Fragment Vanité n° 19 / 38 - Papier original : RO 83-7

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Vanité n° 37 p. 81 / C2 : p. 21

Éditions de Port-Royal : Chap. XXIV - Vanité de l’homme : 1669 et janv. 1670 p. 186 / 1678 n° 10 p. 182

Éditions savantes : Faugère I, 208, XCV / Havet II.7 / Brunschvicg 149 / Tourneur p. 171-4 / Le Guern 29 / Maeda I p. 150 / Lafuma 31 / Sellier 65

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Bibliographie

 

 

MESNARD Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., Paris, SEDES, 1993, p. 204.

 

 

Éclaircissements

 

 

Aspect autobiographique

 

Pascal de passage à Rouen, s’y fait assez connaître et estimer par ses expériences sur le vide. il a eu l'expérience d'une certaine notoriété locale.

 

Les villes par où on passe, on ne se soucie pas d’y être estimé. Mais quand on y doit demeurer un peu de temps, on s’en soucie.

 

Tour oral, avec une rupture de construction fréquente chez Pascal. Voir le fragment sur le nez de Cléopâtre, Dossier de travail (Laf. 413, Sel. 32).

Le fragment souligne qu’il y a des cas où l’on ne se soucie pas d’être estimé (c’est-à-dire lorsque le séjour en ville est trop court), ce qui est de soi paradoxal lorsqu’on pense en augustinien. Mais il arrive que l’on s’en soucie. Le fragment s’inscrit dans la thématique on ne se tient jamais au temps présent.

 

Contrariétés 2 (Laf. 120, Sel. 152). Nous sommes si présomptueux que nous voudrions être connus de toute la terre et même des gens qui viendront quand nous ne serons plus. Et nous sommes si vains que l'estime de 5 ou 6 personnes qui nous environnent nous amuse et nous contente.

Laf. 531, Sel. 456. Ces choses qui nous tiennent le plus, comme de cacher son peu de bien, ce n’est souvent presque rien. C’est un néant que notre imagination grossit en montagne : un autre tour d’imagination nous le fait découvrir sans peine.

Preuves par les Juifs VI (Laf. 470, Sel. 707). La plus grande bassesse de l’homme est la recherche de la gloire, mais c’est cela même qui est la plus grande marque de son excellence ; car, quelque possession qu’il ait sur la terre, quelque santé et commodité essentielle qu’il ait, il n’est pas satisfait, s’il n’est dans l’estime des hommes. Il estime si grande la raison de l’homme, que, quelque avantage qu’il ait sur la terre, s’il n’est placé avantageusement aussi dans la raison de l’homme, il n’est pas content. C’est la plus belle place du monde, rien ne le peut détourner de ce désir, et c’est la qualité la plus ineffaçable du cœur de l’homme.

Et ceux qui méprisent le plus les hommes, et les égalent aux bêtes, encore veulent‑ils en être admirés et crus, et se contredisent à eux‑mêmes par leur propre sentiment ; leur nature, qui est plus forte que tout, les convainquant de la grandeur de l’homme plus fortement que la raison ne les convainc de leur bassesse.

Amour propre (Laf. 978, Sel. 743). Il veut être l’objet de l’amour et de l’estime des hommes, et il voit que ses défauts ne méritent que leur aversion et leur mépris.

 

Combien de temps faut‑il ?

 

Combien de temps faut-il pour quoi faire ? S’agit-il du temps qu’il faut pour que le souci de l’estime naisse ? ou du temps que l’on estime devoir rester en ville pour qu’il importe d’y être estimé ? Il faut sans doute entendre : combien de temps faut-il prévoir qu’on va rester pour commencer à se soucier d’être estimé ?

Thème : il s'agit d'assigner une grandeur inassignable, trouver un nombre introuvable; voir Vanité 25 (Laf. 38, Sel. 72) (quelle quantité de vin boire pour en boire une juste mesure ?) et Vanité 28 (Laf. 41, Sel. 75) (à quelle vitesse faut-il lire pour bien lire ?). De même ici, on ne sait pas combien de temps il faut demeurer en ville ; tout au plus sait-on que c'est une durée proportionnée à « notre durée vaine et chétive ».

 

Un temps proportionné à notre durée vaine et chétive.

 

Chétif : l'étymologie remonte au latin captivus, au sens de vil, méprisable.

Voir Preuves par discours II (Laf. 430, Sel. 683). Chétif ver que vous êtes.

Voir la Pensée n° 25 Bb (Laf. 946, Sel. 768). Chétif et abject (à propos du Christ incarné).