Pensées diverses III – Fragment n° 70 / 85 – Papier original : RO 439-7

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 143 p. 381 v° / C2 : p. 341

Éditions savantes : Faugère I, 288, LXVII / Havet Prov. n° 439 p. 294 / Brunschvicg 830 et 831 / Tourneur p. 156 / Le Guern 611 et 700 / Lafuma 718 (série XXV) et 880 (série XXXIV)  / Sellier 596

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Bibliographie

 

 

BOURZEIS Amable, Propositiones de Gratia in Sorbonae Facultate propediem examinandae (auctore A. de Bourzeis), slnd (1649).

CEYSSENS Lucien, “Nicolas Cornet (1592-1663), promoteur des cinq propositions jansénistes”, dans Antonianum, 54 (1977), p. 395-495, in Jansenistica minora, XIII.

CEYSSENS Lucien, “La dénonciation à Rome des cinq propositions de Jansénius”, dans Miscellanea Card. Giuseppe Siri, a cura di Raffael Belvederi, Genova, 1973, p. 145-184 ; voir aussi dans Jansenistica minora, t. XII.

CEYSSENS Lucien, “La cinquième des propositions condamnées de Jansénius : sa portée théologique”, in Jansénius et le jansénisme dans les Pays-Bas (Mélanges Ceyssens), Louvain, Presses Universitaires, 1982, p. 39-53.

CHÉDOZEAU Bernard, Port-Royal et la Bible. Un siècle d’or de la Bible en France (1650-1708), Paris, Nolin, 2007.

COGNET Louis, Le jansénisme, Paris, Presses Universitaires de France, 1961.

DE FRANCESCHI Sylvio, Entre saint Augustin et saint Thomas. Les jansénistes et le refuge thomiste (1653-1663) : à propos des 1re, 2e et 3e Provinciales, Paris, Nolin, 2009.

DUMAS Hilaire, Histoire des cinq propositions de Jansénius, Liège, Daniel Moumal, 1699.

ERNST Pol, Les Pensées de Pascal. Géologie et stratigraphie, Universitas, Voltaire Foundation, Oxford, 1996.

GOUHIER Henri, Blaise Pascal. Commentaires, Seconde édition, Vrin, Paris, 1971.

GRES-GAYER Jacques M., Le jansénisme en Sorbonne, 1643-1656, Paris, Klincksieck, 1996.

LALANE Noël, De la grâce victorieuse de Jésus-Christ, ou Molina et ses disciples convaincus de l’erreur des Pélagiens et des semi-Pélagiens sur le point de la grâce suffisante soumise au libre-arbitre, selon les actes de la Congrégation de Auxiliis. Pour l’explication des cinq propositions de la grâce équivoques et ambiguës, et la plupart fabriquées à plaisir, insérées dans une lettre envoyée depuis peu à Rome, par le sieur de Bonlieu, docteur en théologie, Paris, 1651.

LALANE Noël, SAINT-AMOUR Louis Gorin de, MANESSIER Nicolas, DESMARES Toussaint, ANGRAN Louis, Distinction abrégée des cinq propositions qui regardent la matière de la grâce, laquelle a été présentée en latin à sa Sainteté par les théologiens qui sont à Rome pour la défense de saint Augustin, où l’on voit clairement en trois colonnes les divers sens que ces propositions peuvent recevoir : et les sentiments des calvinistes et des luthériens ; des pélagiens et des molinistes ; de saint Augustin et de ses disciples, 19 mai 1653.

LAPORTE Jean, “Pascal et la doctrine de Port-Royal”, in Études sur Pascal, Revue de Métaphysique et de Morale, 1923, p. 119-178.

LAPORTE Jean, La Doctrine de Port-Royal : les Vérités de la Grâce, Paris, Presses Universitaires de France, 1923.

MESNARD Jean, “Miracle et mystère”, Les Miracles, Communio, Revue catholique internationale, t. XIV, n° 5, septembre-octobre 1989, p. 59-70.

ORCIBAL Jean, “La signification du miracle et sa place dans l’ecclésiologie pascalienne”, Chroniques de Port-Royal, n° 20-21, 1972, p. 66-82.

SELLIER Philippe, “Qu’est-ce que le jansénisme ?”, in Port-Royal et la littérature, II, Le siècle de saint Augustin, La Rochefoucauld, Mme de Lafayette, Mme de Sévigné, Sacy, Racine, 2e éd., Paris, Champion, 2012, p. 55-99.

SHIOKAWA Tetsuya, Pascal et les miracles, Nizet, Paris, 1977.

 

 

Éclaircissements

 

Cas curieux où les Copies ont donné lieu à l’apparition d’un fragment imaginaire que l’on retrouve jusque dans les éditions Brunschvicg et Lafuma. Voir l’étude du manuscrit (diplomatique et critique), où est expliqué comment le présent fragment a été pour ainsi dire dédoublé par certains éditeurs, à partir d’une faute de lecture dans les Copies, un texte portant que les 5 propositions étaient équivoques, l’autre que les prophéties étaient équivoques. Le manuscrit impose la première lecture.

