Pensées diverses II – Fragment n° 3 / 37 – Papier original : RO 75-5 et 75-3

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 104 et 105 p. 349-349 v°  / C2 : p. 303 à 305

Éditions de Port-Royal : Chap. XVI - Diverses preuves de Jésus-Christ : 1669 et janvier 1670 p. 131-132 / 1678 n° 9 p. 131-132

Éditions savantes : Faugère II, 320, XVII ; II, 283, XXV / Havet XIX.5 bis / Brunschvicg 760  / Tourneur p. 83-4 / Le Guern 506 / Lafuma 593 (série XXIV) / Sellier 493

 

Avertissement : nous présentons les textes barrés verticalement par Pascal sur un fond bleuté plus foncé.

 

 

Les Juifs le refusent mais non pas tous : les saints le reçoivent et non les charnels, et tant s’en faut que cela soit contre sa gloire que c’est le dernier trait qui l’achève. Comme la raison qu’ils en ont et la seule qui se trouve dans tous leurs écrits, dans le Talmud et dans les rabbins, n’est que parce que Jésus-Christ n’a pas dompté les nations en main armée, Gladium tuum potentissime. N’ont‑ils que cela à dire ? Jésus-Christ a été tué, disent‑ils, il a succombé, il n’a pas dompté les païens par sa force, il ne nous a pas donné leurs dépouilles, il ne donne point de richesses. N’ont‑ils que cela à dire ? C’est en cela qu’il m’est aimable. Je ne voudrais pas celui qu’ils se figurent. Il est visible que ce n’est que le vice qui leur a empêché de le recevoir, et par ce refus ils sont des témoins sans reproche, et qui plus est par là ils accomplissent les prophéties.

 

Par le moyen de ce que ce peuple ne l’a pas reçu est arrivée cette merveille que voici.

Les prophéties sont les seuls miracles subsistants qu’on peut faire, mais elles sont sujettes à être contredites.

 

 

Fragment consacré au refus que les Juifs ont opposé au Christ : paradoxalement, les raisons qu’ils avaient de le refuser sont, aux yeux de Pascal, des raisons de le recevoir.

 

Gladium tuum potentissime : « [Vous qui êtes] très puissant, [ceignez] votre épée [sur votre cuisse] ».

 

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Fragments connexes

 

Soumission 14 (Laf. 180, Sel. 211). Jésus-Christ a fait des miracles et les apôtres ensuite. Et les premiers saints en grand nombre, parce que les prophéties n’étant pas encore accomplies, et s’accomplissant par eux, rien ne témoignait que les miracles. Il était prédit que le Messie convertirait les nations. Comment cette prophétie se fût-elle accomplie sans la conversion des nations, et comment les nations se fussent-elles converties au Messie, ne voyant pas ce dernier effet des prophéties qui le prouvent. Avant donc qu’il ait été mort, ressuscité et converti les nations tout n’était pas accompli et ainsi il a fallu des miracles pendant tout ce temps. Maintenant il n’en faut plus contre les Juifs, car les prophéties accomplies sont un miracle subsistant.

Loi figurative 25 (Laf. 270, Sel. 301). Les Juifs avaient vieilli dans ces pensées terrestres : que Dieu aimait leur père Abraham, sa chair et ce qui en sortait, que pour cela il les avait multipliés et distingués de tous les autres peuples sans souffrir qu’ils s’y mêlassent, que quand ils languissaient dans l’Égypte il les en retira avec tous ses grands signes en leur faveur, qu’il les nourrit de la manne dans le désert, qu’il les mena dans une terre bien grasse, qu’il leur donna des rois et un temple bien bâti pour y offrir des bêtes, et, par le moyen de l’effusion de leur sang qu’ils seraient purifiés, et qu’il leur devait enfin envoyer le Messie pour les rendre maîtres de tout le monde, et il a prédit le temps de sa venue.

Perpétuité 8 (Laf. 286, Sel. 318). Deux sortes d’hommes en chaque religion.

Parmi les païens, des adorateurs de bêtes et les autres adorateurs d’un seul Dieu dans la religion naturelle.

Parmi les juifs, les charnels et les spirituels qui étaient les chrétiens de la loi ancienne.

Parmi les chrétiens, les grossiers qui sont les Juifs de la loi nouvelle.

Les juifs charnels attendaient un Messie charnel et les chrétiens grossiers croient que le Messie les a dispensés d’aimer Dieu. Les vrais Juifs et les vrais chrétiens adorent un Messie qui leur fait aimer Dieu.

Perpétuité 9 (Laf. 287, Sel. 319). Le Messie selon les Juifs charnels doit être un grand prince temporel. Jésus-Christ selon les chrétiens charnels est venu nous dispenser d’aimer Dieu, et nous donner des sacrements qui opèrent tout sans nous ; ni l’un ni l’autre n’est la religion chrétienne, ni juive.

Preuves de Jésus-Christ 11 (Laf. 308, Sel. 339). Les saints ont leur empire, leur éclat, leur victoire, leur lustre et n’ont nul besoin des grandeurs charnelles ou spirituelles, où elles n’ont nul rapport, car elles n’y ajoutent ni ôtent. Ils sont vus de Dieu et des anges et non des corps ni des esprits curieux. Dieu leur suffit.

[...] Jésus-Christ sans biens, et sans aucune production au dehors de science, est dans son ordre de sainteté. Il n’a point donné d’inventions. Il n’a point régné, mais il a été humble, patient, saint, saint, saint à Dieu, terrible aux démons, sans aucun péché. Ô qu’il est venu en grande pompe et en une prodigieuse magnificence aux yeux du cœur et qui voient la sagesse !

Prophéties 10 (Laf. 331, Sel. 363). Au temps du Messie ce peuple se partage.

Les spirituels ont embrassé le Messie, les grossiers sont demeurés pour lui servir de témoins.

Prophéties 15 (Laf. 335, Sel. 368). La plus grande des preuves de Jésus-Christ sont les prophéties. C’est aussi à quoi Dieu a le plus pourvu, car l’événement qui les a remplies est un miracle subsistant depuis la naissance de l’Église jusques à la fin. Aussi Dieu a suscité des prophètes durant mille six cents ans et pendant quatre cents ans après il a dispersé toutes ces prophéties avec tous les Juifs qui les portaient dans tous les lieux du monde. Voilà quelle a été la préparation à la naissance de Jésus-Christ dont l’Évangile devant être cru de tout le monde, il a fallu non seulement qu’il y ait eu des prophéties pour le faire croire mais que ces prophéties fussent par tout le monde pour le faire embrasser par tout le monde.

Prophéties V (Laf. 488, Sel. 734). Les Juifs en le tuant pour ne le point recevoir pour Messie, lui ont donné la dernière marque du Messie. Et en continuant à le méconnaître ils se sont rendus témoins irréprochables. Et en le tuant et continuant à le renier ils ont accompli les prophéties.

Prophéties VII (Laf. 496, Sel. 736). Endurcis leur cœur. Et comment ? En flattant leur concupiscence et leur faisant espérer de l’accomplir.

Pensées diverses (Laf. 594, Sel. 491). Les miracles de la création et du déluge s’oubliant Dieu envoya la loi et les miracles de Moïse, les prophètes qui prophétisent des choses particulières. Et pour préparer un miracle subsistant il prépare des prophéties et l’accomplissement.

 

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