Pensées diverses III – Fragment n° 49 / 85 – Papier original : RO 431-2

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 135 p. 377 / C2 : p. 335 v°

Le texte a été ajouté dans l’édition de 1678 : Chap. XXIX - Pensées morales : 1678 n° 19 p. 275

Éditions savantes : Faugère I, 254, XXV / Havet VII.9 / Michaut 715 / Brunschvicg 22 / Tourneur p. 104-2 / Le Guern 590 / Lafuma 696 (série XXV) / Sellier 575

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Bibliographie

 

 

COUMET Ernest, “Pascal : définitions de nom et géométrie”, in Méthodes chez Pascal, Paris, Presses Universitaires de France, 1979, p. 84-85.

DESCOTES Dominique, “Le problème de l’ordre chez Pascal”, in PAPASOGLI Benedetta (dir.), Le Pensées di Pascal : dal disegno all’edizione, Studi francesi, 143, Torino, Rosenberg et Sellier, mai-août 2004, p. 281-300.

GRANGER Gilles-Gaston, “L’usage philosophique des mathématiques au XVIIe siècle”, in RASHED (dir.), Mathématiques et philosophie, Paris, CNRS, 1991, p. 287-301.

MESNARD Jean, “L’invention chez Pascal”, in La culture au XVIIe siècle, p. 371-386.

MESNARD Jean, “La valeur de l’originalité”, Séance publique annuelle des cinq académies, n° 11, Institut de France Paris, 1999, p. 9-18.

MESNARD Jean, “Un jour secret et indicible”, in Blaise Pascal. Comment a-t-il démontré l’existence de la pression atmosphérique ?, Les Cahiers de Science et Vie, Hors série, 27, juin 1995, p. 16-24.

NOILLE-CLAUZADE Christine, L’univers du style. Analyses de la rhétorique classique, Université de Metz, 2003.

PRIGENT Jean, “La conception pascalienne de l’ordre”, Ordre, désordre, lumière, Paris, 1952, p. 190-209.

SELLIER Philippe, Port-Royal et la littérature, I, Pascal, 2e éd., Paris, Champion, 2010.

THIROUIN Laurent, Pascal ou le défaut de la méthode. Lecture des Pensées selon leur ordre, Paris, Champion, 2015.

TOCANNE Bernard, L’idée de nature en France dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Contribution à l’histoire de la pensée classique, Paris, Klincksieck, 1978.

 

 

Éclaircissements

 

Havet, éd. des Pensées, I, 1866, p. 108, interprète ce passage comme une réaction de défense de la part de Pascal : « il semble que Pascal se défend ici par avance contre une critique chagrine et paradoxale, qui est allée jusqu’à accuser les Pensées de n’être qu’un plagiat perpétuel et une pure compilation. Port-Royal a supprimé ce fragment, qui laissait voir dans le chef des saints du jansénisme l’amour-propre d’auteur. Mais lui-même avoue ailleurs de bonne grâce qu’il veut avoir la gloire d’avoir bien écrit ». Mais Havet n’indique pas à quel critique mesquin il pense. Peut-être est-il influencé par le texte de l’édition de Port-Royal, qui ajoute une phrase qui souligne que le texte répond à un reproche injuste de critiques vétilleux. L’addition pourrait bien être de Nicole, dont les Essais de morale font souvent écho aux Pensées.

 

Qu’on ne dise pas que je n’ai rien dit de nouveau, la disposition des matières est nouvelle.

 

La disposition est nouvelle : Pascal a d’abord écrit l’ordre.  Il y a une nuance. C’est le seul fragment des Penséesdisposition est pris dans le sens rhétorique. Selon Kibédi-Varga Aron, Rhétorique et littérature, Paris, Didier, 1970, p. 69-81 et 103-104, la disposition au sens rhétorique comporte la division, la distribution et la mise en ordre des idées et des arguments dans le discours. On la définit classiquement par ses quatre parties : l’exorde, la proposition, la confirmation et la péroraison. Pascal prend le mot dans le sens rhétorique, mais il ne conçoit pas la disposition comme une mise en ordre strictement soumise à cette partition rhétorique. Dans l’opuscule De l’esprit géométrique il emploie plutôt le mot ordre, qui tient aussi de la logique et de la mathématique.

