Règle de la créance  – Fragment n° 4 / 8 – Papier original : RO 214-3

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 81 p. 313 v°  / C2 : p. 405 v°-407

Éditions savantes : Faugère II, 402 / Havet XXV.201 / Brunschvicg 363 / Tourneur p. 61-2 / Le Guern 460 / Lafuma 507 (série XX) / Sellier 675

 

 

 

588. Ex senatusconsultis et plebiscitis scelera exercentur. Sén.

Nihil tam absurde dici potest quod non dicatur ab aliquo philosophorum. Divin.

Quibusdam destinatis sententiis consecrati, quae non probant coguntur defendere. Cic.

Ut omnium rerum sic litterarum quoque intemperantia laboramus. Sén.

 

588. Id maxime quemque decet, quod est cujusque suum maxime.

Hos natura modos primum dedit. Géorg.

Paucis opus est litteris ad bonam mentem.

 

 

Si quando turpe non sit, tamen non est non turpe quum id a multitudine laudetur.

Mihi sic usus est, tibi ut opus est facto, fac. Tér.

 

 

 

 

 

Ce fragment fait partie des excerpta tirés de Montaigne par Pascal (voir le fragment précédent). L’originalité de ces notes, consiste en ce qu’il utilise les Essais comme un réservoir d’excerpta d’auteurs autres que Montaigne. Parmi les citations en question, la plupart n’a pas été intégrée à des textes étoffés, mais certaines d’entre elles ont été utilisées dans d’autres fragments. Quoiqu’ils ne soient assortis d’aucun commentaire, ces extraits présentent donc l’intérêt de nous renseigner sur les techniques de composition de Pascal. Ceux-ci ont pour caractère particulier que leur hétérogénéité est plus visible que dans les autres papiers.

Ex senatusconsultis et plebiscitis scelera exercentur : « C’est en vertu des senatus-consultes et des plébiscites qu’on commet des crimes ». 

Nihil tam absurde dici potest quod non dicatur ab aliquo philosophorum : « On ne peut rien dire de si absurde qui n’ait été dit par quelque philosophe ».

Quibusdam destinatis sententiis consecrati quae non probant coguntur defendere : « Qui sont voués à certaines opinions fixes et déterminées, au point d’être réduits à défendre les choses mêmes qu’ils désapprouvent. »

Ut omnium rerum sic litterarum quoque intemperantia laboramus : « Nous n’avons pas moins à souffrir d’immodération dans l’étude des lettres que dans tout le reste ».

588. Id maxime quemque decet quod est cujusque suum maxime : « Ce qui nous sied le mieux est ce qui nous est le plus propre ».

Hos natura modos primum dedit : « Voilà les premières lois que donna la nature ». 

Paucis opus est litteris ad bonam mentem : « Il ne faut guère de lettres pour atteindre la sagesse ».

Si quando turpe non sit non tamen non est non turpe quum id a multitudine laudetur : « Une chose, même s’il se trouve qu’elle ne soit pas honteuse, ne laisse pas de l’être quand elle a l’approbation de la multitude ».

Mihi sic usus, est tibi ut opus est facto fac : « Pour moi, c’est ainsi que j’en use ; vous, faites comme il vous faut faire. »

 

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Fragments connexes

 

Misère 9 (Laf. 60, Sel. 94). Ils confessent que la justice n’est pas dans ces coutumes, mais qu’elle réside dans les lois naturelles communes en tout pays. Certainement ils le soutiendraient opiniâtrement si la témérité du hasard qui a semé les lois humaines en avait rencontré au moins une qui fût universelle. Mais la plaisanterie est telle que le caprice des hommes s’est si bien diversifié qu’il n’y en a point.

[...] Il y a sans doute des lois naturelles, mais cette belle raison corrompue a tout corrompu. Nihil amplius nostrum est, quod nostrum dicimus artis est. Ex senatus-consultis et plebiscitis crimina exercentur. Ut olim vitiis sic nunc legibus laboramus.

Contrariétés 5 (Laf. 122, Sel. 155). A P. R. Grandeur et misère.

La misère se concluant de la grandeur et la grandeur de la misère, les uns ont conclu la misère d’autant plus qu’ils en ont pris pour preuve la grandeur, et les autres concluant la grandeur avec d’autant plus de force qu’ils l’ont conclue de la misère même. Tout ce que les uns ont pu dire pour montrer la grandeur n’a servi que d’un argument aux autres pour conclure la misère, puisque c’est être d’autant plus misérable qu’on est tombé de plus haut, et les autres au contraire. Ils se sont portés les uns sur les autres, par un cercle sans fin, étant certain qu’à mesure que les hommes ont de lumière ils trouvent et grandeur et misère en l’homme.

En un mot l’homme connaît qu’il est misérable. Il est donc misérable puisqu’il l’est, mais il est bien grand puisqu’il le connaît.

Contrariétés 14 (Laf. 131, Sel. 164). Je m’arrête à l’unique fort des dogmatistes, qui est qu’en parlant de bonne foi et sincèrement on ne peut douter des principes naturels.

Contre quoi les pyrrhoniens opposent, en un mot, l’incertitude de notre origine, qui enferme celle de notre nature. À quoi les dogmatistes sont encore à répondre depuis que le monde dure.

Voilà la guerre ouverte entre les hommes, où il faut que chacun prenne parti, et se range nécessairement ou au dogmatisme ou au pyrrhonisme, car qui pensera demeurer neutre sera pyrrhonien par excellence. Cette neutralité est l’essence de la cabale. Qui n’est pas contre eux est excellemment pour eux. Ils ne sont pas pour euxmêmes, ils sont neutres, indifférents, suspendus à tout sans s’excepter.

Philosophes 6 (Laf. 144, Sel. 177). Ce que les stoïques proposent est si difficile et si vain.

Les stoïques posent : tous ceux qui ne sont point au haut degré de sagesse sont également fous, et vicieux, comme ceux qui sont à deux doigts dans l’eau.

 

Laf. 962, Sel. 796. Ex senatus consultis et plebiscitis. Demander des passages pareils.

 

Mots-clés : Absurde – Cicéron – Crime – NaturePeuplePhilosopheSagesseSénèqueTérenceVirgile.