Fragment Rabbinage n° 2 / 3  – Papier original : RO 267-1

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Rabbinage n° 319 p. 141 v° à 143 v° / C2 : p. 172 à 174

Éditions savantes : Faugère II, 206, XXXI / Havet XXV.144 / Brunschvicg 446 / Tourneur p. 269-1 / Le Guern 261 / Lafuma 278 / Sellier 309

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Bibliographie

 

 

COHEN A., Le Talmud, Paris, Payot, 1976.

COHN Lionel, “Pascal et le judaïsme”, in Pascal. Textes du tricentenaire, Paris, Fayard, 1963, p. 195-224.

COHN Lionel (Yehuda Arye), Une polémique judéo-chrétienne au Moyen Âge et ses rapports avec l’analyse pascalienne de la religion juive, Reprint of Bar Ilan, volume in Humanities and social sciences, Jérusalem, 1969.

Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme, Paris, Cerf, 1993.

LHERMET J., Pascal et la Bible, Paris, Vrin, 1931.

MARTINUS Raymundus, Pugio fidei Raymundi Martii ordinis praedicatorum adversus Mauros et Judaeos [...], Paris, M. et J. Henault, 1651.

MESNARD Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., Paris, SEDES-CDU, p. 271.

MESNARD Jean, “La théorie des figuratifs dans les Pensées de Pascal”, in La culture du XVIIe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 1992, p. 433 sq.

 

 

Éclaircissements

 

Tradition ample du péché originel selon les Juifs.

 

Ce que Pascal va chercher dans la tradition rabbinique, c’est la confirmation du fait que le péché originel est un point de doctrine qui remonte aux origines, de telle sorte que sur ce fondement de la religion, Juifs et chrétiens sont d’accord.

L’ensemble est pris de Pugio fidei, Tertia pars, Dist. II, ch. VI, De peccato originali, de multiplici denominatione et effectibus ejus, p. 463 sq.

Le sommaire de cette partie est le suivant :

§ I. Quid sit originale peccatum secundum Christianos, et nomina ejus.

§ II. Nomina ejus secundum Judaeos.

§ III. Nemo potest dici sanctus nisi post mortem.

§ IV. Originale peccatum venit in hominem in hora nativitatis ejus.

§ V. Piis magnum videtur.

§ VI. Vita politica est ex figmento malo.

§ VII. Cum omnes morientur.

§ VIII. Peccatum crescit.

§ IX. Estque originale aliquod.

C’est la section II qui est exploitée.

Pascal ne prend pas la peine de noter le contenu de la section I,  « Quid sit originale peccatum secundum Christianos, et nomina ejus » ; il s’estime sans doute suffisamment informé. Ce qui l’intéresse, c’est la sémantique du péché originel dans les écrits des rabbins.

Lhermet J., Pascal et la Bible, p. 281. Pascal, selon Lhermet, a trouvé, dans les commentaires juifs, une sérieuse confirmation de la doctrine janséniste de la faute originelle. Il a traduit dans ce fragment les versets de la Bible non d’après la Vulgate ni d’après Vatable ; il a suivi la traduction latine de R. Martin.

 

Sur le mot de la Genèse 8, la composition du cœur de l’homme est mauvaise dès son enfance.

R. Moïse Haddarschan : Ce mauvais levain est mis dans l’homme dès l’heure où il est formé.

 

On trouve dans la Vulgate, Genèse, VIII, 21, le texte suivant : « odoratusque est Dominus odorem suavitatis et ait ad eum nequaquam ultra maledicam terrae propter homines sensus enim et cogitatio humani cordis in malum prona sunt ab adulescentia sua non igitur ultra percutiam omnem animantem sicut feci ». Sacy traduit : « l’esprit de l’homme et toutes les pensées de son cœur sont portées au mal dès sa jeunesse ». La version de Vatable donne en revanche : « Figmentum enim humanis cordis malum est ab adolescentia sua ».

Lhermet J., Pascal et la Bible, p. 280. Comparaison des textes du Pugio fidei, de la Vulgate, de Louvain, de Vatable et de Pascal. Pascal traduit les versets de la Bible non d’après la Vulgate, ni d’après Vatable, mais d’après la traduction latine de R. Martin.

