Fragment Vanité n° 24 / 38 – Papier original : RO 21-5

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Vanité n° 44 p. 91 / C2 : p. 23

Éditions de Port-Royal : Chap. XXIV - Vanité de l’homme : 1669 et janv. 1670 p. 184 / 1678 n° 2 p. 180

Éditions savantes : Faugère I, 209, XCVII / Havet II.1 bis / Brunschvicg 158 / Tourneur p. 172-2 / Le Guern 34 / Maeda I p. 175 / Lafuma 37 / Sellier 71

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Bibliographie

 

 

Voir la bibliographie générale de Vanité.

 

 

Éclaircissements

 

Métiers.

La douceur de la gloire est si grande qu’à quelque objet qu’on l’attache,

 

Le métier et la gloire

 

La recherche de la gloire est selon Pascal l’un des caractères les plus constants de la nature de l’homme.

Preuves par les Juifs VI (Laf. 470, Sel. 707). La plus grande bassesse de l’homme est la recherche de la gloire, mais c’est cela même qui est la plus grande marque de son excellence ; car, quelque possession qu’il ait sur la terre, quelque santé et commodité essentielle qu’il ait, il n’est pas satisfait, s’il n’est dans l’estime des hommes. Il estime si grande la raison de l’homme que, quelque avantage qu’il ait sur la terre, s’il n’est placé avantageusement aussi dans la raison de l’homme, il n’est pas content. C’est la plus belle place du monde, rien ne le peut détourner de ce désir, et c’est la qualité la plus ineffaçable du cœur de l’homme.

Et ceux qui méprisent le plus les hommes, et les égalent aux bêtes, encore veulent-ils en être admirés et crus, et se contredisent à eux-mêmes par leur propre sentiment ; leur nature, qui est plus forte que tout, les convainquant de la grandeur de l’homme plus fortement que la raison ne les convainc de leur bassesse.

Ce qui est curieux, c’est que la phrase ne répond pas directement au titre. Quel rapport existe-t-il entre le métier et le fait que l’on peut attacher de la gloire à n’importe quel objet, y compris à la mort ?

Laf. 634, Sel. 527. La chose la plus importante à toute la vie est le choix du métier, le hasard en dispose.

La coutume fait les maçons, soldats, couvreurs. C’est un excellent couvreur, dit-on, et en parlant des soldats : ils sont bien fous, dit-on, et les autres au contraire : il n’y a rien de grand que la guerre, le reste des hommes sont des coquins. À force d’ouïr louer en l’enfance ces métiers et mépriser tous les autres on choisit. Car naturellement on aime la vertu et on hait la folie ; ces mots mêmes décideront ; on ne pèche qu’en l’application.

Tant est grande la force de la coutume que de ceux que la nature n’a fait qu’hommes on fait toutes les conditions des hommes.

Car des pays sont tout de maçons, d’autres tout de soldats, etc. Sans doute que la nature n’est pas si uniforme ; c’est la coutume qui fait donc cela, car elle contraint la nature, et quelquefois la nature la surmonte et retient l’homme dans son instinct malgré toute coutume bonne ou mauvaise.

Cela peut s’expliquer par le fragment Vanité 17 (Laf. 29, Sel. 63), qui insiste bien sur le fait que certains hommes ou certains peuples ne peuvent pas vivre sans proximité avec la mort : Ferox gens nullam esse vitam sine armis rati. Ils aiment mieux la mort que la paix, les autres aiment mieux la mort que la guerre. Toute opinion peut être préférable à la vie, dont l’amour paraît si fort et si naturel.

Laf. 628, Sel. 521 : Du désir d’être estimé de ceux avec qui on est. [] L’orgueil nous tient d’une possession si naturelle au milieu de nos misères, erreur, etc. Nous perdons encore la vie avec joie pourvu qu’on en parle.

Laf. 627, Sel. 520. La vanité est si ancrée dans le cœur de l’homme qu’un soldat, un goujat, un cuisinier, un crocheteur se vante et veut avoir ses admirateurs et les philosophes mêmes en veulent, et ceux qui écrivent contre veulent avoir la gloire d’avoir bien écrit, et ceux qui les lisent veulent avoir la grâce de les avoir lus, et moi qui écris ceci ai peut-être cette envie, et peut-être que ceux qui le liront...

Misère 12 (Laf. 63, Sel. 97). La gloire.

L’admiration gâte tout dès l’enfance. Ô que cela est bien dit ! ô qu’il a bien fait, qu’il est sage, etc.

Les enfants de P. R. auxquels on ne donne point cet aiguillon d’envie et de gloire tombent dans la nonchalance.

 

D’autre part, le sens n’est pas immédiatement clair. Pascal entend-il que l’on aime la gloire, ou l’objet, auquel on attache la gloire ?

 

 même à la mort, on l’aime.

 

Laf. 634, Sel. 527. La chose la plus importante à toute la vie est le choix du métier, le hasard en dispose.

Vanité 17 (Laf. 29, Sel. 63). Ferox gens nullam esse vitam sine armis rati.

Ils aiment mieux la mort que la paix, les autres aiment mieux la mort que la guerre.

Toute opinion peut être préférable à la vie, dont l’amour paraît si fort et si naturel.

Laf. 634, Sel. 527. La coutume fait les maçons, soldats, couvreurs. C’est un excellent couvreur, dit-on, et en parlant des soldats : ils sont bien fous, dit-on, et les autres au contraire : il n’y a rien de grand que la guerre, le reste des hommes sont des coquins. À force d’ouïr louer en l’enfance ces métiers et mépriser tous les autres on choisit. Car naturellement on aime la vertu et on hait la folie ; ces mots mêmes décideront ; on ne pèche qu’en l’application.

Le Guern renvoie à Charron, Sagesse, Livre III, ch. 29 de l’éd. 1635.

Le rapport entre le choix du métier et l’acceptation de la mort est mentionné dans le fragment Laf. 628, Sel. 521 : Du désir d’être estimé de ceux avec qui on est. [] L’orgueil nous tient d’une possession si naturelle au milieu de nos misères, erreur, etc. Nous perdons encore la vie avec joie pourvu qu’on en parle.