Pensées diverses II – Fragment n° 18 / 37 – Papier original : RO 8-2

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 108 p. 357  / C2 : p. 313

Éditions savantes : Faugère II, 260, XXVII / Havet XXV.156 / Brunschvicg 663 / Tourneur p. 90-3 / Le Guern 522 / Lafuma 615 (série XXIV) / Sellier 508

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Bibliographie

 

 

FERREYROLLES Gérard, “Augustinisme et concupiscence : les chemins de la réconciliation”, in Littérature et séduction. Mélanges Versini, Paris, Klincksieck, 1997, p. 171-182.

FERREYROLLES Gérard, “De la causalité historique chez Pascal”, in DESCOTES Dominique, McKENNA Antony et THIROUIN Laurent (éd.), Le rayonnement de Port-Royal, Mélanges en l’honneur de Philippe Sellier, Paris, Champion, 2001, p. 309-332.

GOUHIER Henri, Blaise Pascal. Conversion et apologétique, Paris, Vrin, 1986.

SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, Paris, Colin, 1970.

SELLIER Philippe, “La lumière immobile. L’univers biblique d’un catholique sous Louis XIV”, in Port-Royal et la littérature, II, Paris, Champion, 2012, p. 187-210.

SHIOKAWA Tetsuya, Pascal et les miracles, Paris, Nizet, 1977.

THIROUIN Laurent et KRUMENACKER Yves, Les écoles de pensée religieuse à l’époque moderne, Chrétiens et Sociétés, n° 5, Université Lyon II, 2006, p. 25-64.

 

 

Éclaircissements

 

Figuratif.

 

Ce titre s’explique par le fait que la cupidité et la charité peuvent être envisagées comme figures l’une de l’autre.

Sur les figuratifs, voir le dossier relatif à la liasse Loi figurative.

Le rapport entre ce fragment et le précédent a été noté par Shiokawa Tetsuya, Pascal et les miracles, p. 201.

 

Rien n’est si semblable à la charité que la cupidité et rien n’y est si contraire.

 

Cupidité : terme du français courant équivalent du terme technique concupiscence. Voir le dossier thématique sur la concupiscence.

En quel sens Pascal peut-il dire que la concupiscence est, d’une certaine manière, semblable à la charité ?

Jansénius, Augustinus, De gratia Christi, III, Livre V, chap. 6, éd. 1640, col. 513, cite saint Augustin, Lib. II ad Bonifacium, ch. 9, « Quid est boni cupiditas, nisi charitas ? ». Tr. : « Qu’est-ce que la cupidité du bien, sinon la charité ? ».

Le thème de la ressemblance entre la charité et la superbia (la libido dominandi) a été traité par saint Augustin, In epistolam Joannis ad Parthos Tractatus decem, tr. 8, n. 9.

« Et videte quanta opera faciat superbia ; ponite in corde quam similia facit, et quasi paria caritati. Pascit esurientem caritas, pascit et superbia, caritas, ut Deus laudetur ; superbia, ut ipsa laudetur. Vestit nudum caritas, vestit et superbia ; jejunat caritas, jejunat et superbia ; sepelit mortuos caritas, sepelit et superbia. Omnia opera bona quae vult facere caritas et facit, agitat contra superbia, et quasi ducit equos suos. [...] Ut autem non sit superbia quae agitet facta bona, Quis novit? Quis videt? Ubi est hoc? Opera videmus : pascit misericordia, pascit et superbia ; hospitem suscipit misericordia, hospitem suscipit et superbia ; intercedit pro paupere misericordia, intercedit et superbia. Quid est hoc? In operibus non discernimus. »

Tr. : « Et voyez quelles œuvres considérables accomplit l’orgueil : pénétrez votre cœur de cette idée qu’il accomplit des œuvres semblables, et pour ainsi dire égales à celles de la charité. La charité nourrit l’homme affamé, et l’orgueil le nourrit aussi : la charité pour qu’on loue Dieu, la superbe pour qu’on le loue lui-même. La charité habille celui qui est nu, l’orgueil l’habille aussi. La charité jeûne, l’orgueil aussi. La charité ensevelit les morts, l’orgueil aussi. Toutes les œuvres bonnes que veut faire et fait la charité, de son côté l’orgueil les pousse en avant et en fait comme les chevaux de son attelage ».