Pugio fidei, Tertia pars, Dist. II, ch. VI, De peccato originali, de multiplici denominatione et effectibus ejus, § II, Nomina ejus secundum Judaeos, § 2, p. 463-464. « Sic quoque apud Hebraeos vocabulo censetur multiplici, ut patet in sequentibus. Vocatur namque fomes, sive originale peccatum, plasma vel figmentum malum יצךה. Unde R. Moseh haddarshan dicit in Bereschit Rabba super illud Genes. 8. v. 1 [...] Quoniam figmentum cordis hominis malum ab adolescenti, vel a pueritia sua. [...] Hoc est quod scribitur Psal. 103 v. 14. Quoniam ipse cognoscit figmentum nostrum, recordatus est quia terra sumus nos. Dixit R. Iose, Triste, sive tenebrosum est fermentum contra quod perhibet testimonium is qui creavit illud quod malum est. Tradiderunt magistri, tristis est planta contra quam plantator suus perhibet testimonium quod mala est, Ierem. 11, v. 17. Et Deus Exercituum plantans te, vel qui plantavit te, locutus est super te malum. Interrogavit Antonius magistrum nostrum* [* en marge : Is est R. Iehuda dictus Rabinus Hakadosch Magister noster sanctus.] quando figmentum malum datur in homine ? Dixit ei, ab hora qua formatus est. Haec in Bereschit Rabba. »

La citation la composition du cœur de l’homme est mauvaise dès son enfance est bien, dans le Pugio fidei, rapportée à R. Moyse Haddarschan. Moïse (Mocheh) ha-Darchan, de Narbonne, est le plus ancien commentateur européen connu (XIe siècle), auteur du Bereschit Rabba.

Figmentum vient de fingo, créer et peut désigner ce dont l’homme est fait.

Dans le Pugio fidei, la citation littérale Ce mauvais levain est mis dans l’homme dès l’heure où il est formé est en fait attribuée à R. Hakadosch. Sur R. Hakadosch, voir Rabbinage 1 (Laf. 277, Sel. 308).

Le mot de la Genèse, « Figmentum enim humani cordis malum est », est utilisé dans Fausseté 9 (Laf. 211, Sel. 244). On a fondé et tiré de la concupiscence des règles admirables de police, de morale et de justice. Mais dans le fond, ce vilain fond de l’homme, ce figmentum malum n’est que couvert. Il n’est pas ôté.

 

Massechet Succa : Ce mauvais levain a sept noms : dans l’Écriture il est appelé mal, prépuce, immonde, ennemi, scandale, cœur de pierre, aquilon , tout cela signifie la malignité qui est cachée et empreinte dans le cœur de l’homme.

 

Après la précédente référence, Pascal en saute plusieurs, ainsi que des renvois bibliques (Jérémie, II, 17). Il passe à Massachet Succa, qui donne d’après R. Esra les “septem nomina” du figmentum malum ; mais il ne reprend ni le nom de R. Esra, ni les références bibliques données aux pages 463-464. Il note les noms, mais pas les passages ni le contexte dans le Pugio fidei . Il ne s’agit pas d’une citation, mais d’un simple relevé des noms du figmentum malum. Les noms sont mis en gras dans le passage concerné du Pugio fidei ci-dessous.

