Règle de la créance  – Fragment n° 7 / 8 – Papier original : RO 295-5

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 81 p. 313 v°  / C2 : p. 407

Éditions savantes : Faugère II, 404 / Brunschvicg 364 / Tourneur p. 61-2 / Le Guern 463 / Lafuma 508 (série XX) / Sellier 678

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Bibliographie

 

 

CROQUETTE Bernard, Pascal et Montaigne. Étude des réminiscences des Essais dans l’œuvre de Pascal, Genève, Droz, 1974, p. 50.

FERREYROLLES Gérard, Les reines du monde. L’imagination et la coutume chez Pascal, Paris, Champion, 1995.

 

 

Éclaircissements

 

Nihil turpius quam cognitioni assertionem praecurrere. Cic.

 

Croquette Bernard, Pascal et Montaigne. Étude des réminiscences des Essais dans l’œuvre de Pascal, p. 50.

Nihil turpius quam cognitioni assertionem praecurrere : voir Cicéron, Seconds Académiques, I, 12 : « neque hoc quidquam esse turpius, quam cognitioni et perceptioni assensionem approbationemque praecurrere ». Tr. : « Rien n’est plus honteux que de faire marcher l’assertion et l’approbation avant la perception et la connaissance ».

Cité par Montaigne, Essais, III, 13, De l’expérience, éd. de 1652, p. 801, éd. Balsamo, Pléiade, p. 1122 : « À ma faiblesse si souvent reconnue, je dois l’inclination que j’ai à la modestie : à l’obéissance des créances qui me sont prescrites : à une constante froideur et modération d’opinions : et la haine de cette arrogance importune et querelleuse, se croyant et fiant toute à soi, ennemie capitale de discipline et de vérité. Oyez-les régenter. Les premières sottises qu’ils mettent en avant, c’est au style qu’on établit les religions et les lois. Nihil est turpius quam cognitioni et perceptioni, assertionem approbationemque præcurrere ». En marge de l’édition de 1652 : « Il n’est rien plus vilain, que de faire passer l’approbation et l’assertion, devant la perception et la connaissance. Acad. l. I. »

Pascal a allégé l’original, pour le réduire à l’opposition principale entre cognitio et assertio.

Cette citation correspondrait assez bien au sens général de la lettre que Pascal a adressée au Père Étienne Noël sur le vide, OC II, éd. J. Mesnard, p. 518-527.

Dans le contexte des Pensées, le rapport est moins évident. Mais il est possible de rattacher cette citation à l’idée de la prévention, qui consiste à affirmer sans avoir au préalable pris la peine de connaître ce dont il est question. Voir le fragment Transition 1 (Laf. 193, Sel. 226). La prévention induisant en erreur. C’est une chose déplorable de voir tous les hommes ne délibérer que des moyens et point de la fin. Chacun songe comment il s’acquittera de sa condition, mais pour le choix de la condition, et de la patrie le sort nous le donne. C’est une chose pitoyable de voir tant de Turcs, d’hérétiques, d’infidèles, suivre le train de leurs pères, par cette seule raison qu’ils ont été prévenus chacun que c’est le meilleur et c’est ce qui détermine chacun à chaque condition de serrurier, soldat, etc. C’est par là que les sauvages n’ont que faire de la Provence.

Vanité 22 (Laf. 35, Sel. 69). Talon de soulier. Ô que cela est bien tourné ! Que voilà un habile ouvrier ! Que ce soldat est hardi ! Voilà la source de nos inclinations et du choix des conditions. Que celui-là boit bien ! Que celui‑là boit peu ! Voilà ce qui fait les gens sobres et ivrognes, soldats, poltrons, etc.

Noter que cette maxime s’appliquerait aussi bien à la méthode géométrique qu’à la méthode d’autorité, telle que Pascal la conçoit.

Vanité 21 (Laf. 33, Sel. 67). Ce qui m’étonne le plus est de voir que tout le monde n’est pas étonné de sa faiblesse. On agit sérieusement et chacun suit sa condition, non pas parce qu’il est bon en effet de la suivre puisque la mode en est, mais comme si chacun savait certainement où est la raison et la justice. On se trouve déçu à toute heure, et par une plaisante humilité on croit que c’est sa faute et non pas celle de l’art qu’on se vante toujours d’avoir.

Méré, Discours, Des agréments, éd. Charles-H. Boudhors, Paris, éditions Fernand Roches, 1930, p. 35. « J’appelle prévention ce qui fait pencher plutôt d’un côté que d’un autre, et qui n’est pas du sujet qu’on regarde. »

Sur les mauvais effets de la coutume et de l’imagination sur le jugement, voir Ferreyrolles Gérard, Les reines du monde. L’imagination et la coutume chez Pascal, Paris, Champion, 1995.