Par contraste, on peut renvoyer à Lamy Bernard, La rhétorique ou l’art de parler,  Livre V, ch. XVII sq., éd. C. Noille-Clauzade, 1998, Paris, Champion, p. 421 sq. Lamy a une conception strictement artisanale de la disposition (exorde, etc.), mais on ne trouve chez lui aucune interrogation sur la nature de la disposition en elle-même.

Sellier Philippe, Port-Royal et la littérature, I, Pascal, 2e éd., p. 244 sq. Pour la disposition de son apologie, Pascal pourrait se conformer à la tradition des apologistes anciens et modernes, mais il a au contraire conscience de rompre avec elle : la disposition des matières chez lui est nouvelle. Pascal suit une voie qui lui est inspirée par les Écritures.

Prigent Jean, “La conception pascalienne de l’ordre”, Ordre, désordre, lumière, p. 190-209.

Descotes Dominique, “Le problème de l’ordre chez Pascal”, in Papasogli Benedetta (dir.), Le Pensées di Pascal : dal disegno all’edizione, Studi francesi, 143, p. 281-300.

Thirouin Laurent, Pascal ou le défaut de la méthode. Lecture des Pensées selon leur ordre.

Le problème remonte à l’opuscule De l’esprit géométrique, II, De l’art de persuader, § 21-25, OC III, éd. J. Mesnard, p. 422-425, où Pascal soutient que c’est bien Descartes qui a inventé les principes « la matière est dans une incapacité naturelle invincible de penser », et « je pense, donc je suis », et non saint Augustin, « qui a dit la même chose douze cents ans auparavant », parce que le philosophe est le premier à en avoir tiré les conséquences et tout un système physique et métaphysique.

De l’esprit géométrique, II, De l’art de persuader, § 21-25, OC III, éd. J. Mesnard, p. 422-425.

« Ceux qui ont l’esprit de discernement savent combien il y a de différence entre deux mots semblables, selon les lieux et les circonstances qui les accompagnent. Croira-t-on, en vérité, que deux personnes qui ont lu et appris par cœur le même livre le sachent également, si l’un le comprend en sorte qu’il en sache tous les principes, la force des conséquences, les réponses aux objections qu’on y peut faire, et toute l’économie de l’ouvrage ; au lieu qu’en l’autre ce soient des paroles mortes, et des semences qui, quoi que pareilles à celles qui ont produit des arbres si fertiles, sont demeurées sèches et infructueuses dans l’esprit stérile qui les a reçues en vain ?

22. Tous ceux qui disent les mêmes choses ne les possèdent pas de la même sorte ; et c’est pour quoi l’incomparable auteur de l’Art de conférer s’arrête avec tant de soin à faire entendre qu’il ne faut pas juger de la capacité d’un homme par l’excellence d’un bon mot qu’on lui entend dire ; mais, au lieu d’étendre l’admiration d’un bon discours à la personne, qu’on pénètre, dit il, l’esprit d’où il sort [...]. Il faut donc sonder comme cette pensée est logée en son auteur ; comment, par où, jusques où il la possède : autrement, le jugement précipité sera jugé téméraire.

23. Je voudrais demander à des personnes équitables si ce principe : La matière est dans une incapacité naturelle invincible de penser, et celui-ci : Je pense, donc je suis, soient en effet une même chose dans l’esprit de Descartes et dans l’esprit de saint Augustin, qui a dit la même chose douze cents ans auparavant.

En vérité je suis bien éloigné de dire que Descartes n’en soit pas le véritable auteur, quand même il ne l’aurait appris que dans la lecture de ce grand saint. Car je sais combien il y a de différence entre écrire un mot à l’aventure, sans y faire une réflexion plus longue et plus étendue, et apercevoir dans ce mot une suite admirable de conséquences, qui prouve la distinction des natures matérielle et spirituelle, et en faire un principe ferme et soutenu d’une physique entière, comme Descartes a prétendu faire. Car, sans examiner s’il a réussi efficacement dans sa prétention, je suppose qu’il l’ait fait, et c’est dans cette supposition que je dis que ce mot est aussi différent dans ses écrits d’avec le même mot dans les autres qui l’ont dit en passant, qu’un homme mort d’avec un homme plein de vie et de force.

