Fragment Prophéties n° 16 / 27  – Papier original : RO 167-1

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Prophéties n° 356 p. 169 / C2 : p. 202

Éditions de Port-Royal : Chap. XVIII - Dessein de Dieu de se cacher aux uns, et de se découvrir aux autres : 1669 et janvier 1670 p. 143  / 1678 n° 15 p. 141

Éditions savantes : Faugère II, 280, XXII / Havet XXV.167 et XX.12 / Brunschvicg 753 / Tourneur p. 286-1 / Le Guern 318 / Lafuma 337 / Sellier 369

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Bibliographie

 

 

EUSÈBE DE CÉSARÉE, Histoire ecclésiastique, I, V, éd. Gustave Bardy, Sources chrétiennes, Paris, Cerf, 2001.

GROTIUS Hugo, De veritate religionis christianae, II, 2 ; III, 14-15 ; V, 15-19.

JOSÈPHE Flavius, Histoire des Juifs, XVIII, I, tr. Arnauld d’Andilly, éd. Buchon, Paris, Lidis, 1981.

MARTIN Raymond, Pugio Fidei, Pars II, ch. II, p. 213, et IV, p. 250 sq.

PELLETIER Marcel, Les pharisiens. Histoire d’un parti méconnu, Paris, Cerf, 1990.

POZNANSKI Lucien, La chute du temple de Jérusalem, Paris, Complexe, 1991.

SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, Paris, Colin, 1970.

SCHOLEM Gershom G., Le Talmud, Paris, Payot, 1967.

SUÉTONE, Vie de Claude, XXV.

TACITE, Annales, XV, 44.

 

 

Éclaircissements

 

Hérode cru le Messie. Il avait ôté le sceptre de Juda, mais il n’était pas de Juda.

 

Les éditions Le Guern et Sellier donnent Hérode cru, et non crut, comme Lafuma.

Il y a plusieurs Hérode, tous deux liés à la vie de Jésus-Christ.

Hérode Ier le Grand, fils d’Antipater, né en 73 avant J.-C. et mort à Jéricho en 4 av. J.-C. ; roi de Judée de 37 à sa mort. C’est lui qui déclencha le massacre des Innocents. C’est de lui qu’il est question dans ce fragment.

Il ne doit pas être confondu avec son fils Hérode Antipas II, le tétrarque de Galilée (21 avant J.-C.-39 après J.-C.), sous lequel Jean-Baptiste fut exécuté, et le Christ crucifié.

Hérode était un étranger : voir Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 489.

Cette remarque répond à la prophétie de Jacob dans Genèse, XLIX, 10, qui a un rapport avec la fin de la royauté juive : « Non auferetur sceptrum de Juda et dux de femore ejus donec veniat qui mittendus est : et ipse erit expectatio gentium ». Traduction de la Bible de Port-Royal : « Le sceptre ne sera point ôté de Juda, ni le prince de sa postérité, jusqu’à ce que celui qui doit être envoyé soit venu ; et c’est lui qui sera l’attente des nations ».

Voir Prophéties II (Laf. 484, Sel. 719). Prédictions des choses particulières.

Ils étaient étrangers en Égypte sans aucune possession en propre ni en ce pays-là, ni ailleurs lorsque Jacob mourant et bénissant ses douze enfants, leur déclare qu’ils seront possesseurs d’une grande terre, et prédit particulièrement à la famille de Juda, que les rois qui les gouverneraient un jour seraient de sa race, et que tous ses frères seraient ses sujets. Et que même le Messie qui devait être l’attente des nations, naîtrait de lui, et que la royauté ne serait point ôtée de Juda, ni le gouverneur et le législateur de ses descendants, jusqu’à ce que ce Messie attendu arrivât dans sa famille.

Cette prophétie supposait que la couronne du royaume des Juifs ne quitterait la tribu de Juda que lorsque le Messie arriverait.

Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 489, n. 22 et 223. Référence à Saint Augustin, La Cité de Dieu, XVIII, 45. Juifs et chrétiens donnaient au texte de la Genèse une portée messianique (Prophéties I - Laf. 483, Sel. 718 et Prophéties II - Laf. 484, Sel. 719). Il régna en Judée des princes judéens jusqu’à Aristobule II (67-63), comme le remarque Augustin, Cité de Dieu, XVIII, 36 et 45. Une période troublée suivit et se termina par l’avènement de l’Iduméen Hérode (37-4 avant Jésus-Christ). Hérode n’était pas de Juda. Saint Augustin insiste bien sur le fait qu’il était étranger, Cité de Dieu, XVIII, 45. Les temps prévus par la prophétie étaient donc là. La royauté n’était plus entre les mains de Juda, le Messie était imminent. Jésus naquit sous le règne d’Hérode, en l’an 7 ou 6 avant l’ère qui porte son nom. Pascal précise aussi que la captivité de Babylone n’avait pas interrompu le règne des Judéens, parce qu’elle était brève (70 années), et que son caractère temporaire avait été prédit (Prophéties 21 - Laf. 342, Sel. 374 et Preuves de Jésus-Christ 16 - Laf. 314, Sel. 345).

Commentaire du sens historique dans la Bible de Port-Royal sur ce passage :

« v. 10. Le sceptre ne sera point ôté de Juda, ni le Prince de sa postérité, jusqu’à ce que celui qui doit être envoyé soit venu ; et c’est lui qui sera l’attente des nations. Cette prophétie, selon le consentement des plus savants interprètes, enferme certainement le terme de la venue du Messie, comme la plupart des Hébreux le reconnaissent, aussi bien que la Paraphrase Chaldaïque.

Le sens qui paraît le plus simple et le plus autorisé, est que le mot de Juda se prend ici au sens qu’il se prenait communément au temps d’Hérode, et de la venue de Notre Seigneur, et longtemps encore auparavant, c’est-à-dire, pour la Judée et pour l’état des Juifs. Car depuis que les dix tribus eurent été emmenées captives par les Chaldéens, elles ne revinrent plus, et elles ne composèrent plus un corps et une Monarchie particulière. Il n’y eut que la tribu de Juda qui revint en cette manière avec celle de Benjamin, qui en faisait comme une partie ; en sorte qu’au lieu qu’autrefois tous les Hébreux s’appelaient Israélites, et que le royaume des dix tribus portait le nom d’Israël, depuis le retour de la captivité, le pays s’appela la Judée, et les peuples s’appelèrent Juifs.

Il semble même que ce soit une marque de la vérité de cette prédiction, que Jacob qui avait appris de Dieu que ses descendants se devaient appeler Israélites de son nom Israël, ait prévu tant de siècles auparavant, qu’au temps où le Messie devait naître ils s’appelleraient Juifs, et que leur terre se nommerait la Judée.

Depuis ce changement de nom et leur retour de la captivité, le commandement se conserva toujours parmi eux sous divers noms, ou de Juges, ou de souverains Pontifes, ou de Princes et de Rois, jusqu’à ce qu’Hérode étranger s’empara de la Couronne de Judée par une usurpation manifeste, et par la ruine de la race royale. C’est pourquoi il ne régna que comme un tyran par le pouvoir qu’il en avait reçu de l’Empereur Auguste ; et à sa mort même il voulut que le royaume fût partagé entre ses enfants, selon qu’il plairait à cet Empereur.

Un savant interprète [Grotius] remarque avec raison. Que cette prophétie a été vérifiée à la lettre en la personne d’Archelaüs fils d’Hérode le Grand, lorsqu’après avoir succédé à son père, le royaume lui fut ôté, et que la Judée devint ensuite une (p. 925.) province de l’Empire Romain, sans qu’elle ait jamais depuis recouvré le sceptre et la puissance royale : Archelao ereptum regnum ; ac Judæa provincia Romanorum facta nunquam postea sceptrum recuperavit. »

Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, I, V, éd. Gustave Bardy, p. 22 sq. En son temps, conformément aux prophéties, ont fait défaut les chefs du peuple juif, pris jusqu’alors dans la succession ancestrale, et Hérode est le premier étranger qui règne sur eux. « À ce moment, Hérode, le premier étranger par la race, reçut la royauté du peuple juif et la prophétie faite par Moïse reçut son accomplissement : elle annonçait qu’un chef issu de Juda ne ferait pas défaut, ni un prince sorti de sa race, jusqu’à ce que vienne celui à qui il est réservé, celui qu’il montre comme devant être l’attente des nations. Les termes de la prédiction ne furent pas accomplis durant le temps où il fut permis aux Juifs de vivre sous des chefs de leur race en commençant dans le passé par Moïse lui-même et en descendant jusqu’au règne d’Auguste, au temps duquel le premier étranger, Hérode, gouverna les Juifs sous l’autorité des Romains. À ce que rapporte Josèphe, il était iduméen par son père et arabe par sa mère ; mais selon Africain qui fut aussi un historien et non un homme quelconque, ceux qui ont écrit sur lui avec exactitude, disent qu’Antipater, c’est-à-dire le père d’Hérode, était né lui-même d’un certain Hérode d’Ascalon, un des hiérodules du temple d’Apollon. Cet Antipater, emmené tout enfant en captivité par des brigands iduméens, resta avec eux parce que son père qui était pauvre ne pouvait pas payer sa rançon ; après avoir été élevé selon leurs usages, il fut aimé plus tard par Hyrcan, le grand prêtre des Juifs. De lui naquit Hérode, au temps de notre Sauveur. La royauté des Juifs étant donc passée entre ses mains, l’attente des nations conformément à la prophétie était déjà aux portes, étant donné qu’à partir de lui les chefs et les princes qui depuis Moïse s’étaient succédé chez les Juifs vinrent à manquer. Avant leur captivité et leur exil à Babylone, les Juifs avaient eu des rois à partir de Saül, le premier, et puis David, et, avant les rois, des chefs les avaient commandés, ceux qu’on appelle juges : ceux-ci étaient venus après Moïse et son successeur Josué. Après le retour de Babylone, ils ne cessèrent pas d’avoir un gouvernement aristocratique et oligarchique – les prêtres en effet présidaient aux affaires – jusqu’à ce que Pompée, général des Romains, eut assiégé et pris Jérusalem par la force, souillé les lieux saints, pénétré dans les parties sacrées du sanctuaire, envoyé en captivité à Rome avec ses enfants celui qui, par succession ancestrale, avait été jusqu’à ce temps roi et grand prêtre et qui s’appelait Aristobule, et finalement donné le pontificat suprême à son frère Hyrcan et soumis toute la nation des Juifs à payer le tribut aux Romains. Or Hyrcan, en qui s’achève la succession des grands prêtres, fut fait prisonnier, par les Parthes ; et le premier, comme je l’ai déjà dit, l’étranger Hérode, sous l’autorité du Sénat romain et de l’empereur Auguste, prit en mains la nation des Juifs. De son temps s’établit manifestement la présence du Christ qu’accompagnèrent le salut attendu des nations et leur vocation, conformément à la prophétie. Car à partir de ce temps, le chef et les princes sortis de Juda, je veux dire issus du peuple juif, vinrent à manquer, et semblablement aussi le souverain sacerdoce, qui passait régulièrement des ancêtres à leurs descendants immédiats, selon les générations, fut troublé dans sa succession » : p. 23-24. Eusèbe invoque la garantie de Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, XX, 247, 249.

Grotius Hugo, De veritate religionis christianae, V, 15. Les annonces du Messie ont produit une attente si ferme que « plusieurs » Juifs « regardèrent Hérode comme le Messie ». Voir V, XVIII, p. 83 : « XVIII. Jusqu’ici j’ai prouvé que le Messie doit être venu : je vais présentement montrer qu’il n’est autre que le Jésus que nous adorons. Tous les autres qui se sont vantés d’être le Messie, ou qui ont même passé pour tels n’ont laissé aucune secte qui conservât ce sentiment. Nous n’en voyons aujourd’hui aucune qui fasse profession de reconnaître pour tel, ni Hérode, ni Judas le Gaulonite, ni Barchochébas, qui sous l’empire d’Adrien se dit être le Messie, et qui trompa les plus éclairés. Mais depuis que Jésus-Christ est venu au Monde, jusqu’à notre siècle, il y a toujours eu dans toute l’étendue de la Terre, et il y a encore aujourd’hui un nombre infini de personnes qui suivent sa doctrine, et qui le révèrent comme le Christ. Je pourrais apporter ici beaucoup de choses, qui ont été autrefois ou prédites ou crues touchant le Messie, lesquelles nous croyons avoir été vérifiées en la personne de Jésus-Christ, et qu’on ne prétend pas même avoir été accomplies en aucun autre. En voici quelques-unes. Jésus-Christ était de la famille de David : il est né d’une vierge, comme l’apprit par révélation celui qui avait épousé Marie, et qui l’aurait renvoyée, s’il eût cru qu’elle fût enceinte d’un autre selon les voies ordinaires : il est né à Bethléem, il a commencé à prêcher en Galilée : il a guéri toutes sortes de maladies : il a rendu la vue aux aveugles, et redressé les boiteux. Mais je me contente de remarquer une chose que David, Isaïe, Zacharie, et Osée avaient prédite, et dont l’accomplissement subsiste encore aujourd’hui ; c’est que le Messie devait être le docteur non seulement des Juifs, mais aussi des autres nations : qu’il anéantirait le culte des fausses divinités, et qu’il rangerait au service d’un seul Dieu une grande multitude d’Étrangers.