La suite demande comment l’on peut savoir si les bonnes œuvres sont produites par la charité ou l’orgueil : « Mais qui peut savoir si ce n’est pas l’orgueil qui conduit les bonnes œuvres ? Qui le voit ? Où le déceler ? Nous voyons les œuvres. La miséricorde nourrit, l’orgueil nourrit aussi ; la miséricorde offre l’hospitalité, l’orgueil m’offre aussi. Qu’est-ce à dire ? Dans les œuvres, nous ne faisons pas la différence » (Trad. de J. Lemouzy, Œuvres de saint Augustin, 76, Homélies sur la première Épître de saint Jean, Bibliothèque augustinienne, 2008, p. 337-339).

La pensée de Pascal sur la concupiscence est exposée dans les Écrits sur la grâce, particulièrement dans le Traité de la prédestination, OC III, éd. J. Mesnard, p. 792-794. Voir les analyses de J. Mesnard sur cet ouvrage dans OC III, p. 596.

Concupiscence et charité ont en commun d’être deux formes du désir. Voir les analyses de Ferreyrolles Gérard, “Augustinisme et concupiscence : les chemins de la réconciliation”, in Littérature et séduction. Mélanges Versini, p. 171-182. Le mot concupiscence n’est pas nécessairement péjoratif ; la concupiscence est valorisée selon l’objet sur lequel elle porte : p. 171 sq. On trouve des traces de l’ambivalence de ce terme dans les Écrits sur la grâce de Pascal : p. 172 sq. À la racine de cette ambivalence, qu’est-ce que l’essence de la concupiscence ? Les choses créées sont bonnes du seul fait qu’elles sont. Or la concupiscence est aimantée par le bien, y compris lorsqu’elle vise à satisfaire l’homme, cela ne se comprend que par l’éminente valeur de la créature de Dieu. En tant que désir, la concupiscence n’est pas mauvaise ; on peut lui reprocher un manque et un excès d’une part lorsqu’elle désire un bien sans le référer au Bien ; d’autre part elle a un caractère désordonné p. 175. Mais ce n’est pas le désir en soi, c’est le consentement de la volonté au mal qui fait le péché : p. 176. La concupiscence vient du péché (la faute originelle) et elle y pousse, mais entre elle et le péché subsiste la distance du péché commencé au péché consommé.

Concupiscence et charité ont aussi en commun d’engendrer chacune une délectation. Voir OC III, éd. J. Mesnard, p. 599. Théorie de la délectation. La volonté est toujours guidée par le plaisir. Voir aussi le dossier thématique sur les deux délectations.

Thirouin Laurent et Krumenacker Yves, Les écoles de pensée religieuse à l’époque moderne, Chrétiens et Sociétés, n° 5, Université Lyon II, 2006, p. 25-64. L’anthropologie augustinienne est, malgré les apparences, une pensée du plaisir, centrée sur l’idée de délectation victorieuse, delectatio victrix. La référence fondamentale est la formule de saint Augustin dans son Expositio Epistulae ad Galatos, V, 49 : « Quod enim amplius nos delectat, secundum id operemus necesse est », « Il est nécessaire que nous agissions conformément à ce qui nous charme le plus » : p. 40. Principe : toute action volontaire de l’homme, quelles que soient les formes qu’elle prenne, est la résultante d’un plaisir. On ne peut se déterminer qu’en fonction d’un bien convoité. Augustin intègre dans sa conception de l’homme la puissance du plaisir, non pas l’équivalence de tous les plaisirs, mais leur indissociable parenté : p. 44. Les griefs de Fénelon contre le jansénisme sont caricaturaux, mais l’augustinisme peut apparaître comme une pensée du plaisir, un eudémonisme : p. 46. Ce qui caractérise la délectation, c’est son caractère donné ; on ne peut se la procurer soi-même : elle installe naturellement dans la dépendance de Dieu. Voir Pascal : nul ne peut faire en sorte d’être délecté par ceci plutôt que cela ; la délectation s’empare d’un sujet sans qu’il y puisse rien : p. 46.

Saint-Cyran, Lettres, éd. Donetzkoff, I, Thèse, p. 95, lettre à Arnauld d’Andilly de 1635. « Souvenez-vous toujours de ce que je vous ai dit souvent, que les vraies passions ont été dérobées au vrai amour, pour être transférées au mauvais. »

Il en résulte que, dans une certaine mesure, la concupiscence est figure de la charité.