Pugio fidei, Tertia pars, Dist. II, ch. VI, De peccato originali, de multiplici denominatione et effectibus ejus, § II, Nomina ejus secundum Judaeos, § 2, p. 463-464 (à la suite de ce qui précède). « Legitur quoque in Massechet Succa in distinctione quae incipit Hachalil chamischa : [...] Tradidit R. Esra quod septem nomina habet figmentum malum Deus vocavit illum malum, sicut dictum est Gen. 8. v. 21. Quia figmentum cordis hominis malum a pueritia ejus. Moysis vocavit illud praeputium, Deuter. 10. v. 16. Et circumcidetis praeputium cordis vestri. David vocat ipsum immundum per locum a contrario sensu, ubi dictum est Psal. 51. v. 12. Cor mundum crea in me Deus. Salomon vocavit ipsum inimicum sicut dictum est Prov. 25. v. 21. Si esurit inimicus tuus, ciba illum pane, et pota illum aqua si sitit, prunas enim suscipies super caput ejus, et Dominus [...] retribuet tibi, non legas sic, retribuet tibi ; sed lege [...] tradet, vel pacificabit tibi ipsum. Esaias vocavit ipsum scandalum sive offendiculum, sicut dictum est Esaiae 57. v. 14. Et dixit, Sternite, sternite, scopate iter, levate offendiculum de via populi mei. Ezechiel vocavit ipsum cor lapidis, sicut dictum est cap. 36. v. 36. Et auferam cor lapidis ex carne vestra. Ioel vero cap. 2. v. 20. Vocavit ipsum [Aquilonem] [en marge : latentem] sicut dictum est, Et elongabo Aquilonem a vobis, iste est figmentum malum quod est latens, et stans in corde hominis. Sequitur in Ioele. Et impellam illum ad terram aridam, et desertam, ad locum scilicet ubi filii Adam non inveniuntur morantes. et facies ejus ad mare Orientale. Dedit quippe oculos suos in Sanctuarium primum, et destruxit illud, et occidit discipulos sapientum, id est sapientes Magistros, qui erant in eo [...] ». Nota : Plasma : créature (homme formé du limon). Offendiculum : pierre d’achoppement.

Succa, ou Soukkah, est l’un des traités du second ordre de la Mischna, l’ordre Moeh, qui expose les lois d’observance du sabbat, des fêtes et des jours de jeûne. Le mot Massechet, actuellement transcrit Massèkhet, désigne les traités qui constituent le Talmud ou la Mischna ; voir Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme, p. 716.

 

Cette malignité se renouvelle tous les jours contre l’homme comme il est écrit Ps. 37 : L’impie observe le juste et cherche à le faire mourir, mais Dieu ne l’abandonnera point.

 

Lafuma donne par erreur 137. Les éditions Sellier et Le Guern corrigent l’erreur et donnent 37 ; ce qui correspond, dans l’hébreu, au Psaume 36, dont les versets 32-33 répondent bien au texte de Pascal : « considerat peccator justum et quaerit mortificare eum ; Dominus autem non derelinquet eum in manus ejus nec damnabit eum cum judicabitur illi ». Ce sont les versets 34-35 dans l’édition de Sacy : « Le pécheur observe et considère le juste ; et il cherche à le tuer. Mais le Seigneur ne le laissera point entre ses mains, et ne le condamnera point au temps qu’il sera jugé ».

Le doute est levé par le Pugio fidei, loc. cit., p. 464 : « Dixit [Risch Lakis] figmentum hominis quotidie nititur contra eum, et quaerit mortificare ipsum, sicut dicitur Psal. 37, v. 32. Impius observat justum, et quaerit ipsum mortificare : Et nisi Deus juvaret eum, non posset contra ipsum, sicut dictum est, Dominus non derelinquet illum in manibus ejus, et non condemnabit illum cum judicabitur ». En marge figure l’indication « [R. Simeon filius Lakis] ».

Lhermet J., Pascal et la Bible, p. 281. Comparaison des textes du Pugio fidei, de la Vulgate, de Louvain, de Vatable et de Pascal. Celui-ci traduit d’après le latin du Pugio fidei.

 

Cette malignité tente le cœur de l’homme en cette vie et l’accusera en l’autre.

 

Sur cette formule, Pascal ne donne pas de référence, mais on la trouve dans la suite immédiate de la précédente. « [Dixit R. Jonathan] Figmentum malum instigat hominem in saeculo isto, et testatur contra ipsum in saeculo futuro, sicut dictum est Proverb. 29, v. 21. Delicate nutriens servum suum a pueritia ; novissimum quidem ejus erit חםנ id est filiatio, vel praelatio vel testificatio. Sic enim juxta morem R. Chija vocat testimonium  חםנ. »

Tr. de Sacy de Proverbes, XXIX, 21 : « Celui qui nourrit délicatement son serviteur dès son enfance, le verra ensuite révolté contre lui ». Commentaire de Sacy : « Les saints Pères entendent d’ordinaire cette parole de la délicatesse avec laquelle on nourrit la chair qui est marquée par ce nom d’esclave. On ne la sent point rebelle tant que l’on fait tout ce qu’elle veut. Mais lorsqu’on veut l’assujettir à l’esprit, on éprouve de quelle violence elle a besoin pour être soumise. Cependant cette délicatesse de la chair nourrit les vices. Et en vain on s’efforce d’empêcher les mauvais effets dont on entretient la cause. C’est pourquoi le Sage nous donne un excellent avis, de prévenir ces maux dès l’enfance, et d’assujettir dès lors tellement la chair à la raison qu’au lieu de s’opposer au bien par ses inclinations mauvaises, elle s’y porte plutôt par de bonnes habitudes, qui lui seront devenues comme naturelles ».