Avant la venue de Jésus-Christ, presque tout le monde était plongé dans l’idolâtrie. À peine a-t-il paru, qu’elle commença à s’évanouir peu à peu, et que non seulement plusieurs Particuliers, mais des rois, et des Nations entières quittèrent les faux dieux, pour ne plus adorer que le seul vrai Dieu. Cet heureux changement n’est pas l’effet des enseignements des Docteurs Juifs, mais de la doctrine que les disciples de Jésus-Christ, et ceux qui vinrent après eux, prêchèrent par tout le Monde. Par là, ceux qui n’étaient pas encore le peuple de Dieu, le devinrent ; et l’on vit accompli ce que Jacob avait prophétisé au ch. XLIX de la Genèse, qu’avant que l’autorité du gouvernement civil fût entièrement ôtée à la postérité de Juda, le Silo, c’est-à-dire le Messie, selon la paraphrase chaldaïque, et selon tous les Interprètes, le Silo, dis-je, viendrait, et que les nations étrangères mêmes se viendraient soumettre à lui. »

 

Cela fit une secte considérable.

 

Il y eut donc des Juifs pour identifier Hérode le Grand avec le Messie attendu.

Tertullien, saint Jérôme et d’autres Pères ont pensé que les hérodiens étaient une secte qui reconnaissait Hérode le Grand pour le Messie.

Grotius Hugo, De veritate religionis christianae, V, 15. Les annonces du Messie ont produit une attente si ferme que « plusieurs » Juifs « regardèrent Hérode comme le Messie » ; voir V, XVII, p. 83.

Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, éd. Pléiade, p. 885. « C’est aussi ce qui donna lieu à la secte des Hérodiens, dont il est tant parlé dans l’Évangile » ; voir Matth. XVII, 16 ; Marc, III, 6 et XII, 1.

Le courant des Hérodiens était en fait minoritaire, en raison de l’impopularité de Hérode le Grand. On suppose que l’une des opinions de cette secte était que l’on pouvait, en cas de force majeure, faire des actes d’idolâtrie. Hérode avait construit des temples à Auguste, et à d’autres dieux.

Les mêmes hommes qui sont nommés sadducéens dans Marc, VIII, 15, sont appelés hérodiens dans Matthieu, XVI. La secte a disparu ou perdu son nom lorsque les états d’Hérode ont été partagés entre ses trois fils.

Encyclopédie théologique, t. XXXIV, Dictionnaire de théologie dogmatique, Paris, Migne, 1850, art. Hérodiens.

 

Et Barcosba

 

Cette mention et les suivantes sont des additions postérieures.

Scholem Gershom G., Le Talmud, p. 416. Josèphe raconte comment l’espérance messianique a poussé les Juifs à attendre un chef qui les délivrerait. Bar Kosba est demeuré célèbre.

Petit Paul, La paix romaine, Nouvelle Clio, Paris, P. U. F., 1967, p. 120-121. La politique de Rome à l’égard du peuple juif.

Poznanski Lucien, La chute du temple de Jérusalem, Paris, Complexe, 1991, p. 104 sq. La révolte en Palestine, qui dure de 132 à 135, est due à la politique d’Hadrien, volontairement humiliante pour les Juifs. Le point de départ est la lex Cornelia de sicariis et de veneficiis, sur la circoncision. Simon Bar Kosba conduit le soulèvement populaire. Le nom de Bar Kosba, fils de l’étoile, fait référence au verset de l’Exode, XXIV, 17.

