Pensées diverses I – Fragment n° 13 / 37 – Papier original : RO 127-3

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 94 p. 335 v°  / C2 : p. 287 v°

Éditions de Port-Royal : Chap. XXXI - Pensées diverses : 1669 et janvier 1670 p. 338 / 1678 n° 35 p. 333

Éditions savantes : Faugère I, 249, VII / Havet VII.22 / Brunschvicg 27  / Tourneur p. 77-1 / Le Guern 480 / Lafuma 559 (série XXIII) / Sellier 466

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Transcription diplomatique (les additions sont signalées en couleur orange)

 

ainsy    ns    Sommes 1  toujours    vains       m is cellan .

                                               Langage     Langage

    Ceux   qui font    les   antiteses , en forceant les mots

    font      C omme ceux qui   font     defausses  fenestres pr.

     la figurationSymmetrie 2

     Leur  regle  nest pas  de parler Juste

    mais    defaire   des figures     Justes .

 

1 Le mot est traversé par deux traits verticaux qui rendent sa lecture difficile. Ces traits ne semblent pas être en relation avec ce fragment.

2 Z. Tourneur ne signale pas d’hésitation dans le texte de Pascal. Pourtant on peut observer sur le manuscrit (voir le papier original) que Pascal a écrit symmetrie par dessus un autre mot que nous lisons figuration.

 

Miscellanea et le thème du langage

Pascal a remplacé le titre Langage par Miscellanea. Langage. Il n’avait pas besoin de barrer le titre existant. Il aurait pu ajouter simplement Miscellanea.

Ce double titre s’explique par le fait que l’adjectif latin miscellaneus signifie mêlé, mélangé, et que le neutre pluriel miscellanea désigne des choses mélangées, c’est-à-dire des morceaux portant sur des sujets variés. La meilleure traduction serait le titre que porte le manuscrit 4333 des Nouvelles acquisitions françaises de la BNF, publié par J. Lesaulnier sous le titre Port-Royal insolite (Paris, Klincksieck, 1992), savoir Recueil de choses diverses, dont le premier possesseur, Louis de Monmerqué, dit que c’est  une « espèce de Miscellanea ». Il n’est pas surprenant que les éléments d’un tel recueil comportent ce qui peut être considéré comme un sous-titre qui indique de quelle « chose diverse » particulière il s’agit.

Plusieurs fragments du dossier sont ainsi relatifs aux questions de langage, d’éloquence et de rhétorique. On constate qu’un deuxième fragment (même dossier - Laf. 572, Sel. 475), qui porte aussi le titre Miscellanea, porte aussi le sous-titre Façon de parler, et que le premier fragment du dossier (Laf. 515, Sel. 452), auquel les Copies ajoutent le titre Miscellanea, commence par la note suivante Quand dans un discours se trouvent des mots répétés et qu’essayant de les corriger on les trouve si propres qu’on gâterait le discours, il les faut laisser, c’en est la marque. Et c’est là la part de l’envie qui est aveugle et qui ne sait pas que cette répétition n’est pas faute en cet endroit, car il n’y a point de règle générale et concerne aussi le thème du langage.

On remarquera aussi que d’autres notes du même dossier ont un lien avec ce thème : voir Laf. 557, Sel. 465 (Les langues sont des chiffres...) et Laf. 579-580, Sel. 482. Les notes sur l’éloquence sont proches de ce thème : voir Laf. 668, Sel. 547 et Laf. 578, Sel. 481.

Comme le suggèrent les Copies, Miscellanea pourrait être le titre du dossier, ou de l’ensemble des dossiers Pensées diverses. Ce titre pourrait aussi correspondre à un thème ‘divers’ sur le langage que Pascal avait envisagé.

Il ne s’agit sans doute pas d’un ensemble de textes appelé à devenir un écrit plus ample, et moins encore un chapitre du projet d’apologie de la religion chrétienne qui aurait été abandonné en cours de route. Durant toute sa carrière, Pascal a réfléchi sur les problèmes rhétoriques et littéraires que ce soit dans les écrits scientifiques (Préface au Traité du vide, Conclusion des Traités de 1663) ou religieux (Provinciale XI, liasse Loi figurative). Le dossier Ordre et des fragments tels que Commencement 6 (Laf. 156, Sel. 188) : Plaindre les athées qui cherchent, car ne sont-ils pas assez malheureux. Invectiver contre ceux qui en font vanité témoignent que Pascal comptait s’expliquer sur sa rhétorique en différents points de son ouvrage.