Règle de la créance  – Fragment n° 4 / 8 – Papier original : RO 214-3

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 81 p. 313 v°  / C2 : p. 405 v°-407

Éditions savantes : Faugère II, 402 / Havet XXV.201 / Brunschvicg 363 / Tourneur p. 61-2 / Le Guern 460 / Lafuma 507 (série XX) / Sellier 675

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Bibliographie

 

 

CROQUETTE Bernard, Pascal et Montaigne. Étude des réminiscences des Essais dans l’œuvre de Pascal, Genève, Droz, 1974, p. 49.

 

 

Éclaircissements

 

588. Ex senatusconsultis et plebiscitis scelera exercentur. Sén.

 

Croquette Bernard, Pascal et Montaigne. Étude des réminiscences des Essais dans l’œuvre de Pascal, p. 49.

Sénèque, Lettres à Lucilius, XCV, 30 : « C’est en vertu des senatus-consultes et des plébiscites qu’on commet des crimes ». Voir l’éd. de Sénèque par P. Veyne, coll. Bouquins, Robert Laffont, p. 957. Ce texte est cité par Montaigne, Essais, III, 1, De l’utilité et de l’honnêteté, éd. de 1652, p. 588, éd. Balsamo, Pléiade, p. 836. En marge de l’édition de 1652 : « Les méchancetés s’exercent par les arrêts et par les ordonnances du peuple. Sen. Epist. 95. » Le texte original, dans Montaigne est « Ex senatusconsultis plebisque scitis scelera exercentur », voir Essais, III, 1, éd. de 1652, p. 588, éd. Balsamo, Pléiade, p. 836. Pascal a corrigé la graphie plebisque scitis en et plebiscitis, qui paraît d’un latin plus correct. Noter que scelera est le texte donné par les éditions des Lettres à Lucilius du XVIe siècle, alors que les éditions modernes des Lettres à Lucilius, XCV, 30, donnent saeva.  

Le passage apparaît à plusieurs endroits des Pensées. L’apparition la plus ancienne doit être Laf. 962, Sel. 796. Ex senatus consultis et plebiscitis. Demander des passages pareils. La citation est incomplète. L’ensemble du texte comprenant cet extrait appartient aux notes pour les Provinciales. Il s’agit précisément de la préparation de la XVe Provinciale. Sur le manuscrit, cette citation se trouve entourée d’une ligne circulaire, à droite d’un texte qui porte sur des accusations d’hérésie lancées contre Pascal, au nom des décisions prises par Rome contre les cinq propositions de Jansénius : Je ne suis point hérétique. Je n’ai point soutenu les cinq propositions. Vous le dites et ne le prouvez pas. Je dis que vous avez dit cela et je le prouve. À gauche on lit aussi Vous me menacez. Ces formules sont directement liées au commencement de la XVIIe Provinciale.

 

Extrait du RO 397-1 (Laf. 962, Sel. 796)

 

Pascal a visiblement été frappé par cette citation, car elle revient à plusieurs reprises dans les Pensées. Peut-être que c’est en prenant des notes en vue des Provinciales que la phrase de Sénèque a retenu son attention. Dans ce cas, cette citation peut être associée aux controverses qui ont entouré la signature : la persécution des religieuses de Port-Royal et des ecclésiastiques qui refusaient de signer peut compter parmi ces crimes ou ces actions cruelles (saeva) commises par des ordres des autorités officielles.

Ce serait vers cette même époque que Pascal aurait cherché des passages pareils. Ces passages pareils compteraient parmi les fragments voisins.

La citation est enfin reprise dans Misère 9 (Laf. 60, Sel. 94), sous la forme Ex senatus-consultis et plebiscitis crimina exercentur, qui substitue crimina à scelera. Crimina, en principe, signifie chef d’accusation. Mais il faut bien remarquer que ce sens est le plus proche des préoccupations de Pascal au moment où il a commencé à chercher des « passages pareils » : la XVe Provinciale porte sur la calomnie, c’est-à-dire sur des chefs d’accusation, plutôt que sur des crimes à proprement parler. On serait donc là en présence d’une persistance des préoccupations du temps des Provinciales au sein même du texte des Pensées. D’autre part, crimina doit bien être entendu dans Misère 9, au sens de grief, de chef d’accusation, et non au sens de crime.

 

Nihil tam absurde dici potest quod non dicatur ab aliquo philosophorum. Divin.