Saulnier-Rolland, La Palestine au temps de Jésus, p. 61 sq. Cette révolte de 132 est mal connue ; les auteurs païens n’y font que de brèves allusions et Eusèbe, dans l’Histoire Ecclésiastique, n’en parle presque pas. Ses causes précises sont obscures : le trouble a peut-être été porté à son comble par l’interdiction de la castration sous peine de mort renouvelée par Hadrien, qui y aurait assimilé la circoncision. C’était particulièrement grave pour les Juifs orthodoxes, car cette interdiction équivalait à empêcher la survie du peuple élu. La révolte s’étend à tout le pays, mais on ignore le déroulement des opérations. Simon Bar Kosba se disait prince sur Israël et avait été reconnu comme Messie par rabbi Aqiba. Il frappe monnaie de l’an I ou II de la libération d’Israël. Les combats sont durs, puisque jusqu’en 135, la Palestine passe pour être devenue un désert. Il ne serait resté de Jérusalem que quelques maisons. Hadrien fonda une colonie romaine, Aelia Capitolina, et fit bâtir à la place du Temple un sanctuaire à Jupiter Capitolin. C’est seulement sous Constantin que fut levée l’interdiction faite aux Juifs, sous peine de mort, d’entrer dans la ville, et donnée l’autorisation de venir vénérer le mur des pleurs (le Mur des Lamentations), soubassement du Temple.

Martin Raymond, Pugio Fidei, Part. II, ch. IV, p. 250 sq. Probatio quod Messias jam venit continuatur per prophetiam Jacobi. Voir § 17, p. 256-257. « Surrexit ergo tunc Judaeus quidam, cui nomen erat Bar Cosba, id est Filius mendacii vel falsitatis, dixitque Judaeorum magistris se esse Messiam. Et hoc est quod legitur in tractatu Sanhedrin distinctione quae incipit Chelek [...]. Bar Cosba regnavit tribus annis, et dimidio : dixit enim Rabbinis ego sum Messias (glossa R. Salomo) cum regno Herodis, id est Agrppae fuit. Laeti igitur Judaei illum unanimiter susceperunt tum propter odium Christi, cujus fidem crebrescetibus miraculis in nomine ipsius videbant prosperari ; tum quia in Scripturis trempus Messiae videbant praeterire ; completumque est verbum Domini, Joan. 5. Ego veni in nomine Patris mei : et non suscepistis me : Alius veniet in nomine proprio, illum accipietis. Venit igitur in mendacio dictus falsus Messias juxta nomen suum et susceperunt illum, licet ipsum nomen proderet eum iis, si habuissent sensum ». Voir aussi le ch. II, p. 211.

Grotius Hugo, De veritate religionis christianae, V, 18, p. 83, sur Barchocheba, qui, sous l’empire d’Hadrien, se dit être le Messie. La note 2 du § XVII donne des références sur Bar Kosba.

 

et un autre reçu par les Juifs. Et le bruit qui était partout en ce temps‑là.

 

Grotius Hugo, De veritate religionis christianae, V, 19, ne semble pas parler des deux messies forgés par les Juifs, quoiqu’en dise Lafuma, dans son édition, Notes, p. 63.

Peut-être Pascal pense-t-il à Judas le Gaulonite, comme le suggère M. Le Guern, dans son édition des Œuvres de Pascal, Pléiade, II, p. 1435.

Sur Judas le Gaulonite, voir Grotius Hugo, De veritate religionis christianae, V, 18.

Josèphe Flavius, Histoire des Juifs, Œuvres, II, éd. Arnauld d’Andilly, p. 677 sq. Livre XVIII, ch. I. Judas, « qui était gaulonite », assisté du pharisien Sadoc, « sollicita le peuple à se soulever », prétextant que le recensement fait dans la Judée était une « manifeste déclaration qu’on les voulait réduire en servitude ». Meurtres et brigandages : p. 678. Ch. V, p. 678 sq. La secte de Judas le Gaulonite, par opposition aux autres, Pharisiens, Saducéens, Esséniens, convient en toute chose avec celle des Pharisiens, sauf en ce qu’elle soutient « qu’il n’y a que Dieu seul que l’on doive reconnaître pour seigneur et pour Roi » ; leur amour de la liberté les mène à la mort, « plutôt que de donner à quelque homme que ce soit le nom de Seigneur et de maître » : p. 679.

Josèphe Flavius, Histoire des Juifs, XVIII, I, tr. Arnauld d’Andilly, éd. Buchon, Paris, Lidis, 1981, p. 556-557.