24. Tel dira une chose de soi-même sans en comprendre l’excellence, où un autre comprendra une suite merveilleuse de conséquences qui nous font dire hardiment que ce n’est plus le même mot, et qu’il ne le doit non plus à celui d’où il l’a appris, qu’un arbre admirable n’appartiendra pas à celui qui en aurait jeté la semence, sans y penser et sans la connaître, dans une terre abondante qui en aurait profité de la sorte par sa propre fertilité.

Les mêmes pensées poussent quelquefois tout autrement dans un autre que dans leur auteur : infertiles dans leur champ naturel, abondantes étant transplantées.

25. Mais il arrive bien plus souvent qu’un bon esprit fait produire lui-même à ses propres pensées tout le fruit dont elles sont capables, et qu’en suite quelques autres, les ayant ouï estimer, les empruntent et s’en parent, mais sans en connaître l’excellence ; et c’est alors que la différence d’un même mot en diverses bouches paraît le plus. »

L’idée s’inspire de Montaigne. Voir Montaigne, Essais, III, 8, éd. Balsamo et alii, Pléiade, p. 981 sq.

C’est un principe que Pascal s’applique à lui-même. Il commence souvent ses traités scientifiques en partant d’une constatation ordinaire, généralement très simple, et il en tire des conséquences qui révèlent une fécondité qu’on n’avait pas aperçue avant lui.

Au début du De numeris multiplicibus, il part de la propriété qui permet de reconnaître la divisibilité d’un nombre quelconque par 9 en additionnant ses chiffres, propriété dont il admet qu’elle est « banale ». Voir Hara Kokiti, “Nouvelles observations sur les écrits mathématiques de Pascal (II)”, Historia scientiarum, 27, 1984, p. 11-25. Il la généralise ensuite d’abord pour la valeur du diviseur, puis pour la base du système, et dévoile ainsi une méthode générale de reconnaissance des caractères de divisibilité des nombres dont la démonstration n’avait jamais été donnée avant lui.

Pascal indique dans le Numeri figurati seu ordines numerici, OC II, éd. J. Mesnard, p. 1202-1203, qu’en changeant l’ordre des termes d’une expression mathématique, on en tire des énonciations nouvelles : « On peut faire une infinité d’autres remarques au sujet de ces propositions, et chaque proposition peut donner lieu à différents énoncés ; par exemple, lorsqu’on dit qu’un nombre est à un autre comme un troisième à un quatrième, ne peut-on pas dire autrement que le produit du premier par le quatrième est égal au produit du second par le troisième ? Ou bien que le produit de deux d’entre eux divisé par l’un des deux autres est égal à celui qui reste ? Ainsi se multiplient les propositions, et non sans utilité ; car des énoncés différents, encore que relatifs à une même proposition, se prêtent à différents usages. En cela doit consister l’étude des géomètres ; car des énonciations différentes assorties avec cet art conduisent à des théorèmes nouveaux et de grande portée, en permettant d’établir des liens entre des propositions qui semblaient n’avoir aucun rapport dans les termes où elles avaient été d’abord conçues. Qui ne possède pas ce talent de tourner les énoncés à tous sens pratiquera péniblement la géométrie » (tr. Jean Mesnard). En d’autres termes une même relation peut donner lieu à des énonciations différentes :

a : b = c : d ; b c = d a ; b c : a = d.

Interprétées en termes géométriques, ces relations revêtent des sens différents. La première note une proportion entre quatre segments, la seconde une égalité entre deux rectangles, et la troisième effectue une application au sens de Viète, c’est-à-dire l’abaissement d’un rectangle d’une dimension par une division algébrique. Ces relations ne sont pas neuves, mais Pascal donne dans son Traité des ordres numériques un exemple analogue, mais plus complexe, qui montre que cette variation de l’ordre peut effectivement faire apparaître du nouveau.

Chevalley Catherine, Pascal. Contingence et probabilité, p. 76. Liaison de cette idée avec celle du changement de point de vue, et de variation dans le situs des mots.

Granger Gilles-Gaston, “L’usage philosophique des mathématiques au XVIIe siècle”, in Rashed (dir.), Mathématiques et philosophie, p. 296. Trouver des dispositions différentes, c’est-à-dire tourner la proposition en tous sens pour trouver de nouveaux biais. Pascal recherche des métaprocédures plus nettes et plus courtes, et directement intelligibles, plutôt que des algorithmes, qu’il estime peu parce qu’ils dissimulent la raison des effets : p. 296.