 

Croquette Bernard, Pascal et Montaigne. Étude des réminiscences des Essais dans l’œuvre de Pascal, p. 49. 

Nihil tam absurde dici potest quod non dicatur ab aliquo philosophorum divin : Cicéron, De Divinatione, 2, 58 : « On ne peut rien dire de si absurde qui n’ait été dit par quelque philosophe ».

Cette citation se trouve dans les Essais, II, 12 à la p. 399 des Essais de 1652 : « L’humaine fantaisie ne peut rien concevoir en bien et en mal qui n’y soit : Nihil tam absurde dici potest, quod non dicatur ab aliquo philosophorum. » En marge de l’édition de 1652 : « Il n’est rien tant absurde, qui ne se die par quelqu’un des philosophes. Divin. 2. » La source de Pascal indiquait donc la bonne référence. Seule une erreur malencontreuse peut expliquer que Pascal ait d’abord inscrit le nom de Sénèque. Il l’a rectifiée, comme en témoigne l’inscription divin écrite dans l’interligne supérieur, qui désigne le titre de Cicéron.

Le thème des inventions déraisonnables de certains philosophes est abordé dans des fragments comme Philosophes 6 (Laf. 144, Sel. 177). Ce que les stoïques proposent est si difficile et si vain. Les stoïques posent : tous ceux qui ne sont point au haut degré de sagesse sont également fous, et vicieux, comme ceux qui sont à deux doigts dans l’eau.

Voir la liasse Philosophes.

 

Quibusdam destinatis sententiis consecrati, quae non probant coguntur defendere. Cic.

 

Croquette Bernard, Pascal et Montaigne. Étude des réminiscences des Essais dans l’œuvre de Pascal, p. 49. 

Quibusdam destinatis sententiis consecrati quae non probant coguntur defendere : Cicéron, Tusculanes, 2, 2 : « Qui sont voués à certaines opinions fixes et déterminées, au point d’être réduits à défendre les choses mêmes qu’ils désapprouvent. » Cicéron se félicite d’avoir composé ses Académiques, et souhaite que des débats accompagnent la naissance de la philosophie à Rome. Il vante l’avantage que les académiciens ont par rapport à ceux qui « ont épousé des dogmes dont ils ne peuvent se départir, et qui, par l’enchaînement de leurs principes, sont dans la nécessité d’admettre des conséquences que sans cela ils rejetteraient. Mais nous, académiciens, qui nous en tenons aux probabilités, et qui, le vraisemblable étant trouvé, ne pouvons étendre nos vues au-delà, nous somme disposés et à réfuter les autres sans opiniâtretés, et à souffrir sans émotion que les autres nous réfutent ». 

Cité par Montaigne, Essais, II, 12, éd. de 1652, p. 409, éd. Balsamo, Pléiade, p. 592, pour railler le conformisme intellectuel. « La liberté donc et gaillardise de ces esprits anciens, produisait en la philosophie et sciences humaines, plusieurs sectes d’opinions différentes, chacun entreprenant de juger et de choisir pour prendre parti. Mais à présent, que les hommes vont tous un train : qui certis quibusdam destinatisque sententiis addicti et consecrati sunt, ut etiam, quæ non probant, cogantur defendere : et que nous recevons les arts par civile autorité et ordonnance, si bien que les écoles n’ont qu’un patron, et pareille institution et discipline circonscrite ; on ne regarde plus ce que les monnaies pèsent et valent, mais chacun à son tour, les reçoit selon le prix que l’approbation commune et le cours leur donne : on ne plaide pas de l’aloi, mais de l’usage : ainsi se mettent également toutes choses. »

En marge de l’édition de 1652 : « Lesquels sont destinés et voués à certaines croyances : en sorte qu’ils sont contraints de maintenir ce qu’ils n’approuvent pas. Cic. »

Un tel contexte permet de rapprocher l’extrait retenu par Pascal du fragment qui vante l’avantage des sceptiques et pyrrhoniens sur les autres philosophes :

Contrariétés 14 (Laf. 131, Sel. 164). Je m’arrête à l’unique fort des dogmatistes, qui est qu’en parlant de bonne foi et sincèrement on ne peut douter des principes naturels. Contre quoi les pyrrhoniens opposent, en un mot, l’incertitude de notre origine, qui enferme celle de notre nature. À quoi les dogmatistes sont encore à répondre depuis que le monde dure. Voilà la guerre ouverte entre les hommes, où il faut que chacun prenne parti, et se range nécessairement ou au dogmatisme ou au pyrrhonisme, car qui pensera demeurer neutre sera pyrrhonien par excellence. Cette neutralité est l’essence de la cabale. Qui n’est pas contre eux est excellemment pour eux. Ils ne sont pas pour euxmêmes, ils sont neutres, indifférents, suspendus à tout sans s’excepter.

