figures en divers chapitres, où l’on verra assez clairement qu’il n’es point parlé, au moins selon le sens premier et littéral, de l’empire des Romains, mais de celui des successeurs d’Alexandre, qui ont régné en Syrie et en Égypte [Daniel. cap. 7. v. 7. 8. cap. 8. v. 8. 9. 10. cap. 11. v. 4. 5. 31]. Ils ont été avant la naissance de Jésus-Christ les derniers et les plus cruels persécuteurs du peuple de Dieu, dont ils avaient résolu d’abolir entièrement la religion, en y substituant le paganisme : et ce fut la cause de la guerre des Macchabées.

Pour donner ici une idée de cet empire des successeurs d’Alexandre, dont la connaissance est nécessaire pour entendre les prophéties de Daniel, il faut savoir qu’après la mort de ce prince la souveraine puissance passa à quatre des principaux officiers de son armée, qui sont désignés par le prophète dans ses visions mystérieuses, et qui régnèrent en différentes provinces ; savoir Ptolémée en Égypte, Séleucus en Babylone et en Syrie, Cassandre en Macédoine et en Grèce, Antigonus en Asie. Mais entre ces rois, ceux d’Égypte et de Syrie sont d’une considération particulière pour l’intelligence de l’Histoire sacrée, comme ayant la plus grande part aux prophéties de Daniel. Leur empire est donc figuré par les jambes et les pieds de la statue. Il est dit que ce devrait être un règne de fer, non seulement parce qu’il ne s’est établi que par la violence, mais encore parce qu’il n’a rien eu de cette ancienne splendeur des empires précédents ; soit qu’on envisage l’extraction de ces princes, ou leur manière de régner, plus digne de petits tyrans, que de grands rois. Le prophète dit encore qu’il brisera tout comme le fer : ce qu’on a vu arriver jusques dans le Temple de Jérusalem, dont le sanctuaire fut renversé et foulé aux pieds [Daniel. cap. 7. v. 7. 25. cap. 8. v. 11. cap. 11. v. 31]. Il ajoute qu’il devait être divisé, et que cette division était maquée par les pieds et les doigts des pieds composés d’argile et de fer ; comme en effet ce royaume fut divisé en Séleucides, et en Lagides, dont les premiers sont nommés dans Daniel, Rois du Nord ; et les seconds Rois du Midi [Idem. cap. 11. v. 5. 6]. Il devait être comme le fer et l’agile : car en effet ces deux royaumes d’Égypte et de Syrie furent tantôt élevés, tantôt abattus ; soit l’un par l’autre, soit par les Juifs sous les Macchabées, soit enfin par les Romains. L’Écriture ajoute qu’ils se mêleraient par des alliances humaines, comme le fer était mêlé avec de l’argile dans la statue, mais qu’ils ne demeureraient point unis, non plus que le fer ne peut bien s’unir à la terre [Daniel. c. 11. 6. I Mach. cap. 10. v. 54. cap. 11. v. 9. 10] ; ce qui marquait les alliances qui se firent inutilement entre les princes de ces royaumes dont le prophète parle clairement ailleurs, et dont nous voyons l’accomplissement dans l’histoire des Macchabées.

Il paraît donc très naturel d’entendre cette prophétie plutôt du royaume divisé des Séleucides et des Lagides, que de l’empire romain ; quoique ce qui est dit du premier, puisse aussi fort bien être entendu du dernier, par une figure prophétique assez ordinaire dans les saintes Écritures. C’est ainsi que Daniel lui-même, qui était l’un des prophètes du vieux testament, ayant prédit plusieurs choses qui se devaient accomplir avant Jésus-Christ, saint Jean qui a été le prophète du nouveau, a appliqué ces mêmes choses dans l’Apocalypse à Rome païenne et au règne de l’Antéchrist. Ainsi les premières étaient en un sens les figures des secondes ; et l’on doit alors distinguer comme deux sens littéraux, dont le premier se rapporte à la figure qui doit précéder, et le second à la chose qui doit suivre. »

Pourquoi la précision idolâtres ou païennes ? Par opposition à la monarchie juive, qui a été asservie par les empires païens.

 

la fin du règne de Juda,

 

Suivant Havet, Pensées, II, Delagrave, 1866, p. 22, l’état du peuple juif, c’est la fin du règne de Juda imposée par Rome, avec la destruction du Temple et l’état de dispersion et d’exil qui a suivi. C’est ce qu’annonçait la prophétie de Jacob sur le duc ôté de la cuisse, Genèse, XLIX, 10, lorsqu’il disait que « le sceptre ne sera point ôté de Juda, ni le prince de sa postérité, jusqu’à ce que celui qui doit être envoyé soit venu ; et c’est lui qui sera l’attente des nations » (tr. Sacy). Voir Preuves de Jésus-Christ 19 (Laf. 317, Sel. 348) : J.-C. prédit quant au temps et à l’état du monde. Le duc ôté de la cuisse, et la quatrième monarchie.

Prophéties 18 (Laf. 339, Sel. 371). Les prophètes ayant donné diverses marques qui devaient toutes arriver à l’avènement du Messie il fallait que toutes ces marques arrivassent en même temps. Ainsi il fallait que la quatrième monarchie fût venue lorsque les septante semaines de Danielseraient accomplies et que le sceptre fût alors ôté de Juda.

