Fragment Vanité n° 16 / 38 Papier original : RO 244-2

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Vanité n° 33 et 34 p. 7 / C2 : p. 20

Éditions de Port-Royal : Chap. XXV-Faiblesse de l’homme : 1669 et janv. 1670 p. 197-198 / 1678 n° 15 p. 193-194.

Éditions savantes : Faugère II, 88, XXI / Havet III.12 / Brunschvicg 436 / Tourneur p. 171-1 / Le Guern 26 / Maeda I p. 133 / Lafuma 28 / Sellier 62

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Transcription diplomatique

 

 

                              foiblesse

Toutes les occupatio s des hommes Sont a  auoir d ubien

                                                              

Etj Jls ne Sauroy ent  auoir  detiltre   prleMonstrer  quJlsle

  possedent  par Justice    Sin carJls   n’ont quela

   fantaisie  des  hommes * .    ni force pr le posseder Seurement

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   Jl en est demesme  delaScience    Car  lamaladie   l’oste

    E donc ns n’auons   ni  le vray      ONs Sommes Jncapables  Et

    deVray  E debien .

 

 

* Hommes ou humains ?

 

 

humains ?  dans 244-2

hommes :

dans 244-2

dans 23-2

dans 152-2

dans 221-4

dans 161-1

 

Z. Tourneur propose « humains ». Les points visibles au-dessus (mais aussi au-dessous) du mot sont en fait des taches. Le mot humain substantivé n’existe pratiquement pas en langue classique ; même en langue moderne, ce serait un emploi familier, voire irrégulier, issu du vocabulaire science-fictionnel. On ne trouve le mot humain comme substantif ni dans les Pensées, ni dans l’ensemble de l’œuvre de Pascal, et on n’en connaît guère d’exemple dans la langue classique, sauf dans des textes de style burlesque où les hommes sont opposés aux animaux, voire aux plantes : c’est le cas dans Les états et empires de la Lune de Cyrano de Bergerac, qui relèvent du burlesque (éd. M. Alcover, Paris, Champion, 2004, p. 21) : « Ajoutez à cela l’orgueil insupportable des humains, qui leur persuade que la nature n’a été faite que pour eux ; comme s’il était vraisemblable que le soleil, un grand corps quatre cent trente fois plus vaste que la terre, n’eût été allumé que pour mûrir ses nèfles et pommer ses choux. » Lorsque La Fontaine use en style poétique de cette tournure dans la fable, IV, 12, Tribut envoyé par les animaux à Alexandre, c’est précisément dans ce contexte :

« Tout peuple à ses pieds s’allât rendre,

Quadrupèdes, Humains, Eléphants, Vermisseaux,

Les Républiques des Oiseaux » (sous-entendre êtres ou mieux, animaux).

Ou dans VII, 4, Le Héron, la Fille  :

« Surtout quand vous avez à peu près votre compte.

Bien des gens y sont pris ; ce n’est pas aux Hérons

Que je parle ; écoutez, humains, un autre conte ».

Lorsque le mot humain est employé seul, par exemple en langage poétique, c’est comme adjectif substantivé, pour lequel le substantif sous-entendu est facile à rétablir, comme dans ces vers de Polyeucte :

« Sans doute vos chrétiens, qu’on persécute en vain,

Ont quelque chose en eux qui surpasse l’humain » (entendre la mesure humaine).

De même, dans le vers de Héraclius, « Quand on ouvrit Byzance au pire des humains », le mot êtres doit être implicitement rétabli. Dans les deux cas, il s’agit de style poétique figuré. De même chez La Fontaine, VII, 2 Le Mal Marié :

« Cependant des humains presque les quatre parts

S’exposent hardiment au plus grand des hasards ;

Les quatre parts aussi des humains se repentent. »

Le mot humain sous-entend le mot genre ou être, et tient lieu de déterminant à quatre parts. Dans tous ces cas, ces expressions marquent que l’on se rapporte à ce qui fait l’essence de l’homme. Dans la langue philosophique, la tournure les humains n’existe pas : on ne la trouve ni chez Descartes (Discours de la méthode),  ni chez La Bruyère (Caractères), ni chez La Rochefoucauld (Maximes), ni dans Bossuet (Sermons, Discours sur l’histoire universelle), etc. Le plus souvent, humain détermine le mot genre.

Dans le fragment de Pascal, il n’est pas question du genre humain, mais simplement des hommes pris collectivement. La tournure hommes est la seule qui convienne dans ce contexte. La lecture humains ne peut être retenue qu’à titre de supposition.