L’idée que les philosophes sont amenés à soutenir des idées qu’ils désapprouvent pourrait être rapprochée du fragment Contrariétés 5 (Laf. 122, Sel. 155). A P. R. Grandeur et misère. La misère se concluant de la grandeur et la grandeur de la misère, les uns ont conclu la misère d’autant plus qu’ils en ont pris pour preuve la grandeur, et les autres concluant la grandeur avec d’autant plus de force qu’ils l’ont conclue de la misère même. Tout ce que les uns ont pu dire pour montrer la grandeur n’a servi que d’un argument aux autres pour conclure la misère, puisque c’est être d’autant plus misérable qu’on est tombé de plus haut, et les autres au contraire. Ils se sont portés les uns sur les autres, par un cercle sans fin, étant certain qu’à mesure que les hommes ont de lumière ils trouvent et grandeur et misère en l’homme. En un mot l’homme connaît qu’il est misérable. Il est donc misérable puisqu’il l’est, mais il est bien grand puisqu’il le connaît.

 

Ut omnium rerum sic litterarum quoque intemperantia laboramus. Sén.

 

Croquette Bernard, Pascal et Montaigne. Étude des réminiscences des Essais dans l’œuvre de Pascal, p. 49. 

Ut omnium rerum sic litterarum quoque intemperantia laboramus : « Nous n’avons pas moins à souffrir d’immodération dans l’étude des lettres que dans tout le reste ». Sénèque, Lettres à Lucilius, CVI ; voir l’édition de Sénèque de P. Veyne, coll. Bouquins, p. 1008.

Montaigne, Essais, III, 12, De la physionomie, éd. de 1652, p. 772, éd. Balsamo, Pléiade, p. 1084. « En aucune chose l’homme ne sait s’arrêter au point de son besoin. De volupté, de richesse, de puissance, il en embrasse plus qu’il n’en peut étreindre. Son avidité est incapable de modération. Je trouve qu’en curiosité de savoir, il en est de même : il se taille de la besogne bien plus qu’il n’en peut faire, et bien plus qu’il n’en a affaire. Étendant l’utilité du savoir, autant qu’est sa matière. Ut omnium rerum, sic literarum quoque intemperantia laboramus. »

En marge de l’édition de 1652 : « Nous sommes malades de l’intempérance des sciences, comme de celles de toutes autres choses. Sen. Ep. 106. ».

Le contexte porte sur le manque de modération, non seulement comme excès, mais surtout comme forme de tyrannie, puisqu’il ne devrait pas avoir lieu d’être dans les lettres. Du point de vue de Pascal, la formule de Sénèque peut être interprétée comme une critique de la libido sciendi.

 

588. Id maxime quemque decet, quod est cujusque suum maxime.

 

Croquette Bernard, Pascal et Montaigne. Étude des réminiscences des Essais dans l’œuvre de Pascal, p. 50. 

Cicéron, De officiis, XXXI, 113. « Ce qui nous sied le mieux est ce qui nous est le plus propre ».

Extrait de Montaigne, Essais, III, 1, De l’utilité et de l’honnêteté, éd. de 1652, p. 588, éd. Balsamo, Pléiade, p. 835. « La voie de la vérité est une et simple, celle du profit particulier, et de la commodité des affaires, qu’on a en charge, double, inégale, et fortuite. J’ai vu souvent en usage, ces libertés contrefaites et artificielles, mais le plus souvent, sans succès. Elles sentent volontiers leur âne d’Ésope : lequel par émulation du chien, vint à se jeter tout gaiement, à deux pieds, sur les épaules de son maître : mais autant que le chien recevait de caresses, de pareille fête, le pauvre âne en reçut deux fois autant de bastonnades. Id maxime quemque decet, quod est cujusque suum maxime. »

Sur la référence 588 qui ne figure pas sur le manuscrit, mais se trouve sur les Copies, voir l’étude sur ce point dans la description des Copies. C’est un cas original où la leçon de la Copie prime sur celle du manuscrit.