Pelletier Marcel, Les pharisiens. Histoire d’un parti méconnu, Paris, Cerf, 1990, p. 168 sq. C’est la naissance du mouvement zélote. Deux hommes en sont les instigateurs, Judas originaire de la ville de Gamala en Gaulanitide, et un pharisien nommé Sadoc. L’occasion est le recensement des biens décidé par le nouveau gouverneur de Syrie en l’an 6. Plus profondément, c’est une intransigeance religieuse poussée au paroxysme, qui refusait de se plier à l’occupant. Judas et Sadoc mêlent dans leurs exhortations les considérations religieuses et l’appât d’une fiscalité allégée, au point que le pays s’embrase et que les affrontements atteignent le Temple, atteignant non seulement les Romains, mais les Juifs accusés de tiédeur. Le mouvement dégénère en brigandage.

 

Suétone,

 

Suétone, Vie de Claude, XXV, éd. M. Benabou, p. 286. « Comme les Juifs se soulevaient continuellement, à l’instigation d’un certain Chrestos, il les chassa de Rome. » Voir la note de p. 478 : il est possible qu’il s’agisse du Christ, car tous les écrivains profanes des deux premiers siècles écrivaient Chrestus et Chrestiani. L’inexactitude du mot impulsore, toujours appliqué à des personnages vivants, s’expliquerait par l’ignorance de Suétone, qui avait trouvé dans sa source le nom de Chrestos, inconnu pour lui, et avait cru qu’il s’agissait d’un Juif contemporain de Claude.

Grotius, De veritate religionis christianae, II, 2, signale les témoignages de Suétone et Tacite (II, 2). « II. Qu’il y ait eu autrefois en Judée, sous le règne de Tibère, un Jésus appelé le Nazaréen, c’est ce dont on ne doutera pas, si l’on prend garde que les chrétiens, en quelques endroits de la terre qu’ils soient répandus, font et ont toujours fait une profession invariable de le croire ; que tous les Juifs d’aujourd’hui s’accordent dans le même aveu, avec tous ceux d’entre eux qui ont vécu et écrit depuis ce tems-là, et que les Auteurs Païens mêmes, ennemis communs des uns et des autres, Suétone, par exemple, Tacite, Pline le Jeune, etc. déposent unanimement de ce même fait. » [Note 1 : Suétone, Tacite, Pline le Jeune, etc. Suétone dans la Vie de l’Empereur Claude : Tacite liv. XV où parlant des supplices des chrétiens, l’auteur du nom et de la secte des chrétiens, dit-il, a été Christ, qui sous l’Empire de Tibère avait souffert la mort par l’ordre de Ponce Pilate. Dans cet endroit il représente les chrétiens comme des gens chargés de crimes, et comme l’horreur du genre humain. Mais ces crimes n’étaient autre chose que le mépris des faux dieux. C’est par la même raison que cet auteur et Pline ont parlé des Juifs avec ce même fiel. Il faut remarquer ici que cette haine ne venait pas d’un attachement sincère à la religion païenne, en tant que religion. Les sages Romains ne l’envisageaient pas ordinairement de ce côté-là. Ils la regardaient comme une pratique autorisée par les lois ; et croyant y satisfaire par l’observation exacte de toutes ses cérémonies, ils se réservaient la liberté d’en penser ce qu’ils voulaient. En un mot ils en usaient à cet égard en simples politiques, qui ne considèrent dans la religion que ce qu’elle a de propre à affermir le gouvernement, en rendant les hommes plus doux et plus souples. Sénèque, Varron, et Tacite, étaient dans ce sentiment, comme on le peut voir dans saint Augustin, de la Cité de Dieu, liv. IV. ch. 33. et liv. VI. ch. 10. Au reste on voit par ce passage de Tacite, que du temps même de Néron il y avait déjà beaucoup de chrétiens à Rome.] » Cette traduction est très approximative.

 

Tacite,

 

Tacite, Annales, XV, 44, tr. P. Grimal, Pléiade, p. 775. « Celui qui est à l’origine de ce nom est Christ, qui, sous le règne de Tibère, avait été condamné à mort par le procurateur Ponce Pilate ; réprimée sur le moment, cette exécrable superstition faisait sa réapparition non seulement en Judée, où se trouvait l’origine de ce fléau, mais aussi à Rome où tout ce qui est, partout, abominable et infâme vient aboutir et se répand. »

Cité dans Grotius Hugo, De veritate religionis christianae, III, 15, qui le trouve en accord avec la tradition chrétienne : « Neronis saevitiam in christianos Tacitus memoriae prodidit », « Tacite nous apprend la cruauté que Néron exerça contre les Chrétiens. » Mais Grotius ne donne aucune référence sur Tacite.

