Fragment Soumission et usage de la raison n° 5 / 23  – Papier original : RO 401-3

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Soumission n° 228 p. 81 / C2 : p. 107

Éditions savantes : Faugère II, 274, XIV / Brunschvicg 696 / Tourneur p. 229-1 / Le Guern 160 / Lafuma 171 / Sellier 202

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Bibliographie

 

Actes des Apôtres, 17, 11.

LHERMET J, Pascal et la Bible, Paris, Vrin, 1931, p. 198.

PÉROUSE Marie, L’invention des Pensées de Pascal. Les éditions de Port-Royal (1670-1678), Paris, Champion, 2009, p. 131 sq.

 

Éclaircissements

 

Susceperunt verbum cum omni aviditate, scrutantes Scripturas si ita se haberent.

 

Lhermet J., Pascal et la Bible, Paris, Vrin, 1931, p. 198. Citation tronquée de la Vulgate, Pascal supprime quotidie. Mais la Vulgate n’impose pas diligenter, adopté par certains éditeurs.

Actes des Apôtres, 17, 11. Il s’agit des Juifs de Bérée (ou Béroé, ou Béroea, autrefois Émathie, sur l’Haliacmon), ville de Macédoine, où saint Paul prêcha (et non des Juifs de Thessalonique, comme l’indique par erreur l’édition Brunschvicg, t. XIV, p. 136). « Ils reçurent la parole avec la plus grande avidité, cherchant tous les jours dans l’Écriture s’il en était ainsi ». Le contexte donne des compléments intéressants : Paul se trouve à Thessalonique, où il prêche à la synagogue aux juifs de la ville ; mais quoique quelques-uns d’entre eux aient cru, « les Juifs [g. qui n’avaient pas voulu croire], étant poussés d’un faux zèle, prirent avec eux quelques méchants hommes de la lie du peuple, et ayant excité un tumulte, ils troublèrent toute la ville », et voulurent enlever Paul et Silas, et les mener devant le peuple » (Actes, XVII, 5). Paul et Silas s’en vont alors à Béroé : « or les Juifs de Béroé étaient de plus honnêtes gens que ceux de Thessalonique, et ils reçurent la parole avec beaucoup d’affection et d’ardeur, examinant tous les jours les Écritures, pour voir si ce qu’on leur disait était véritable » (tr. Sacy). La traduction du Nouveau Testament de Mons de 1667 est un peu différente, mais revient substantiellement au même : « Or ces Juifs de Beroée étaient d’un naturel plus noble et plus équitable que ceux de Thessalonique, et ils reçurent la parole avec une extrême avidité, examinant tous les jours les Écritures pour voir si ce qu’on leur disait était véritable ».

Pérouse Marie, L’invention des Pensées de Pascal. Les éditions de Port-Royal (1670-1678), p. 131 sq., remarque le caractère révélateur de cet extrait des Actes des apôtres, qui décrit l’empressement mêlé de rigueur intellectuelle avec lequel les Juifs de Bérée accueillirent la parole de Paul et Silas, zèle lucide qui symbolise bien ce que doit être la soumission et l’usage de la raison. C’est bien l’attitude de soumission, à laquelle s’ajoute l’usage de la raison dans l’examen de la conformité de ce qui est dit avec ce qui est réel. La soumission n’exclut donc pas l’usage critique de la raison, pour ce qui touche les marques d’authenticité des documents.

L’importance de ce fragment tient au fait qu’il ajoute une importante nuance à ce qui a été formulé dans le fragment précédent, Soumission 4 (Laf. 170, Sel. 201) : il montre que, dans l’examen des textes, soumission et usage de la raison ne sont pas radicalement disjoints, mais qu’une saine méthode exige qu’on les associe étroitement : les Juifs de Bérée reçoivent les Écritures avec le respect nécessaire pour ce qu’elles révèlent, mais ils exercent leur esprit critique dans la vérification des faits révélés.

Peut-être faut-il voir dans cette citation, qui montre comment des hommes de bonne volonté sont capables d’user dans la lecture d’un texte à la fois de respect et d’esprit critique, une référence discrète à la manière dont on devrait procéder dans la recherche des cinq propositions dans l’Augustinus de Jansénius.