Ernst Pol, Les Pensées de Pascal. Géologie et stratigraphie, p. 112 sq. Datation vers le printemps 1657 à peu près.

 

Les cinq propositions étaient équivoques,

 

Sur la doctrine de la grâce des « disciples de saint Augustin », que les cinq propositions attribuées à Jansénius prétendaient résumer, il est toujours utile de recourir aux ouvrages de Jean Laporte (en tenant compte du fait qu’il traite surtout de la pensée d’Antoine Arnauld, qu’il considère comme représentative de Port-Royal) :

Laporte Jean, “Pascal et la doctrine de Port-Royal”, p. 119-178.

Laporte Jean, La Doctrine de Port-Royal : les Vérités de la Grâce, Paris, Presses Universitaires de France, 1923.

Les idées de Pascal sur la grâce sont présentées dans les Écrits sur la grâce, qu’il faut lire dans l’édition de Jean Mesnard, Œuvres complètes, t. III, avec une introduction très substantielle.

Pour une présentation d’ensemble de la genèse et de l’histoire des cinq propositions attribuées à Jansénius, qui furent condamnées par le pape, outre le Port-Royal de Sainte-Beuve, on peut lire les synthèses suivantes, qui permettent d’accéder progressivement à des études plus fouillées :

Adam Antoine, Du mysticisme à la révolte. Les jansénistes du XVIIe siècle, Paris, Fayard, 1968.

Cognet Louis, Le jansénisme, Paris, Presses Universitaires de France, 1961.

Gazier Augustin, Histoire générale du mouvement janséniste, Paris, Champion, 1922.

Particulièrement claire et compréhensive est l’étude de Sellier Philippe, “Qu’est-ce que le jansénisme ?”, in Port-Royal et la littérature, II, Le siècle de saint Augustin, La Rochefoucauld, Mme de Lafayette, Mme de Sévigné, Sacy, Racine, 2e éd., p. 55-99.

Pour approfondir, voir

Ceyssens Lucien, “Nicolas Cornet (1592-1663), promoteur des cinq propositions jansénistes”, dans Antonianum, 54 (1977), p. 395-495, in Jansenistica minora, XIII.

Ceyssens Lucien, “La dénonciation à Rome des cinq propositions de Jansénius”, dans Miscellanea Card. Giuseppe Siri, a cura di Raffael Belvederi, Genova, 1973, p. 145-184 ; voir aussi dans Jansenistica minora, t. XII.

Gres-Gayer Jacques M., Le Jansénisme en Sorbonne, 1643-1656, Klincksieck, Paris, 1996.

Un récit détaillé des débats qui eurent lieu à Rome sur les propositions, et aboutirent à la publication de la bulle Cum occasione, se trouve dans le Journal de Mr. De Saint-Amour, docteur de Sorbonne, de ce qui s’est fait à Rome dans l’affaire des cinq propositions. Imprimé par les soins dudit sieur de Saint-Amour, en la présente année 1662.

Du côté des ennemis de Port-Royal, on peut lire

Dumas Hilaire, Histoire des cinq propositions de Jansénius, Liège, Daniel Moumal, 1699, très hostile à Port-Royal.

On peut aussi recourir, avec une certaine prudence, aux ouvrages du P. Rapin : voir

Rapin René, Mémoires du P. René Rapin de la Compagnie de Jésus sur l’Eglise et la Société, La Cour, la Ville et le Jansénisme, 1644-1669, éd. Léon Aubineau, Gaume Frères et J. Duprey, Paris, 1865.

Rapin René, Histoire du jansénisme depuis son origine jusqu’en 1644..., revu et publié par l’Abbé Domenech, Gaume Frères et J. Duprey, Paris, 1861 (édition nettement inférieure à la précédente).

Les Propositions attribuées à Jansénius par les ennemis de Port-Royal étaient les suivantes :

1. Quelques commandements de Dieu sont impossibles aux justes qui veulent et s’efforcent selon les forces qu’ils ont présentes ; la grâce par laquelle ils leur seraient rendus possibles leur manque aussi.

2. Dans l’état de la nature déchue, on ne résiste jamais à la grâce intérieure.

3. Pour mériter et démériter dans l’état de la nature déchue, il n’est pas nécessaire qu’il y ait dans l’homme une liberté qui soit exempte de nécessité ; c’est assez qu’il y ait une liberté qui soit exempte de contrainte.

4. Les semi-pélagiens admettaient la nécessité d’une grâce intérieure prévenante pour chaque action, même pour le commencement de la foi, et ils étaient hérétiques en ce qu’ils voulaient que cette grâce fût telle que la volonté de l’homme lui pût résister ou obéir.

5. C’est un sentiment semi-pélagien de dire que Jésus-Christ soit mort ou qu’il ait répandu son sang pour tous les hommes, sans en excepter un seul.

Sellier Philippe, “Qu’est-ce que le jansénisme ?”, in Port-Royal et la littérature, II, 2e éd., p. 55-99 ; voir p. 74 sq., sur l’ambiguïté des cinq propositions.