Mais elle lui est aussi directement contraire, puisque la charité tourne le cœur vers Dieu et que par la concupiscence l’homme se prend lui-même pour fin. Voir le dossier thématique sur la concupiscence.

L’usage établi prend en mauvaise part cupidité et concupiscence si leur objet n’est pas indiqué ; voir saint Augustin, La cité de Dieu, XIII, Bibliothèque augustinienne, p. 375. La réalité psychologique de la concupiscence chez saint Augustin est une tendance innée, moralement mauvaise, des hommes actuels à se porter vers un plaisir indépendant de Dieu : p. 690 sq.

Gouhier Henri, Blaise Pascal. Conversion et apologétique, p. 75 sq. La vie du chrétien comme combat continu. Le poids de la concupiscence tend vers la terre, alors que Dieu attire en haut, ce qui engendre un état de violence. Un plaisir ne peut cesser de plaire que si un plaisir plus vif le remplace : p. 75. Analyse de la Provinciale XVIII, sur le conflit des délectations : p. 77 sq. Dieu change le cœur de l’homme par une douceur céleste qui surmonte la délectation de la chair.

Cette dualité, faite de ressemblance et d’opposition, a surtout intéressé les commentateurs qui ont étudié les aspects politiques de la pensée de Pascal. La concupiscence établit une guerre de tous contre tous parmi les hommes. Mais pour éviter une destruction ou une tyrannie générale, les hommes ont établi des lois qui font de la société civile une figure dégradée, ou comme dit Pascal, un tableau de ce que serait une société gouvernée par la charité. Voir les fragments suivants :

Grandeur 14 (Laf. 118, Sel. 150). Grandeur de l’homme dans sa concupiscence même, d’en avoir su tirer un règlement admirable et en avoir fait un tableau de la charité.

Naturellement, il ne faut pas confondre l’original et la figure, ni croire que la société est réellement fondée sur la charité. Pascal le précise nettement :

Fausseté 8 (Laf. 210, Sel. 243). Tous les hommes se haïssent naturellement l’un l’autre. On s’est servi comme on a pu de la concupiscence pour la faire servir au bien public. Mais ce n’est que feindre et une fausse image de la charité, car au fond ce n’est que haine.

Fausseté 9 (Laf. 211, Sel. 244). On a fondé et tiré de la concupiscence des règles admirables de police, de morale, et de justice. Mais dans le fond, ce vilain fond de l’homme, ce figmentum malum n’est que couvert. Il n’est pas ôté.

Nicole en tirera des développements paradoxaux dans Nicole Pierre, De la charité et de l’amour propre, in Essais de morale, éd. L. Thirouin, p. 381 sq. La charité rapporte tout à Dieu, l’amour propre rapporte tout à soi ; pourtant leurs effets sont paradoxalement semblables. Chapitre II, Comment l’amour propre a pu unir les hommes dans une même société. Description de ces sociétés formées par l’amour propre : p. 383 sq. Chapitre IV, Que l’amour propre suit la charité en plusieurs choses, et particulièrement en se cachant. En quoi consiste l’honnêteté humaine : p. 388 sq.

Ce modèle est le fond du raisonnement par la raison des effets dans le domaine de la politique et de la morale sociale. Mais c’est un caractère de la manière de penser de Pascal de trouver à un modèle unique des applications à des domaines parfois très différents (c’est le principe par exemple du Traité du triangle arithmétique, qui touche tout à la fois les combinaisons, les nombres figurés et les partis). Dans le cas présent, le modèle éclaire la condition des Juifs.

 

Ainsi les Juifs, pleins des biens qui flattaient leur cupidité, étaient très conformes aux chrétiens et très contraires.

 

Voir le dossier thématique sur le peuple juif.

Les Juifs sont conformes aux chrétiens en ce qu’ils croient au même Dieu, qu’ils ont en commun l’Ancien Testament, et qu’ils obéissent à la loi divine révélée par Dieu à Moïse (quoiqu’ils l’interprètent différemment). Ils attendent également un Messie qui doit délivrer son peuple et convertir toute la terre.

Cependant Juifs et chrétiens diffèrent par l’objet en lequel ils placent le souverain bien.