 

Quand on joue à la paume c’est une même balle dont joue l’un et l’autre, mais l’un la place mieux.

 

Pascal évoque le jeu de paume sous un aspect tout différent dans le fragment Laf. 522, Sel. 453. Cet homme si affligé de la mort de sa femme et de son fils unique, qui a cette grande querelle qui le tourmente, d’où vient qu’à ce moment il n’est point triste et qu’on le voit si exempt de toutes ces pensées pénibles et inquiétantes ? Il ne faut pas s’en étonner. On vient de lui servir une balle et il faut qu’il la rejette à son compagnon. Il est occupé à la prendre à la chute du toit pour gagner une chasse. Comment voulez-vous qu’il pense à ses affaires ayant cette autre affaire à manier ? Voilà un soin digne d’occuper cette grande âme et de lui ôter toute autre pensée de l’esprit. (texte barré verticalement)

Le 17 août 1654, Pascal a loué une maison au 54 rue des Francs-Bourgeois, aujourd’hui rue Monsieur le Prince. Elle a un accès direct au jardin du Luxembourg. Deux jeux de paume, celui des Rats batteux et celui du Montgaillard, sont directement voisins. Le jeu de paume doit donc être familier à Pascal.

Voir Mesnard Jean, “Un jour secret et indicible”, in Blaise Pascal. Comment a-t-il démontré l’existence de la pression atmosphérique ?, p. 16-24.

Voir l’article Paume dans le Dictionnaire du grand siècle de F. Bluche (dir.), p. 1165.

Académie universelle des jeux, contenant les règles des jeux de quadrille, de quintille…, Nouvelle édition, Paris, Le Gras, 1739, p. 573 sq. Pour bien jouer au jeu de paume, « outre l’agilité du corps qu’il convient avoir pour courir à la balle, il faut aussi beaucoup d’adresse de la main, et de la force du bras » : p. 575.

 

J’aimerais autant qu’on me dît que je me suis servi des mots anciens.

 

Montaigne, Essais, I, XXV (XXVI), De l’institution des enfants, éd. Balsamo et alii, Pléiade, p. 179. Dans le langage, « la recherche des phrases nouvelles et de mots peu connus vient d’une ambition puérile et pédantesque. Puissé-je ne me servir que de ceux qui servent aux halles de Paris ».

Cette remarque doit être mise en rapport avec ce que Pascal écrit sur la liberté des définitions, dans De l’esprit géométrique, I, Réflexions sur la géométrie en général, § 7, OC III, éd. J. Mesnard, p. 394. Comme l’indique Ernest Coumet, dans son article “Pascal : définitions de nom et géométrie”, in Méthodes chez Pascal, p. 84-85 : ceux qui, comme Desargues, abusent de cette permission courent le risque de voir leur usage particulier refusé par les autres. La sobriété seule rend l’innovation efficace. Pascal s’est bien gardé de suivre l’exemple de son maître en coniques.

 

Et comme si les mêmes pensées ne formaient pas un autre corps de discours par une disposition différente, aussi bien que les mêmes mots forment d’autres pensées par leur différente disposition.

 

Corps de discours : l’expression n’est pas très courante. Elle témoigne le souci, chez Pascal, de l’harmonie des parties du discours à l’intérieur d’un ensemble. Le mot disposition rend peut-être cette idée de manière un peu plus nette qu’ordre, qui semble insister plutôt sur la succession des parties. En fait, pour Pascal, les deux termes sont étroitement associés.

Par une disposition différente : l’expression est en addition dans l’interligne.

Mesnard Jean, “L’invention chez Pascal”, in La culture au XVIIe siècle, p. 381 sq. Le terme d’ordre comporte deux sens chez Pascal. Dans le premier, il désigne les structures pascaliennes telles que l’expérience cruciale, le renversement du pour au contre, ou la raison des effets. Mais dans son sens le plus général, le mot ordre permet de rendre totalement compte de l’acte d’invention. Inventer, pour Pascal, c’est soumettre la réalité à un certain ordre : p. 384-385.

Laf. 784, Sel. 645. Les mots diversement rangés font un divers sens. Et les sens diversement rangés font différents effets.