 

Tout cela se trouve dans le Talmud.

 

La formule répond à Pugio fidei, Tertia pars, Dist. II, ch. VI, De peccato originali, de multiplici denominatione et effectibus ejus, § II, Nomina ejus secundum Judaeos, p. 465. « Haec in Talmud. » Mais plutôt qu’une citation, on doit considérer cette formule comme une simple référence.

 

Midrasch Tillim sur le Ps. 4. Frémissez et vous ne pécherez point. Frémissez et épouvantez votre concupiscence et elle ne vous induira point à pécher.

 

Pugio fidei, loc. cit., p. 465. « De praedicta materia etiam legitur in Midrasch Tillim super illud Psal. 4, vers. 5 [...] Fremite, et non peccabitis [...]. R. Acha dixit, Terre cum fremitu concupiscentiam tuam, et non faciet te peccare. Rab. dixit, Debilita figmentum tuum, et non faciet te peccare, ne forte in manus peccati venias ».

Le texte du Psaume dans la version de Sacy est : « Irascimini, et nolite peccare » ; « mettez-vous en colère, mais gardez-vous de pécher ».

Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, p. 751 et p. 1091. Midrasch est le terme qui désigne tout commentaire ou interprétation rabbinique d’un texte biblique. Voir p. 746, le Midrasch Tillim (Tehillim) I, compté parmi les Midraschim médians, rédigés au cours de la période qui va de la conquête musulmane, environ 640, jusqu’à la fin du Xe siècle. Ce Midrasch homilétique, sans doute d’origine palestinienne, consacré à l’interprétation du livre des Psaumes, à l’exception des Psaumes 123 et 133. Il est aussi appelé Midrasch Choher tov, car le verset introductif de ce texte commence par ces mots : « celui qui recherche le bien » (Choher tov). Parmi les Midrachim tardifs, qui remontent aux XIe et XIIe siècles et sont les derniers, se trouve le Midrasch Tillim (Tehillim) II.

 

Et sur le Ps. 36. L’impie a dit en son cœur que la crainte de Dieu ne soit point devant moi, c’est-à‑dire que la malignité naturelle à l’homme a dit cela à l’impie.

 

Pugio fidei, loc. cit., p. 465 (immédiatement après le passage précédent). « Scriptum quoque est super hanc eandem materiam in Psal. 36, v. 2 [...]. Dixit culpabilis impio, in medio cordis mei non sit timor Dei coram oculis ejus. Ubi Glossa R. Salomo sic habet : [...] Scriptura haec divisum intelligenda est, scilicet ut sit vox Propheta illud quod dicitur, in medio cordis mei est quod culpabilis, id est figmentum malum dicit impio, ut non sit timor Dei coram oculis ejus. Haec R. Salomoh. »

Psaume XXXVI, 2 (Psaume XXXV, 1 dans la traduction de Sacy) : « Dixit injustus ut delinquat in semetispso : non est timor Dei ante oculos ejus ». Tr. de Sacy : « L’injuste a dit en lui-même qu’il voulait pécher. La crainte de Dieu n’est point devant ses yeux ».

Lhermet passe sur ce texte, dont il ne donne ni traduction ni référence.

C’est-à-dire que la malignité naturelle à l’homme a dit cela à l’impie : Pascal reprend ici brièvement l’explication que le Pugio fidei attribue à R. Salomoh.

 

Midrash Kohelet : Meilleur est l’enfant pauvre et sage que le roi vieux et fol qui ne sait pas prévoir l’avenir. L’enfant est la vertu et le roi est la malignité de l’homme. Elle est appelée roi parce que tous les membres lui obéissent et vieux parce qu’il est dans le cœur de l’homme depuis l’enfance jusqu’à la vieillesse, et fol parce qu’il conduit l’homme dans la voie de [per]dition qu’il ne prévoit point.