Gres-Gayer Jacques M., Le jansénisme en Sorbonne, p. 57 sq. Nicolas Cornet et la genèse des propositions.

La stratégie des jansénistes consista à soutenir que les propositions imputées à l’Augustinus avaient un double sens, dont l’un était orthodoxe, et l’autre hérétique. Les auteurs de Port- Royal ont consacré plusieurs écrits à l’explication de cette équivoque, parmi lesquels on peut mentionner :

Arnauld Antoine, Apologie de Monsieur Jansénius Evêque d’Ypres et de la doctrine de saint Augustin, expliquée dans son livre intitulé Augustinus, contre trois sermons de Monsieur Habert, Théologal de Paris, prononcés dans Notre-Dame, le premier et le dernier dimanches de l’Avent 1642 et le dimanche de la Septuagésime 1643, sl, (juillet) 1644, 430 p. in-4°. Voir la notice de Œuvres, XVI, p. XIII sq. Texte composé dès 1643, contre le théologal Habert, qui avait parlé de l’hérésie calvino-janséniste ; Arnauld en justifie la rédaction dans sa Seconde Lettre, p. 130 ; Habert y répond par la Défense de la foi de l’Eglise, à quoi Arnauld rétorque par la Seconde Apologie (1645).

Bourzeis Amable, Propositiones de Gratia in Sorbonae Facultate propediem examinandae (auctore A. de Bourzeis), slnd (1649).

Lalane Noël, De la grâce victorieuse de Jésus-Christ, ou Molina et ses disciples convaincus de l’erreur des Pélagiens et des semi-Pélagiens sur le point de la grâce suffisante soumise au libre-arbitre, selon les actes de la Congrégation de Auxiliis. Pour l’explication des cinq propositions de la grâce équivoques et ambiguës, et la plupart fabriquées à plaisir, insérées dans une lettre envoyée depuis peu à Rome, par le sieur de Bonlieu, docteur en théologie, Paris, 1651. Le texte date de 1650. Lalane expose le dessein et les manœuvres des jésuites dans la fabrication de propositions ambiguës, pour tenter d’obtenir une censure : p. 1 sq. Il souligne deux points : p. 18. « La grâce efficace par elle-même nécessaire à toute sorte de bonnes actions et de bons désirs est le sentiment de l’Église opposé à l’erreur des Pélagiens et des semi-pélagiens ». D’autre part, « ces propositions se peuvent toutes réduire à la doctrine de la grâce efficace par elle-même nécessaire à toute sorte de bonnes actions et de bons mouvements ; qu’elles sont très véritables et très catholiques selon ce sens, comme c’est aussi dans ce seul sens que Monsieur l’évêque d’Ypres les soutient contre les erreurs des jésuites ».

On trouve aussi une étude presque mot à mot des propositions en question dans l’ouvrage de Pierre Nicole intitulé Disquisitiones Pauli Irenaei (Disquisitions de Paul Irénée) dans l’édition latine des Provinciales de Wendrock (pseudonyme de Nicole), Cologne, Schouten, 1958, p. 510 sq.

Nicole Pierre, Fratris Joannis Nicolai doctoris theologi parisiensis, et apud praedicatores primarii Regentis molinisticae theses, thomisticis notis expunctae, 4 avril 1656.

La tentative qu’ont faite les jansénistes pour se rapprocher des thomistes est étudiée dans le livre de De Franceschi Sylvio, Entre saint Augustin et saint Thomas. Les jansénistes et le refuge thomiste (1653-1663) : à propos des 1re, 2e et 3e Provinciales.

Voir sur ce point la Provinciale XVIII.

La traduction de l’ouvrage qui fut présenté au pape par la délégation janséniste à Rome, avant la bulle Cum occasione, ordinairement désigné sous le titre d’Écrit à trois colonnes, Lalane Noël, Saint-Amour Louis Gorin de, Manessier Nicolas, Desmares Toussaint, Angran Louis, Distinction abrégée des cinq propositions qui regardent la matière de la grâce, laquelle a été présentée en latin à sa Sainteté par les théologiens qui sont à Rome pour la défense de saint Augustin, où l’on voit clairement en trois colonnes les divers sens que ces propositions peuvent recevoir : et les sentiments des calvinistes et des luthériens ; des pélagiens et des molinistes ; de saint Augustin et de ses disciples, 19 mai 1653, présente, dans le but d’éclaircir le rapport des parties, chaque proposition suivie de ses différentes interprétations : la première colonne donne le sens calviniste de la proposition ; la seconde le sens auquel l’entendent les disciples de saint Augustin, la troisième le sens moliniste.

La première proposition attribuée à Jansénius : Quelques commandements de Dieu sont impossibles aux hommes justes, lors même qu’ils veulent et qu’ils s’efforcent selon les forces qu’ils ont dans l’état où ils se trouvent. Et la grâce qui les doit rendre possibles leur manque

 

Le sens hérétique que l’on pourrait donner malicieusement à cette proposition, qu’elle n’a pas néanmoins, quand on la prend comme elle doit être prise.