Le cœur charnel des Juifs les ont induit à attendre des biens de nature matérielle, notamment un Messie qui soit un prince puissant et conquérant, alors que les chrétiens croient en un Messie spirituel, qui a paru en Jésus-Christ.

En fait, Pascal a été conduit à préciser cette distinction en précisant que le caractère charnel n’est pas le propre des Juifs, mais se retrouve parmi toutes les religions, païenne, juive et chrétienne.

Perpétuité 8 (Laf. 286, Sel. 318). Deux sortes d’hommes en chaque religion.

Parmi les païens des adorateurs de bêtes, et les autres adorateurs d’un seul Dieu dans la religion naturelle.

Parmi les Juifs les charnels et les spirituels qui étaient les chrétiens de la loi ancienne.

Parmi les chrétiens les grossiers qui sont les Juifs de la loi nouvelle.

Les Juifs charnels attendaient un Messie charnel et les chrétiens grossiers croient que le Messie les a dispensés d’aimer Dieu. Les vrais Juifs et les vrais chrétiens adorent un Messie qui leur fait aimer Dieu.

 

Et par ce moyen ils avaient les deux qualités qu’il fallait qu’ils eussent, d’être très conformes au Messie, pour le figurer, et très contraires pour n’être point témoins suspects.

 

L’idée que les Juifs sont des ennemis des chrétiens n’est pas propre à Pascal : voir Boucher Jean, Les triomphes de la religion chrétienne, II, Q. 4, p. 160. « Nous avons pris ces Écritures de la main des Juifs, qui sont nos ennemis capitaux, lesquels en l’état où ils sont maintenant, ne diront, ni ne feront jamais rien volontairement qui soit à notre avantage ».

Sur les Juifs, témoins irréprochables, voir le fragment Prophéties VIII (Laf. 502, Sel. 738). L’argument repose sur l’idée que, dans un procès ou une contestation, les arguments d’une partie qui se trouvent jouer en faveur de la partie adverse ont toute chance d’être vrais, et doivent par conséquent être crus. En droit, comme l’indique Domat Jean, Des lois civiles, Livre III, Titre VI, Section III, § X, éd. 1697, p. 374, le témoignage des ennemis est suspect, « car on doit se défier que leur passion ne les porte à une déclaration qui blesse l’intérêt de leur ennemi ». En revanche, ce même témoignage des ennemis peut être cru quand il joue contre eux-mêmes, en faveur de leurs adversaires. Or c’est le cas des Juifs à l’égard des chrétiens : voir Preuves par les Juifs II (Laf. 452, Sel. 692) : Ils portent avec amour et fidélité ce livre où Moïse déclare qu’ils ont été ingrats envers Dieu toute leur vie, qu’il sait qu’ils le seront encore plus après sa mort, mais qu’il appelle le ciel et la terre à témoin contre eux [...]. Il déclare qu’enfin Dieu, s’irritant contre eux, les dispersera parmi tous les peuples de la terre, que, comme ils l’ont irrité en adorant les dieux qui n’étaient point leurs dieux, de même il les provoquera en appelant un peuple qui n’est point son peuple, et veut que toutes ses paroles soient conservées éternellement et que son livre soit mis dans l’arche de l’alliance pour servir à jamais de témoin contre eux. C’est ce qui fait des Juifs des témoins irréprochables.

L’expression se trouve dès avril 1645, chez Arnauld Antoine, Seconde apologie pour Monsieur Jansénius, Œuvres, XVII, p. 1-637 Livre II, ch. V, Proposition VII. Les Juifs sont « témoins irréprochables » et servent au salut des vrais chrétiens : p. 118.

Sellier Philippe, “La lumière immobile. L’univers biblique d’un catholique sous Louis XIV”, in Port-Royal et la littérature, II, Paris, Champion, 2012, p. 187-210.

Voir Prophéties V (Laf. 488, Sel. 734). Les Juifs en le tuant pour ne le point recevoir pour Messie, lui ont donné la dernière marque du Messie. Et en continuant à le méconnaître ils se sont rendus témoins irréprochables. Et en le tuant et continuant à le renier ils ont accompli les prophéties.

La Genèse, tr. Sacy, Ie partie, Préface, § V.

« Il est important d’ajouter ici quelques réflexions sur l’état présent des Juifs, parce qu’ils sont une des marques les plus claires de la vérité de notre foi. [...] Ceci nous fait voir combien il est vrai que Dieu est le maître et l’arbitre de tout ce qui se passe sur la terre : et que le cours du monde n’a point d’autre loi que son ordre souverain, et l’accomplissement de ses desseins éternels.