La même chose est dans Midrasch Tillim.

 

Kohelet : le nom du livre de l’Ecclésiaste, Qohèlet, semble être celui de l’auteur supposé mentionné dans le premier verset. On considère traditionnellement qu’il s’agit de Salomon.

La première phrase est une traduction de l’Ecclésiaste, et la suite plutôt un résumé des commentaires rabbiniques que cite le Pugio fidei qu’une traduction.

Pugio fidei, Tertia pars, Dist. II, ch. VI, De peccato originali, de multiplici denominatione et effectibus ejus, § II, Nomina ejus secundum Judaeos, p. 465-466. « Ad idem quoque habetur in Midrasch Kohelet super illud Ecclesiastae 4. v. 13. [...] Melior est puer pauper et sapiens, quam rex senex, et stultus, sive insipiens qui nescit cavere in posterum : [...] Puer pauper, et sapiens est figmentum bonum : Et cur vocatur puer ? quia non adjungitur homini nisi filio tredecim annorum, et ultra. Et quare vocat eum pauperem ? Quia non omnes obediunt illi. Et quare sapientem ? Quia docet creaturas, et instruit eas ad viam rectam. Sequitur. Quam Rex senex et insipens. Hoc est figmentum malum. Et cur vocat id regem ? Quia omnes obediunt illi. Et ob quam rem vocat id senem ? quia copulatur homini, atque conjungitur ab infantia ejus usque ad senectute ipsius. Et quare vocat id insipientem ? Quia docet hominem viam malam quam nescit, sicut dictum est Eccelsiastae 10. v. 15. Qui nescit ire ad civitatem etc. Qui nescit cavere in posterum. Videt angustiam et tribulationes plurimas venientes super se, et non cavet sibi ab illis vers. 14. Quia de domo captivorum exit ad Regnandum. Quia ipse intellectus, scilicet, vel ratio, sonat creaturis sono scilicet exhortationis, suggestionnisve de medio pressurae. Quoniam in Regno etiam ipsius nascitur inops vel pauper. In regno quidem figmenti boni nascitur licentia figmenti mali. Adhuc legitur in Midrasch Tillim super Psal. 9. [...]. Confitebor Dominum in toto corde meo, Psal. 9. v. 2. hoc est cum figmento bono, et malo, ita quod non sit in corde meo schisma. Est autem hoc ac si dixisset Scriptura, Eccles. 4. v. 13. Melior est puer pauper sapiens. Hic est figmentum bonum : et cur [clamant] ipsum puerum ? quia dirigit creaturam ad bonam vitam. Et cur pauperem ? quia non omnis populus obedit ei. Sapientem vero ? quia conjungitur homini a decimo tertio anno, et supra. /466/ Quare rex senex ? Hic est figmentum malum. Cur clamat ipsum regem ? quia cuncta membra obediunt ei. Cur senem ? quia conjungitur hominis ab infantia ejus usque ad senectutem ejus, sicut dictum est Gen. 8. v. 21. Figmentum cordis hominis malum a pueritia ejus, vel ab excussione ejus, id est postquam excussus est ex utero matirs suae. Et quare clamant ipsum insipientem ? Quia disponit ceaturas ad vias malas. Quia de domo incarceratorum etc. Est enim sonitans creaturis de medio pressurarum. Quia etiam in regno ejus nascitur pauper. In regno utique figmenti mali nascitur figmentum bonum. Haec in Midrasch Tillim. »

Le texte de Pascal, en dehors de la phrase initiale, est plutôt un condensé qu’une traduction du texte du Pugio fidei, qui répète amplement la même idée.

Lhermet J., Pascal et la Bible, p. 281. Comparaison des textes du Pugio fidei, de la Vulgate, de Louvain, de Vatable et de Pascal.

 

Bereschit Rabbah sur le Ps. 35. Seigneur tous mes os te béniront parce que tu délivres le pauvre du tyran. Et y a‑t‑il un plus grand tyran que le mauvais levain ?