 

Les commandements de Dieu sont impossibles à tous les justes, quelque volonté qu’ils aient et quelques efforts qu’ils fassent, même ayant en eux toutes les forces que donne la grâce la plus grande et la plus efficace. Et ils manquent toujours durant leur vie d’une grâce par laquelle ils puissent accomplir, sans pécher, seulement un commandement de Dieu.

 

Cette proposition est hérétique, Calviniste, et Luthérienne : et elle a été condamnée par le Concile de Trente.

 

Première proposition, dans le sens que nous l’entendons, et que nous la défendons.

 

 

 

Quelques commandements de Dieu sont impossibles à quelques justes qui veulent et qui s’efforcent faiblement et imparfaitement selon l’étendue des forces qu’ils ont en eux, lesquelles sont petites et faibles. C’est-à-dire, qu’étant destitués du secours efficace qui est nécessaire pour vouloir pleinement et pour faire, ces commandements leur sont impossibles, selon cette possibilité prochaine et complète, dont la privation les met en état de ne pouvoir effectivement accomplir ces commandements. Et ils manquent de la grâce efficace, par laquelle il est besoin que ces commandements leur deviennent prochainement et entièrement possibles : ou bien ; ils sont dépourvus de ce secours spécial sans lequel l’homme justifié, comme dit le concile de Trente, ne saurait persévérer dans la justice qu’il a reçue, c’est-à-dire dans l’observation des commandements de Dieu.

 

Nous soutenons et nous sommes prêts de démontrer que cette proposition appartient à la foi de l’Église, qu’elle est indubitable dans la doctrine de S. Augustin, et qu’elle a été définie par le concile de Trente.

 

Proposition contraire à la première dans le sens que nos adversaires la soutiennent.

 

 

 

Tous les commandements de Dieu sont toujours possibles aux justes par la grâce qui est soumise à leur franc arbitre, lors qu’ils veulent et qu’ils travaillent selon les forces qui sont présentes en eux. Et jamais la grâce qui est prochainement nécessaire pour rendre les commandements effectivement possibles, ne leur manque pour agir, ou du moins pour prier.

 

Nous soutenons et nous sommes prêts de démontrer que cette proposition, qui est de Molina et de nos adversaires, est pélagienne ou semi-pélagienne, parce qu’elle détruit la nécessité de la grâce efficace par elle-même pour toutes les bonnes œuvres. Et il a été ainsi déclaré dans la congrégation de auxiliis, qui s’est tenue à Rome sous Clément VIII et Paul V.

 

 

Ceyssens Lucien, “Nicolas Cornet (1592-1663), promoteur des cinq propositions jansénistes”, dans Antonianum, 54 (1977), p. 395-495, in Jansenistica minora, XIII, p. 160.

Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 279. Ambiguïtés dans cette proposition selon les augustiniens : p. 279.

Sellier Philippe, “Qu’est-ce que le jansénisme ? ”, in Port-Royal et la littérature, II, p. 55-99. Voir p. 88 sq. L’ambiguïté de la première proposition n’est pas patente.

Les Disquisitions de Paul Irénée (Disquisitiones Pauli Irenaei) dues à la plume de Pierre Nicole, sous le pseudonyme de Wendrock, Disquisitio I, Provinciales, p. 515 sq. ; Disquisitio II, p. 526 sq., donnent une analyse d’ensemble et mot par mot des propositions incriminées.

Bourzeis Amable, Propositiones de gratia : analyse et discussion selon qu’on prend la proposition en particulier ou universellement.

Lalane Noël, De la grâce victorieuse de Jésus-Christ, ou Molina et ses disciples convaincus de l’erreur des Pélagiens et des semi-Pélagiens sur le point de la grâce suffisante soumise au libre-arbitre, selon les actes de la Congrégation de Auxiliis. Pour l’explication des cinq propositions de la grâce équivoques et ambiguës, et la plupart fabriquées à plaisir, insérées dans une lettre envoyée depuis peu à Rome, par le sieur de Bonlieu, docteur en théologie, 1651.

Kolakowski Leszek, Dieu ne nous doit rien, p. 19 sq. Question du 13e chapitre du troisième volume de l’Augustinus. Tout ce que Dieu ordonne est possible avec sa grâce, mais cette grâce n’est pas toujours présente et tout le monde ne l’obtient pas : p. 20.

Gres-Gayer Jacques M., Le jansénisme en Sorbonne, p. 109. Selon la Sorbonne, cette proposition est hérétique ; selon la bulle Cum Occasione, elle est téméraire, impie, blasphématoire, condamnée d’anathème, hérétique.

D’Avrigny le P. (SJ), Mémoires chronologiques et dogmatiques, pour servir à l’Histoire ecclésiastique depuis 1600 jusques en 1716 avec des réflexions et des remarques critiques, sl, sn, 1739, II, p. 195 sq., soutient que cette proposition se trouve presque mot à mot au chapitre 13 du Livre III du troisième livre De la grâce du Sauveur ; les quatre autres ne sont « pour ainsi dire, que des branches de cet arbre, et des conclusions qui se tirent naturellement du même principe, ainsi qu’on le voit pour peu qu’on sache raisonner » : p. 200. « Toutes les cinq ne sont que des conséquences du système des deux délectations inévitables et invincibles que l’évêque d’Ypres établit comme le fondement de la doctrine de saint Augustin sur le mystère de la grâce » : p. 200-201.