Car qui n’admirera, selon la réflexion très judicieuse de saint Augustin, les marques de la sagesse et de la toute-puissance de Dieu, qui éclatent sensiblement dans toute la manière dont il a conduit le peuple Juif ? Il choisit ce peuple quinze siècles avant Jésus-Christ. Il lui donne sa loi. Il le rend dépositaire de sa parole et de ses promesses. Et il fait que tout ce peuple devient comme un grand Prophète : Magnus quidam Propheta, dit saint Augustin (August. contra Faust. lib. 19. cap. 22.) ; en sorte que dans son élévation, dans son abaissement, dans ses victoires, dans ses défaites, dans son sacerdoce, dans ses sacrifices, dans son temple, dans ses Juges, dans ses Rois, dans ses prophéties ; et enfin dans tout ce qui lui arrive, selon ce qui vient d’être cité de saint Paul, il est la figure vivante et animée de tout ce qui devait arriver à Jésus-Christ et à son Eglise.

Et après que Jésus-Christ a paru dans le monde, et que ces mêmes Juifs qui mettaient toute leur gloire à attendre le Messie, l’ont rejeté, et l’ont fait mourir cruellement, Dieu les a rejetés aussi par une très grande justice. Mais en même temps il a fait que leur réprobation est devenue plus utile à l’Église, que n’aurait été leur conversion.

Car s’ils avaient embrassé la foi, ils auraient pu être suspects aux Gentils, auxquels ils devaient apprendre la vérité des prophéties, puisqu’il est aisé que les Chrétiens soutiennent tout ce qui favorise Jésus-Christ (August. de cons. Ev. l. 1. c. 14.). « Au lieu que maintenant Dieu les a dispersés, et les fait subsister depuis dix-sept siècles dans toute la terre, comme des témoins irréprochables qui déposent en tous lieux en faveur de Jésus-Christ et de sa religion au même temps qu’ils détestent l’un et l’autre ; et qui conservant avec un grand respect l’Écriture sainte, à la lettre de laquelle ils s’attachent inviolablement, présentent cette même Écriture en tous lieux, afin que tous les hommes y lisent en des termes très clairs et très convaincants la justification de notre foi, et la condamnation de leur perfidie (August. de cons. Evang. lib.1. cap 26.). Gens Judaeorum, dit saint Augustin, reproba per infidelitatem, a sedibus extirpata per mundum usquequaque dispergitur, ut ubique portet codices sanctos : Ac sic prophetiæ testimonium, quâ Christus et Ecclesia prœnuntiata est, ne ad tempus à nobis fictum existimaretur, ab ipsis adversariis proferatur ; ubi etiam ipsos prædictum est non fuisse credituros » (August. epist. 3. ad Volusian.)

Isaïe, traduit en français, Paris, Desprez, 1686, tr. Le Maître de Sacy, Préface, p. 1. I. Que l’autorité des prophètes est la preuve la plus assurée de la religion chrétienne. Même les païens admettaient la clarté des prophéties, et n’ont pu y résister « qu’en disant qu’elles avaient été feintes après que les choses étaient arrivées » : p. 1. Les chrétiens ne répondent pas d’eux-mêmes : ils renvoient aux Juifs : « leur témoignage aussi ne vous doit pas être suspect, car nous prenons en ceci nos parties mêmes pour juges », qui sont « les ennemis irréconciliables de notre religion ».

Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, éd. Pléiade, p. 858. L’Écriture mise entre des mains non suspectes.

Ferreyrolles Gérard, “De la causalité historique chez Pascal”, in Le rayonnement de Port-Royal, Mélanges en l’honneur de Philippe Sellier, p. 330-331. Cas où les actions des hommes se retournent contre les intentions de leurs promoteurs. Comme les païens ont agi sans le vouloir pour la grandeur de l’évangile, les Juifs ont été pour le Messie des instruments de sa gloire, responsables car agissants autant qu’agis.

Shiokawa Tetsuya, Pascal et les miracles, p. 201. Rapprochement avec le fragment Laf. 614, Sel. 507. Figuratif. Dieu s’est servi de la concupiscence des Juifs pour les faire servir à J.-C. qui portait le remède à la concupiscence.