Ailleurs, Grotius signale les témoignages de Suétone et Tacite (II, 2). « II. Qu’il y ait eu autrefois en Judée, sous le règne de Tibère, un Jésus appelé le Nazaréen, c’est ce dont on ne doutera pas, si l’on prend garde que les chrétiens, en quelques endroits de la terre qu’ils soient répandus, font et ont toujours fait une profession invariable de le croire ; que tous les Juifs d’aujourd’hui s’accordent dans le même aveu, avec tous ceux d’entre eux qui ont vécu et écrit depuis ce temps-là, et que les auteurs païens mêmes, ennemis communs des uns et des autres, Suétone, par exemple, Tacite, Pline le Jeune, etc. déposent unanimement de ce même fait. »

 

Josèphe.

 

D’après Lafuma, il est cité dans Grotius Hugo, De veritate religionis christianae, III, 14 : « De Herode, Pilato, Festo, Felice, de Iohanne Baptista, de Gamaliele, de Hierosolymorum excidio scripta luculentissima Josephi, edita Paulo post annum a Christi abitu quadragesimum ». Mais Grotius ne donne aucune référence.

 

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Comment fallait‑il que fût le Messie, puisque par lui le sceptre devait être éternellement en Juda et qu’à son arrivée le sceptre devait être ôté de Juda ?

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Pour faire qu’en voyant ils ne voient point et qu’en entendant ils n’entendent point, rien ne pouvait être mieux fait.

 

Cette conclusion ramène le fragment à l’idée que Dieu veut éclairer les uns et obscurcir les autres. La contradiction dans la prophétie est faite pour que les cœurs charnels comprennent une partie de la prophétie, mais non le sens d’ensemble. Mais elle doit aussi permettre de passer du sens littéral de la prophétie à son sens figuratif.

 

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Malédiction des [Juifs] contre ceux qui comptent les périodes des temps.

 

Pascal a écrit Grecs sur le manuscrit. Mais c’est sans doute un lapsus : il faut lire Juifs et non Grecs.

Pascal reprend ici une formule qu’il a trouvée dans la Pugio fidei, Pars II, Cap. II, Commentaire de J. de Voisin, p. 213, qui mentionne l’interdiction faite aux Juifs de faire des calculs sur la date de la venue du Messie : « Dixit R. Samuel filius Nachamnis, ait R. Jonathan : Expirent ipsi qui supputant terminos. Dicunt enim cum terminus ille venerit, nec tamen venerit [Messias], nunquam veniet. Verum expecta illum : scriptum est enim Habakuk 2, v. 3, Si moram fecerit, expecta illum ».

Scholem Gershom G., Le Talmud, p. 418 sq. Le Talmud contient des calculs pour déterminer l’époque de la venue du Messie. La majorité des rabbins blâmait les calculs essayant de fixer « la fin », parce que cela suscitait des espérances qui se verraient ensuite déçues. Avertissement solennel de Sanh. 97 b : « Maudits ceux qui calculent la fin, car ils affirment que puisque la fin est arrivée, et que le Messie n’a pas paru, il ne viendra jamais. Attendez-le au contraire, car il est dit : Quoique il (le temps fixé) tarde, attendez-le (Habak. 2, 3) ».

Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 432. Trois époques se partagent l’histoire : avant la Loi (entendre la loi de Moïse), sous la Loi, sous la Grâce. Les Juifs n’aiment pas cette division de l’histoire qui leur paraît rejeter dans un passé périmé leur sainte Loi.

Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, éd. Velat et Champailler, Pléiade, p. 889. Malédiction des Juifs contre ceux qui « supputeront les temps du Messie », parce que, ne le trouvant pas, ils renoncent à chercher et se livrent au hasard. Ce passage doit être lié aux semaines de Daniel : les Juifs ont fini par s’apercevoir que tous les temps marqués pour la venue du Messie sont passés ; ne sachant comment se sortir d’embarras, ils ont réglé le problème par ce mouvement de désespoir : c’est une façon d’éluder, dit Bossuet, les prophéties où le temps du Christ est marqué. Ils se sont donc retournés eux-mêmes contre les traditions de leurs pères. Voir la formule dans Bossuet, ibid., p. 890-891 : « ils ferment les yeux volontairement à la vérité ».