Arnauld Antoine, De la signature, p. 22 (juin 1661). Une personne prétend que seule la première proposition est dans l’Augustinus, mais que comme les autres en sont des conséquences directes, on peut dire qu’elles y sont toutes. Mais quand on lui a demandé de montrer que les quatre suivantes sont des suites logiques de la première, elle a été incapable de le faire.

Cette proposition est la seule qui soit dans Jansénius d’après Wendrock, Disquisitio I, Provinciales, p. 515 sq. Selon Bourzeis Amable, Propositiones de gratia propediem examinandae, p. 2 sq., prise en son sens universel elle est fausse, mais prise en son sens particulier elle est vraie (à quelques justes quelques commandements sont impossibles).

De Franceschi Sylvio Hermann, Entre saint Augustin et saint Thomas, p. 143 sq. Comment, sur le sujet de la première proposition de Jansénius, les jansénistes se sont rapprochés des thomistes vers 1663, lors de la négociation initiée par l’évêque de Comminges.

 

La seconde proposition : Dans l’état de la nature corrompue on ne résiste jamais à la grâce intérieure.

 

Lalane Noël, Saint-Amour Louis Gorin de, Manessier, Desmares Toussaint, Angran Louis, Distinction abrégée des cinq propositions, 19 mai 1653 (ouvrage ordinairement désigné sous le titre d’Écrit à trois colonnes), p. 6.

 

Seconde proposition fabriquée et exposée à la censure.

Dans l’état de la nature corrompue on ne résiste jamais à la grâce intérieure.

Le sens hérétique que l’on pourrait donner malicieusement à cette seconde proposition, qu’elle n’a pas néanmoins, lorsqu’on la prend comme il faut.

 

Dans l’état de la nature corrompue on ne résiste jamais à la grâce intérieure et efficace, parce que la volonté de l’homme est purement passive à l’égard de cette grâce efficace : et étant comme une chose inanimée elle ne fait rien du tout ; elle ne coopère point et ne consent point librement.

Cette proposition est hérétique, calviniste, luthérienne, et condamnée par le concile de Trente.

Autre sens erroné que la proposition peut recevoir.

Dans l’état de la nature corrompue on ne résiste jamais à la grâce intérieure prise pour une simple lumière que Dieu donne à l’entendement, et pour une sollicitation qu’il fait à la volonté.

Cette proposition est fausse et erronée, parce que cette grâce n’est point la véritable grâce de Jésus-Christ, comme enseigne S. Augustin dans le livre de la grâce de Jésus-Christ.

Autre sens erroné qu’on peut encore donner à cette proposition.

Dans l’état de la nature corrompue on ne résiste jamais à la grâce intérieure de Jésus-Christ quant à l’effet auquel elle dispose, lors qu’elle est encore faible et qu’elle donne seulement une volonté commencée.

Cette proposition est fausse et erronée.

 

Seconde proposition dans le sens que nous l’entendons, et que nous la défendons.

 

 

On ne résiste jamais à la grâce de Jésus-Christ qui est précisément nécessaire pour chaque œuvre de piété c’est-à-dire : elle n’est jamais frustrée de l’effet pour lequel Dieu la donne effectivement.

 

Nous soutenons et nous sommes prêts de démontrer que cette proposition appartient à la foi de l’Église, et est indubitable dans la doctrine de saint Augustin.

 

Proposition contraire à la seconde, en la manière que nos adversaires la défendent.

 

 

Dans l’état de la nature corrompue on résiste quelquefois à la grâce de Jésus-Christ qui est nécessaire à chaque action de piété soit pour agir soit du moins pour prier c’est-à-dire : cette grâce est quelquefois privée de l’effet pour lequel elle est précisément donnée de Dieu.

 

Nous soutenons et nous sommes prêts de démontrer que cette proposition, qui est de Molina et de nos adversaires, est pélagienne, ou semi-pélagienne, parce qu’elle détruit la force et la vertu efficace de la grâce de Jésus-Christ qui est nécessaire à chaque bonne action. Il a été ainsi déclaré dans la Congrégation de auxiliis qui s’est tenue à Rome.

 

 

Ceyssens Lucien, “Nicolas Cornet (1592-1663), promoteur des cinq propositions jansénistes”, dans Antonianum, 54 (1977), p. 395-495, in Jansenistica minora, XIII, p. 160.