Sur la prophétie de Jacob, voir Loi figurative 14 (Laf. 259, Sel. 290). Figure. [...] Il est dit que la loi sera changée, que le sacrifice sera changé, qu’ils seront sans roi, sans princes et sans sacrifices, qu’il sera fait une nouvelle alliance, que la loi sera renouvelée, que les préceptes qu’ils ont reçus ne sont pas bons, que leurs sacrifices sont abominables, que Dieu n’en a point demandé. Il est dit au contraire que la loi durera éternellement, que cette alliance sera éternelle, que le sacrifice sera éternel, que le sceptre ne sortira jamais d’avec eux, puisqu’il n’en doit point sortir que le roi éternel n’arrive.

 

et les soixante-dix semaines arrivassent en même temps,

 

Allusion au compte des années par les soixante-dix semaines de Daniel, qui symbolisent les soixante-dix années qu’a duré l’exil à Babylone. Sur cette prophétie, voir le dossier sur le fragment Prophéties 20 (Laf. 341, Sel. 373).

Le compte des soixante-dix semaines de Daniel comporte une certaine approximation, d’après le fragment Prophéties 20 (Laf. 341, Sel. 373) : Prophéties. Les soixante-dix semaines de Danielsont équivoques pour le terme du commencement à cause des termes de la prophétie. Et pour le terme de la fin à cause des diversités des chronologistes. Mais toute cette différence ne va qu’à deux cents ans.

 

et le tout avant que le second temple fût détruit.

 

Allusion à la destruction du second Temple de Jérusalem par les troupes commandées par Titus. Voir le dossier thématique sur le Temple.

L’édition de Sellier-Ferreyrolles renvoie à Aggée, II, traduit dans Prophéties I (Laf. 483, Sel. 718) : Vous qui, comparant cette seconde maison à la gloire de la première, la méprisez, prenez courage, dit le Seigneur, à vous Zorobabel, et à vous Jésus grand-prêtre, et à vous, tout le peuple de la terre, et ne cessez point d’y travailler. Car je suis avec vous, dit le Seigneur des armées ; la promesse subsiste, que j’ai faite quand je vous ai retirés d’Égypte ; mon esprit est au milieu de vous. Ne perdez point espérance, car le Seigneur des armées dit ainsi : Encore un peu de temps, et j’ébranlerai le ciel et la terre, et la mer et la terre ferme (façon de parler pour marquer un changement grand et extraordinaire) ; et j’ébranlerai toutes les nations. Alors viendra celui qui est désiré par tous les Gentils, et je remplirai cette maison de gloire, dit le Seigneur. L’argent et l’or sont à moi, dit le Seigneur (c’est-à-dire que ce n’est pas de cela que je veux être honoré ; comme il est dit ailleurs : Toutes les bêtes des champs sont à moi : à quoi sert de me les offrir en sacrifice ?) ; la gloire de ce nouveau temple sera bien plus grande que la gloire du premier, dit le Seigneur des armées ; et j’établirai ma maison en ce lieu-ci, dit le Seigneur. Cette référence a peut-être été inspirée par la lecture du Pugio fidei (mentionné au début du fragment Prophéties I), Pars II, cap. III, § XXIV, Cur sexaginta septimpanae separatae, éd. de 1651, p. 231-232, consacrée à la prophétie de Daniel sur les soixante-dix semaines, et qui indique que le second temple a reçu plus d’honneur que le premier, puisque c’est celui dans lequel le Christ a pénétré. Puisque Jésus-Christ a connu ce temple dans sa gloire, c’est qu’il n’était pas encore détruit. La référence au Pugio Fidei, Pars II, chapitre IX, § X, Messias debuit venire ante desolationem templi secundi, et XVII, Messias in secundo templo venturus, n’apporte pas d’information utile.

Voir le dossier sur le fragment Prophéties I (Laf. 483, Sel. 718).

Grotius Hugo, De veritate religionis christianae, V, § XIV, p. 81 A sq. Sur Aggée, II. Prédiction que le second Temple aurait plus de gloire que le premier, contre les apparences. « Sed quo Templum hoc posterius priori praestiturum sit, ibi quidem breviter ostendit Deus, cum pacem suam, id est, gratiam et benevolentiam, in eo templo se quasi federe certo stabiliturum dicit ». Le Messie doit venir « stante Templo secundo » : p. 81 B. « Herodis Magni temporibus Templum non ex ruinis ressuscitatum fuit, sed paulatim per partes innovatum : qualis mutatio facit idem Templum appellari ».

Sur la destruction du Temple de Jérusalem par Titus, consulter Poznanski Lucien, La chute du temple de Jérusalem.

Pascal insiste sur l’importance de ce signe dans le fragment Prophéties 8 (Laf. 329, Sel. 361). Que J.-C. serait petit en son commencement et croîtrait ensuite. La petite pierre de Daniel. Si je n’avais ouï parler en aucune sorte du Messie, néanmoins après les prédictions si admirables de l’ordre du monde que je vois accomplies, je vois que cela est divin et si je savais que ces mêmes livres prédissent un Messie je m’assurerais qu’il serait venu, et voyant qu’ils mettent son temps avant la destruction du 2e temple je dirais qu’il serait venu.