En marge de l’édition de 1652 : « Cela sied spécialement à chacun, qui est selon son humeur et son talent, Cic. Offic. L. 1. »

Le manuscrit comporte donc une erreur d’attribution, puisque Pascal renvoie à Sénèque, alors que les Essais le renvoient à Cicéron. Mais contrairement à la précédente, cette erreur n’est pas rectifiée. Peut-être est-ce l’effet d’attraction de la citation précédente. Il est vrai que Sénèque aurait pu s’exprimer à peu près en mêmes termes.

On retrouve une idée analogue chez plusieurs classiques. Voir par exemple La Fontaine, Fables, IV, 5 L’Ane et le petit Chien :

« Ne forçons point notre talent,

Nous ne ferions rien avec grâce :

Jamais un lourdaud, quoi qu’il fasse,

Ne saurait passer pour galant. »

 

Hos natura modos primum dedit. Géorg.

 

Croquette Bernard, Pascal et Montaigne. Étude des réminiscences des Essais dans l’œuvre de Pascal, p. 50. 

Hos natura modos primum dedit georg : « Voilà les premières lois que donna la nature » : Virgile, Géorgiques, II, 20.

Tiré de Montaigne, Essais, I, XXXI, Des cannibales, éd. de 1652, p. 136, éd. Balsamo, Pléiade, I, XXX, p. 213 : « C’est une nation, dirai-je à Platon, en laquelle il n’y a aucune espèce de trafic ; nulle connaissance de lettres ; nulle science de nombres ; nul nom de magistrat, ni de supériorité politique ; nul usage de service, de richesse, ou de pauvreté ; nuls contrats ; nulles successions ; nuls partages ; nulles occupations, qu’oisives ; nul respect de parenté, que commun ; nuls vêtements ; nulle agriculture ; nul métal ; nul usage de vin ou de blé. Les paroles mêmes, qui signifient le mensonge, la trahison, la dissimulation, l’avarice, l’envie, la détraction, le pardon, inouïes. Combien trouverait-il la république qu’il a imaginée, éloignée de cette perfection ? Hos natura modos primum dedit. » En marge de l’édition de 1652 : « Ce sont les primes lois de la mère Nature. Georg. 2 ».

Il est difficile de savoir à quelle fin Pascal a enregistré cette citation. L’idée de loi naturelle est discutée dans le fragment Misère 9 (Laf. 60, Sel. 94) : Ils confessent que la justice n’est pas dans ces coutumes, mais qu’elle réside dans les lois naturelles communes en tout pays. Certainement ils le soutiendraient opiniâtrement si la témérité du hasard qui a semé les lois humaines en avait rencontré au moins une qui fût universelle. Mais la plaisanterie est telle que le caprice des hommes s’est si bien diversifié qu’il n’y en a point. Puis plus bas : Il y a sans doute des lois naturelles, mais cette belle raison corrompue a tout corrompu. Nihil amplius nostrum est, quod nostrum dicimus artis est. Ex senatus-consultis et plebiscitis crimina exercentur. Ut olim vitiis sic nunc legibus laboramus. Il n’y a pas de contradiction, Pascal ne soutenant pas qu’il n’y a pas de lois naturelles, mais seulement qu’elles ne sont pas discernables dans la confusion des lois inventées par la raison corrompue. Noter que dans ce contexte, la citation sur les crimes commis au nom des lois apparaît, sans commentaire.

Voir la bibliographie de Misère 9, sur le problème des lois naturelles.

 

Paucis opus est litteris ad bonam mentem.

 

Croquette Bernard, Pascal et Montaigne. Étude des réminiscences des Essais dans l’œuvre de Pascal, p. 50. 

« Paucis opus est litteris ad bonam mentem » : trad. : « Il ne faut guère de lettres à former une âme saine », Sénèque, Lettre à Lucilius, 106, 12 ; voir l’éd. de P. Veyne, p. 1008. La citation est voisine de l’extrait de Sénèque cité plus haut. Bona mens a plutôt le sens de sagesse, au sens philosophique, que d’âme saine.