 

Voir Pugio fidei, p. 466. Voir le texte cité ci-dessus. « Rursum ad hoc idem facit id quod legitur in Bereschit Rabba super illud Genes. 21. v. 22. [...]. Et fuit in tempore illo et dixit Abimelech, ubi R. Moseh Haddarschan haec dicit : [...] Perinde est hoc ac si Scriptura dixisset Proverb. 16. v. 7. Cum placuerint Domino viae viri etiam inimicos ejus pacificabit cum eo. Dixit R. Iosua, hoc est figmentum malum. Secundum morem enim saeculi nutritur homo cum socio suo duobus, vel tribus annis, et hoc alligatur ei per amorem : figmentum malum crescit cum homine, vel nutritur a pueritia ejus usque ad senectutem, et nihilominus si invenit opportunitatem* [*En marge : M. ipsum rejiciendi praecipitabit eum intra 70 aut 80.] in 70 annis, praecipitabit eum : si in 80 praecipitabit eum]. Et ipsum est de quo ait David Psal. 35 v. 10. Omnia ossa mea, Domine, dicent quis sicut tu ? Eripiens pauperem, vel humilem a validiore. Pauperem scilicet, et inopem a direptore suo. Dixit R. Acha, Et numquid direptor aliquis est major quam figmentum malum ? »

Psaume XXXIV, v. 11-12. « Tous mes os vous rendront gloire en disant : Seigneur, qui vous est semblable ? »

 

Midrash Tillim dit la même chose et que Dieu délivrera la bonne nature de l’homme de la mauvaise.

 

Addition en marge de gauche, qui a été séparée. Voir la description du papier original.

Pugio fidei, loc. cit., p. 466 : « Praedictis etiam videtur addendum quid dicitur in Midrasch Tillim super illud Psal. 34. v. 23 [...]. Redimit Dominus animam servorum suorum [...]. Tu invenis, in Genesi cap. 1. v. 31. Et vidit Deus totum quod fecit et ecce bonum valde. Sed ecce multo melius est isto, Dominus redimit animam servorum suorum, Psal. 34, v. 23. »

Ce texte se trouve juste après le précédent. S’il a été inscrit en marge, c’est sans doute parce que Pascal l’a d’abord négligé, mais qu’il s’est aperçu après coup de son intérêt.

Pascal adapte plutôt qu’il ne traduit.

 

Et sur les Proverbes 25. Si ton ennemi a faim donne‑lui à manger, c’est‑à‑dire si le mauvais levain a faim donnez‑lui du pain de la sagesse dont il est parlé Proverbes 9. Et s’il a soif donne‑lui de l’eau dont il est parlé Isaïe 55.

 

Voir Pugio fidei, p. 466. « Et super ipso dicit Salomo, Prov. 25. v. 21. Si esuriat hostis tuus, ciba illum pane, id est pane legis, de quo dictum est Prov. 9. v. 5. Venire cibate cum pane meo, etc. Si fuerit sitiens, pota illum aquis, aquis scilicet legis, de quibus dictum est Esa. 55. v. 1. Eia omnes sitientes ite, vel venite ad aquas. »

Proverbes, XXV, 21. « Si esurierit inimicus tuus, ciba illum : si sitierit, fa ei auqam bibere » ; tr. de Sacy : « Si votre ennemi a faim, donnez-lui à manger ; s’il a soif, donnez-lui à boire ». Sacy interprète le texte en un sens tout différent, plus littéral.

Proverbes, IX, 5, « Venite, comedite panem meum, et bibite vinum quod miscui vobis » ; tr. de Sacy : « Venez, mangez le pain que je vous donne, et buvez le vin que je vous ai préparé ».

Isaïe, LV, 1. « Omnes sitientes venite ad aquas : et qui non habetis argentum, properate, emite, et comedite : venite, emite absque argento, et absque ulla commutatione vinum et lac » ; tr. de Sacy : « Vous tous qui avez soif venez aux eaux ; vous qui n’avez point d’argent, hâtez-vous, achetez et mangez ; venez, achetez sans argent et sans aucun échange le vin et le lait ». Le commentaire de Sacy sur ce passage a trait au don de la grâce par Dieu, et s’oriente dans un sens très différent de celui qui est indiqué ici.