Sellier Philippe, “Qu’est-ce que le jansénisme ?”, in Port-Royal et la littérature, II, p. 55-99. Voir p. 87 sq., sur la seconde proposition. À un augustinien, la rédaction de cette proposition ne peut paraître que captieuse, imprécise et malhonnête : le verbe résister enveloppe confusément pouvoir résister. Mais la pensée d’Augustin n’est pas que les élus perdent tout pouvoir de s’écarter de la ligne droite, mais que la grâce qu’ils reçoivent est si puissante qu’en fait ils ne s’en écartent pas. Voir la référence dans la XVIIIe Provinciale : « la grâce efficace par elle-même gouverne la volonté de telle sorte qu’on a toujours le pouvoir d’y résister ». Différence avec le calvinisme, qui dénonçait un libre arbitre détruit de fond en comble, mort, tandis que les catholiques professaient un libre arbitre très affaibli, mais prêt à s’élancer vers Dieu sous l’influx de la grâce : p. 88. Les janséniens condamnent de bonne foi la seconde proposition en son sens calviniste.

Lalane Noël, De la grâce victorieuse, p. 22 (3e pagination).

Gres-Gayer Jacques M., Le jansénisme en Sorbonne, p. 109. Selon la Sorbonne, cette proposition est contraire à la Sainte Écriture ; selon la bulle Cum Occasione, hérétique.

D’Avrigny le P., Mémoires chronologiques et dogmatiques, pour servir à l’Histoire ecclésiastique depuis 1600 jusques en 1716 avec des réflexions et des remarques critiques, sl, sn, 1739, II, p. 195 sq.

De Franceschi Sylvio Hermann, Entre saint Augustin et saint Thomas, p. 144 sq. Comment, sur le sujet de la deuxième proposition de Jansénius, les jansénistes se sont rapprochés des thomistes vers 1663, lors de la négociation initiée par l’évêque de Comminges.

 

La troisième proposition : Pour mériter et démériter dans l’état de la nature corrompue il n’est pas requis en l’homme une liberté qui l’exempte de la nécessité de vouloir ou d’agir, mais il suffit d’une liberté qui le dégage de la contrainte.

 

Lalane Noël, Saint-Amour Louis Gorin de, Manessier, Desmares Toussaint, Angran Louis, Distinction abrégée des cinq propositions, 19 mai 1653 (ouvrage ordinairement désigné sous le titre d’Écrit à trois colonnes), p. 7.

 

Troisième proposition fabriquée et exposée à la censure : Pour mériter et démériter dans l’état de la nature corrompue il n’est pas requis en l’homme une liberté qui l’exempte de la nécessité de vouloir ou d’agir, mais il suffit d’une liberté qui le dégage de la contrainte.

Le sens hérétique qu’on pourrait donner malicieusement à cette troisième proposition, qu’elle n’a pas néanmoins, étant prise comme il faut.

 

Pour mériter et démériter dans l’état de la nature corrompue, il n’est pas requis en l’homme une liberté qui l’exempte de la nécessité naturelle, telle même qu’elle se trouve dans les mouvements indélibérés, mais il suffit d’être seulement délivré de la contrainte.

 

Cette proposition est hérétique, calviniste, et luthérienne.

 

 

 

Troisième proposition dans le sens que nous l’entendons et que nous la défendons.

 

 

Pour mériter et démériter dans l’état de la nature corrompue, il n’est point requis en l’homme une liberté qui l’exempte d’une infaillibilité et d’une certitude nécessaire : mais il suffit qu’il ait une liberté qui le délivre de la contrainte et qui soit accompagnée du jugement et de l’exercice de la raison, si l’on considère précisément l’essence de la liberté, et du mérite. Quoi qu’à raison de l’état où nous sommes en cette vie notre âme se trouve toujours dans cette indifférence par laquelle la volonté, lors même qu’elle est conduite et gouvernée par la grâce prochainement nécessaire et efficace par elle-même, peut ne vouloir pas, cela est toutefois en telle sorte qu’il n’arrive jamais qu’elle ne veuille pas, lors qu’elle est actuellement secourue de cette grâce.

 

Nous soutenons et nous sommes prêts de démontrer que cette proposition est catholique, et est de saint Augustin.

 

La proposition contraire à la troisième dans le sens que nos adversaires la défendent.

 

 

Pour mériter et démériter dans l’état de la nature corrompue il est requis en l’homme une liberté qui l’éloigne de l’infaillibilité et de la certitude nécessaire : c’est-à-dire, il est besoin qu’il soit dans cette indifférence prochaine à agir, ou à n’agir pas, par laquelle la volonté étant assistée de toutes les choses nécessaires à agir se porte tantôt d’un côté et tantôt de l’autre, selon qu’il lui plait.

 

Nous soutenons et nous sommes prêts de démontrer que cette proposition, qui est de Molina et de nos adversaires, est pélagienne, parce qu’elle détruit la puissance de cette grâce efficace par elle-même, qui est nécessaire à toute œuvre de piété. Il a été déclaré ainsi dans la congrégation de auxiliis tenue à Rome.

 

 

Sellier Philippe, Port-Royal et la littérature, II, 1e éd., p. 68 sq. Ambiguïté et maladresse de la troisième proposition imputée à Jansénius.