Laf. 789, Sel. 645. Les sens. Un même sens change selon les paroles qui l’expriment. Les sens reçoivent des paroles leur dignité au lieu de la leur donner. Il en faut chercher des exemples.

Noille-Clauzade Christine, L’univers du style. Analyses de la rhétorique classique, Université de Metz, 2003, p. 287 sq. Il ne s’agit pas pour Pascal de subordonner les choses aux mots, mais de prendre position en faveur de l’influence du contexte et du mouvement de la pensée sur l’effet de sens général, sur le style.

Mesnard Jean, “La valeur de l’originalité”, Séance publique annuelle des cinq académies, n° 11, Institut de France Paris, 1999, p. 9-18. Sur la distinction entre le personnel et l’impersonnel : la nouveauté apportée par la science transcende les personnes et entre dans le bien commun de l’humanité. L’originalité se manifeste lorsque l’œuvre réalisée garde en elle-même un lien nécessaire avec son créateur. Dans la science, l’originalité de l’invention scientifique n’est pas inscrite dans le produit qui en est l’aboutissement. C’est l’histoire de la science, et non la science constituée ou l’ingéniosité d’un montage expérimental qui témoigne d’une présence individuelle.

Les places diverses changent le sens d’un mot ou d’une idée : voir Fénelon, Dialogues sur l’éloquence, Dialogue II, Œuvres, I, éd. Le Brun, p. 49 sq. Une place différente change la force d’une idée. L’enchaînement progressif des preuves demande que l’on dispose les preuves de telle sorte qu’elles s’entraident : p. 51.

Leibniz tirera de ces remarques des réflexions fécondes. Voir Parmentier Marc, “Leibniz invente le calcul différentiel”, in La nature et le principe de moindre action, Les cahiers de Science et Vie, 68 avril 2002, p. 24. Les séries infinies montrent à Leibniz qu’un même objet mathématique est susceptible de plusieurs expressions, toutes aussi exactes, et cependant non équivalentes. Il recherche de bonnes expressions, non les plus exactes, mais les plus adéquates. Le choix de bons caractères ouvre au calcul de Leibniz les potentialités d’un calcul symbolique.

La Bruyère, Caractères, I, Des ouvrages de l’esprit, I. I. « Tout est dit, et l’on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu’il y a des hommes et qui pensent. Sur ce qui concerne les mœurs, le plus beau et le meilleur est enlevé ; l’on ne fait que glaner après les anciens et les habiles d’entre les modernes. »

Méré, Discours, De la conversation, éd. Boudhors, Paris, F. Roches, 1930, p. 100. C’est une erreur de s’imaginer qu’on ne peut rien dire qui n’ait été dit.

Bernard Tocanne a indiqué comment cette idée est complémentaire de la règle de l’arbitraire de la définition nominale. Voir Tocanne Bernard, L’idée de nature en France dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Contribution à l’histoire de la pensée classique, Paris, Klincksieck, 1978, p. 379 sq. L’ordre des mots n’a pas de rapport naturel avec ce qu’ils signifient, mais ils sont en rapport avec les opérations mentales qui se signifient en eux : p. 380. Il faut comprendre ce qui se passe dans l’esprit pour comprendre les fondements de la grammaire. Si le caractère conventionnel du signe linguistique interdit de parler d’un langage naturel, la nature universelle de la raison détermine une forme naturelle du langage, immanente à toute langue particulière. L’architecture du discours est le reflet de la raison. Dans le discours, la position peut être marque de la fonction. C’est le cas du complément d’objet direct en français, placé après le verbe, là où l’accusatif manque du latin et du grec. On ne peut donc pas mettre les mots n’importe où.

Cette observation est à la base de la Grammaire de Port-Royal. Voir le premier chapitre de la seconde partie.

 

Le problème du plagiat

 

Ce fragment pose naturellement le problème de la distinction entre l’invention telle que Pascal la conçoit, et ce qui ne peut être considéré que comme du plagiat. Dans sa dispute avec le P. Lalouvère, il a dû s’opposer à plagiaire. Voir sur ce sujet Descotes Dominique, “Pascal et le problème du plagiat”, in Couton M., Fernandez I., Jérémie C. et Vénuat M. (dir.), Emprunt, plagiat, réécriture aux XVe, XVIe, XVIIe siècles. Pour un nouvel éclairage sur la pratique des Lettres à la Renaissance, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2006, p. 289-308.