 

Midrasch Tillim dit la même chose et que l’Écriture en cet endroit, en parlant de notre ennemi entend le mauvais levain et qu’en lui [donnant] ce pain et cette eau on lui assemblera des charbons sur la tête.

 

Pugio fidei, loc. cit., p. 466. « Praedictis etiam videtur addendum quid dicitur in Midrasch Tillim super illud Psal. 34. v. 23 [...]. Redimit Dominus animam servorum suorum [...]. Tu invenis, in Genesi cap. 1. v. 31. Et vidit Deus totum quod fecit et ecce bonum valde ? Sed ecce multo melius est iste, Dominus redimit animam servorum suorum, Psal. 34, v. 23. Dixit R. Samuel scriptum est Proverb. 25. v. 21. Si esurit inimicus tuus, ciba illum pane : de figmento malo loquitur Scriptura. Homo vadit cum socio suo per haram unam, et efficitur Amicus ejus : figmentum autem malum natum est cum homine ; et crevit cum eo omnibus diebus ejus sicut dictum est Genes. 8. v. 21. Quoniam figmentum cordis hominis malum est a pueritia ejus : Si tamen invenerit locum ad praecipitandum eum quando est viscenarius, tricenarius, quadragenarius, sive septuagenarius, sive etiam octogenarius, praecipitabit eum. Quis igitur inimicus est major isto ? Dixit R. Samuel, Si steterit contra te figmentum malum, pasce ipsum pane legis sicut dictum est Prov. 25. v. 22. Quia prunas suscipies super caput ejus. »

Le texte de Pascal est un résumé exact, et non une citation.

Psaume XXXIV, 23, XXXIII, 22, dans la Bible de Port-Royal : « Redimet Dominus animas servorum suorum ; et non delinquent omnes qui sperant in eo ». Tr. : « Le Seigneur rachètera les âmes de ses serviteurs et tous ceux qui mettent en lui leur espérance, ne seront point frustrés ».

 

Midrasch Kohelet sur l’Ecc. 9. Un grand roi a assiégé une petite ville. Ce grand roi est le mauvais levain. Les grandes machines dont il l’environne sont les tentations, et il a été trouvé un homme sage et pauvre qui l’a délivrée, c’est‑à‑dire la vertu.

Et sur le Ps. 41 : Bienheureux qui a égard aux pauvres.

 

Le premier paragraphe est plutôt une paraphrase qu’une traduction.

Pugio fidei, p. 467. « Deinde praedictis adhuc videtur addendum quid in Midrasch Kohelet taliter scriptum est super illud Ecclesiastae 9. v. 14. [...] Civitas parva est : [...] Hoc est corpus (et in Midrash Tillim dicitur, hic est homo). Et via in ea pauper ; ista sunt membra, et venir ad eam rex magnus, et circumdedit eam, hoc est figmentum malum. Et cur vocat ipsum magnum ? Quia est majus tredecim annis figmento bono. Et aedificavit contra eam munitiones magnas. Hae sunt insidiae, et circumventiones, sive obsidiones in gyro. Et inventus est in ea vir pauper sapiens, Hoc est figmentum bonum, Et cur vocavit id miserum ? Quia non invenitur in omnibus creaturis, et plures de creaturis non sunt obedientes ei. Et liberavit ipse civitatem cum sapientia sua. Quia omnis obediens figento bono liberabitur. David dixit quod bene erit et qui obedierit ei ; et hoc est scriptum in Psalm. 41. v. 1. Beatus intelligens et pauperem ? in die mali liberabit illum Deus etc. Et homo non est recordatus viri pauperis illius. Dixit Deus ego recordabor illius, sicut scriptum est Ezech. 36. v. 26. Et removeri faciam cor lapidis de carne vestra. » Pascal ne reprend rien de la formule figmentum bonum.

Ecclésiaste, IX, 14. « Civitas parva, et pauci in ea viri : venit contre eam Rex magnus, et vallavit eam extruxitque munitiones per gyrum, et perfecta est obsidio » ; tr. de Sacy : « Il s’est trouvé une ville fort petite, et où il y avait peu de monde, un grand roi est venu pour la prendre ; il l’a investie ; il a bâti des forts tout autour, et il l’a assiégée de toutes parts ».