Sellier Philippe, “Qu’est-ce que le jansénisme ?”, in Port-Royal et la littérature, II, p. 55-99. Voir p. 89 sq. Ambiguïté de la troisième proposition, due à sa mauvaise rédaction. Les augustiniens tentent de supprimer l’équivoque en employant l’adverbe infailliblement : p. 90. Pascal le dit dans la XVIIIe Provinciale : « Dieu dispose de la volonté libre de l’homme sans lui imposer de nécessité… Le libre arbitre qui peut toujours résister à la grâce, mais qui ne le veut pas toujours, se porte aussi librement qu’infailliblement à Dieu, lorsqu’il veut l’attirer par la douceur de ses inspirations efficaces ».

Voir Nicole, Disquisitio I, in Wendrock, Litterae provinciales, p. 518.

Bourzeis, Propositiones de Gratia, p. 1.

Dictionnaire de théologie catholique, Article Molinisme, col. 2103. Libertas a necessitate : pouvoir agir quand toutes les conditions de l’action sont données.

Saint Augustin, De gratia et libero arbitrio, t. 24, Bibliothèque augustinienne, note p. 782. L’erreur des jansénistes consisterait à croire que la liberté au sens de libre choix (libertas a necessitate) ne subsiste plus sans la grâce du Christ, et qu’il ne nous reste que la liberté au sens d’absence de coaction (libertas a coactione), celle-ci suffisant à expliquer le mérite et le démérite.

Gres-Gayer Jacques M., Le jansénisme en Sorbonne, p. 109. Selon la Sorbonne, la proposition est hérétique ; selon la bulle Cum Occasione, elle est hérétique.

 

La quatrième proposition : Les semi-pélagiens admettaient la nécessité de la grâce intérieure prévenante pour toutes les bonnes œuvres, même pour le commencement de la foi, et ils étaient hérétiques en ce qu’ils voulaient que cette grâce fût telle que la volonté humaine pût lui résister ou lui obéir.

 

Lalane Noël, Saint-Amour Louis Gorin de, Manessier, Desmares Toussaint, Angran Louis, Distinction abrégée des cinq propositions, 19 mai 1653 (ouvrage ordinairement désigné sous le titre d’Écrit à trois colonnes), p. 8.

 

Quatrième proposition fabriquée et exposée à la censure : Les semi-pélagiens admettaient la nécessité de la grâce intérieure prévenante pour toutes les bonnes œuvres, même pour le commencement de la foi, et ils étaient hérétiques en ce qu’ils voulaient que cette grâce fût telle que la volonté humaine pût lui résister ou lui obéir.

Le sens hérétique que l’on pourrait donner malicieusement à la quatrième proposition, qu’elle n’a pas néanmoins, si on la prend comme elle doit être prise.

 

La grâce prévenante de Jésus-Christ est telle, que le franc arbitre de l’homme étant mû et excité par elle, ne lui saurait résister, encore qu’il le voulût. Dire autrement c’est parler en semi-pélagien.

 

Cette proposition est hérétique, calviniste, ou luthérienne, et elle a été condamnée par le concile de Trente.

 

 

 

Quatrième proposition dans le sens que nous l’entendons et que nous la défendons.

 

 

 

Les semi-pélagiens admettaient la nécessité de la grâce prévenante et intérieure pour commencer toutes les actions, même pour le commencement de la foi, et leurs sentiments étaient hérétiques en ce qu’ils voulaient que cette grâce fût telle que la volonté lui obéit ou la rejetât comme il lui plaisait, c’est-à-dire que cette grâce ne fût pas efficace.

 

Nous soutenons et nous sommes prêts de démontrer que cette proposition quant à sa première partie qui regarde la question du fait, est véritable : et que quant à la seconde, elle appartient à la foi de l’Église, et est indubitable dans la doctrine de saint Augustin.

 

Proposition contraire à la quatrième dans le sens qu’elle est défendue par nos adversaires.

 

 

 

Les semi-pélagiens n’admettaient pas la nécessité de la grâce intérieure prévenante pour commencer chaque action, ni même pour le commencement de la foi : et ils n’étaient pas dans l’erreur en ce qu’ils voulaient que cette grâce fût telle qu’elle ne fût pas efficace par elle-même.

 

Nous soutenons et nous sommes prêts de démontrer que cette proposition, qui est de Molina et des adversaires, est pélagienne ou semi-pélagienne, parce qu’elle détruit la foi de la grâce efficace nécessaire à toute bonne œuvre, et pareillement toute l’autorité de saint Augustin. Et il a été déclaré ainsi dans les congrégations de auxiliis tenues à Rome.

 

Sellier Philippe, “Qu’est-ce que le jansénisme ?”, in Port-Royal et la littérature, II, p. 91 sq. Caractère atypique de la quatrième proposition imputée à Jansénius. Elle porte sur l’interprétation historique du semi-pélagianisme.

Gres-Gayer Jacques M., Le jansénisme en Sorbonne, p. 109. Selon la Sorbonne, la proposition est fausse, téméraire et hérétique ; selon la bulle Cum occasione, fausse et hérétique.

 

La cinquième proposition : C’est parler en semi-pélagien de dire que Jésus-Christ est mort, ou qu’il a répandu son sang pour tous les hommes, sans en excepter un seul.