Cité par Montaigne, Essais, III, 12, De la physionomie, éd. de 1652, p. 773, éd. Balsamo, p. 1085. « Toute cette notre suffisance, qui est au delà de la naturelle, est à peu près vaine et superflue : C’est beaucoup si elle ne nous charge et trouble plus qu’elle ne nous sert. Paucis opus est litteris ad mentem bonam. Ce sont des excès fiévreux de notre esprit : instrument brouillon et inquiet. Recueillez-vous, vous trouverez en vous, les arguments de la nature, contre la mort, vrais, et les plus propres à vous servir à la nécessité. »

Ce contexte permet d’associer cette citation avec un fragment de la liasse Philosophes qui mentionne aussi les états fiévreux ; Philosophes 8 (Laf. 146, Sel. 179) : « Stoïques. Ils concluent qu’on peut toujours ce qu’on peut quelquefois et que, puisque le désir de la gloire fait bien faire à ceux qu’il possède quelque chose, les autres le pourront bien aussi. Ce sont des mouvements fiévreux que la santé ne peut imiter. Épictète conclut de ce qu’il y a des chrétiens constants que chacun le peut bien être ». Pascal aurait retenu cette citation pour dire que les efforts surhumains exigés par la sagesse stoïcienne sont démesurés par rapport à ce qui serait vraiment nécessaire pour être sage.

 

Ego hoc

Si quando turpe non sit, tamen non est non turpe quum id a multitudine laudetur.

 

L’élément barré ego hoc s’interprète comme une partie de la citation suivante : Pascal a d’abord voulu noter la formule initiale Ego hoc judico, puis a préféré ne retenir que l’énoncé « si quando turpe non sit, tamen non esse non turpe, quum id a multitudine laudetur. »

Croquette Bernard, Pascal et Montaigne. Étude des réminiscences des Essais dans l’œuvre de Pascal, p. 50. 

Traduction : « une chose, même s’il se trouve qu’elle ne soit pas honteuse, ne laisse pas de l’être quand elle a l’approbation de la masse ».

Si quando turpe non sit tamen non est non turpe quum id a multitudine laudetur : Pascal note incomplètement la citation de Cicéron, De Finibus, II, 15, 49, qu’il a trouvée chez Montaigne, Essais, II, 16, De la gloire, éd. de 1652, p. 460, éd. Balsamo, Pléiade, p. 662 : « Demetrius disait plaisamment de la voix du peuple, qu’il ne faisait non plus de recette, de celle qui lui sortait par en haut, que de celle qui lui sortait par en bas. Celui-là dit encore plus : Ego hoc judico, si quando turpe non sit, tamen non esse non turpe, quum id a multitudine laudetur. » La substitution de est à esse se comprend à partir du moment où Pascal supprime l’expression Ego hoc judico.

En marge de l’éd. de 1652 : « Je juge quant à moi, que si la chose n’est laide par elle-même, cela néanmoins n’est pas sans laideur, que le vulgaire la loue ; idem ». Idem renvoie à la référence « Fort. Senec. » de la citation précédente. En réalité, l’édition de 1652 est trompeuse dans ses références : la référence idem proposée pour la présente citation, qui est de Cicéron, renvoie à un passage du De fortuna de Sénèque, et qui est en réalité tiré des Lettres à Lucilius. Quant au Ibidem de la citation suivante, il conduit à prendre pour appartenant à Sénèque ou à Cicéron un passage de Quintilien.

 

Mihi sic usus est, tibi ut opus est facto, fac. Tér.

 

Croquette Bernard, Pascal et Montaigne. Étude des réminiscences des Essais dans l’œuvre de Pascal, p. 50. 

Térence, Héautontimoroumenos, I, 1, 80 : « Mihi sic usus est, tibi ut opus est facto fac ». Tr. : « Pour moi, c’est ainsi que j’en use ; vous, faites comme il vous faut faire. »

Cité par Montaigne, Essais, I, 28, De l’amitié, éd. de 1652, I, 27, p. 125, éd. Balsamo, I, 27, p. 199 : « Et en l’accointance domestique, que dressent avec moi ceux qui me servent, j’en fais de même : et m’enquiers peu d’un laquais, s’il est chaste, je cherche s’il est diligent : et ne crains pas tant un muletier joueur qu’imbécile : ni un cuisinier jureur, qu’ignorant. Je ne me mêle pas de dire ce qu’il faut faire au monde : d’autres assez s’en mêlent : mais ce que j’y fait, Mihi sic usus est : Tibi, ut opus est facto, face. »

En marge de l’édition de 1652 : « Pour moi je fais ainsi : mais toi fais à ta mode. Terent. Heaut. act. I ».