Sur Kohelet, l’Ecclésiaste, voir plus haut.

La mention du Psaume XLI est une traduction.

Psaume XLI, 1 (XL, 1 dans la Bible de Sacy). « Beatus qui intelligit super egenum et pauperem : in die mala liberabit eum Dominus » ; tr. de Sacy : « Heureux l’homme qui a l’intelligence sur le pauvre et l’indigent. Le Seigneur le délivrera dans le jour mauvais ».

 

Et sur le Ps. 78 : L’esprit s’en va et ne revient plus, d’où quelques‑uns ont pris sujet d’errer contre l’immortalité de l’âme ; mais le sens est que cet esprit est le mauvais levain, qui s’en va avec l’homme jusqu’à la mort et ne reviendra point en la résurrection.

 

Pugio fidei, ibid., p. 467. « Haec Glossa. Praemissis nihilominus addendum est quod in Midrasch Tillim, hoc modo scriptum est super illud Psal. 78. v. 39. [...] Et recordatus est quia caro sunt, spiritus vadens, et non reverteretur. [...] Opinati sunt quidam dicentes hinc quod mortui non, erunt viventes, quia dicitur spiritus vadens et non rediens, vel et non reverteretur. Sed hoc est figmentum malum quod vadit cum homine in hora mortis ejus, et non reverteretur cum ipso in hora qua mortui resurgent. »

Psaume 77, v. 39 (ou 44). « Et recordatus est quia caro sunt : spiritus vadens, et non rediens » ; tr. de Sacy : « Il se souvenait de la faiblesse de leur chair, et de la fragilité de leur vie semblable à une vapeur qui passe et ne revient plus ».

 

Et sur le Ps. 103. la même chose.

 

Pugio fidei, ibid., p. 467. « Haec Glossa. Praefatis illud Psal. 103. v. 14. [...] Quoniam ipse novit figmentum nostrum. [...] Tradidit Rabi Chija Vae massae, vel pastae cui pistor ejus perhibet testimonium quod est mala. Geneseos enim 8. vers. 22 dicit Deus, Quoniam figmentum cordis hominis malum. Psal. 103. vers. 16. Quoniam spiritus pertransiens in eo, et non ipse, vel et non erit. Hinc dictum est a quibusdam quod mortui non reviviscunt. Sed hic spiritus est figmentum malum, quod vadit cum eo, et non redit. Et sic dicit Psal. 78. v. 39. Spiritus vadit, et non reverteretur. Sed hic spiritus est figmentum malum quod vadit, et non reverteretur ultra cum eo. Et non cognoscet cum ulterius locus suus, Psal. 103. v. 16. Hoc est figmentum malum. Haec in Midrasch Tillim. »

Psaume 102, 13 dans la Bible de Sacy : « Quomodo miseretur pater filiorum, misertus est Dominus timentibus se : quoniam ipse cognovit figmentum nostrum » ; tr. de Sacy : « De même qu’un père a une compassion pleine de tendresse pour ses enfants ; aussi le Seigneur est touché de compassion pour ceux qui le craignent ; parce qu’il connaît lui-même la fragilité de notre origine ».

 

Et sur le Ps. 16.

 

Pugio fidei, ibid. « Iterum in Midrash Tillim super illud Psal. 16. v. 2 [...] Dixi Domino, Dominus meus es tu : Bonitas mea nihil ad te, vel non curas de ipsa : [...] Dixit Deus Davidi, Non ego confirmo tibi bonum. Cui autem confirmo bonum ? Sanctis qui in terra sunt, et mirificis, omnis voluntas mea in illis, Psal. 16. v. 3. Deus quippe sanctus benedictus non vocat justos sanctos donec tradantur in terram, id est usque ad diem mortis eorum. Et quare ? Quia [figmentum malum innovatur] homini in saeculo isto ; et non est securus de ipso usque ad diem mortis ipsius : sicque dicit Salomoh Ecclesiast. 7. v. 21. »

Psaume XV, 1-2 : « Dixi Domino Dominus meus es tu » . Tr. de Sacy : « J’ai dit au Seigneur : Vous êtes mon Dieu ». Le Pugio fidei traduit ensuite la Bible hébraïque, qui diffère de la Vulgate.