 

Lalane Noël, Saint-Amour Louis Gorin de, Manessier, Desmares Toussaint, Angran Louis, Distinction abrégée des cinq propositions, 19 mai 1653 (ouvrage ordinairement désigné sous le titre d’Écrit à trois colonnes), p. 9.

 

Cinquième proposition fabriquée et exposée à la censure. C’est parler en semi-pélagien de dire que Jésus-Christ est mort, ou qu’il a répandu son sang pour tous les hommes, sans en excepter un seul.

Le sens hérétique que l’on peut malicieusement donner à cette cinquième proposition, qu’elle n’a pas néanmoins, si l’on la prend comme il faut.

 

Jésus-Christ est mort seulement pour les prédestinés, en sorte qu’il n’y a qu’eux seuls qui reçoivent la véritable foi et la justice par le mérite de la mort de Jésus-Christ.

 

Cette proposition est hérétique, calviniste ou luthérienne, et elle a été condamnée par le concile de Trente.

 

 

 

Cinquième proposition dans le sens que nous l’entendons et que nous la défendons.

 

 

C’est parler en semi-pélagien de dire que Jésus-Christ est mort pour tous les hommes en particulier, sans en excepter un seul, en sorte que la grâce nécessaire au salut soit présentée à tous, sans exception de personne, par sa mort, et qu’il dépende du mouvement et de la puissance de la volonté d’acquérir ce salut par cette grâce générale sans le secours d’une autre grâce efficace par elle-même.

 

Nous soutenons et nous sommes prêts de démontrer que cette proposition appartient à la foi de l’Église, et qu’elle est indubitable dans la doctrine de saint Augustin.

 

Proposition contraire à la cinquième dans le sens qu’elle est défendue par nos adversaires.

 

 

Ce n’est pas une erreur des semi-pélagiens, mais une proposition catholique de dire que Jésus-Christ a communiqué par sa mort à tous les hommes en particulier, sans en excepter un seul, la grâce prochainement et précisément nécessaire pour opérer, ou du moins pour commencer le salut et pour prier.

 

Nous soutenons et nous sommes prêts de démontrer que cette proposition, qui est de Molina et de nos adversaires, contient une doctrine contraire au Concile de Trente, et même qu’elle est pélagienne ou semi-pélagienne, parce qu’elle détruit la nécessité de la grâce de Jésus-Christ efficace par elle-même pour chaque bonne œuvre. Et il a été déclaré ainsi dans les congrégations de auxiliis tenues à Rome.

 

 

Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, Paris, Colin, 1970, p. 270 sq. La volonté de salut en Dieu. Voir p. 289 sq. Le Christ est-il mort pour tous ?

Sellier Philippe, “Qu’est-ce que le jansénisme ?”, in Port-Royal et la littérature, II, p. 55-99. On peut soutenir dans un sens très large que le Christ est mort pour tous, dans la mesure où il est mort à cause du péché de l’humanité, ou parce que sa rédemption eût suffi à sauver tous les hommes, s’il l’eût décidé, ou, ce qui revient au même, s’ils l’eussent voulu. Saint Augustin se heurte à la déclaration nette de saint Paul : p. 90. Arnauld consacre le livre III de son Apologie pour les saints Pères de 1651 à ce problème « de la mort de Jésus-Christ pour tous les hommes ». Pour les jansénistes, affirmer que le Christ est mort pour tous sans exception peut avoir un sens catholique, précisé par saint Augustin, saint Prosper et d’autres : soit quant à la suffisance de la rédemption, soit parce que le Christ a sauvé la nature humaine.

Gres-Gayer Jacques M., Le jansénisme en Sorbonne, p. 109. Selon la Sorbonne, fausse et scandaleuse ; selon la bulle Cum Occasione, impie, blasphématoire, injurieuse, dérogeant à la divine piété et hérétique.

Ceyssens Lucien, “La cinquième des propositions condamnées de Jansénius : sa portée théologique”, in Jansénius et le jansénisme dans les Pays-Bas (Mélanges Ceyssens), p. 39-53.

Mort du Christ pour tous les hommes : voir Pascal, Écrits sur la grâce, Traité de la prédestination, 2, § 30. « Que c’est seulement pour leur salut que Jésus-Christ est mort et que les autres, pour le salut desquels il n’est pas mort, n’ont pas été délivrés de cette perdition universelle et juste. »

Miracles III (Laf. 911, Sel. 451). Jésus-Christ rédempteur de tous. Oui, car il a offert comme un homme qui a racheté tous ceux qui voudront venir à lui. Ceux qui mourront en chemin c’est leur malheur, mais quant à lui il leur offrait rédemption. Cela est bon en cet exemple où celui qui rachète et celui qui empêche de mourir font deux, mais non pas en Jésus-Christ qui fait l’un et l’autre. Non car Jésus-Christ en qualité de rédempteur n’est pas peut-être maître de tous, et ainsi en tant qu’il est en lui il est rédempteur de tous.

Arnauld Antoine, Apologie pour les saints Pères, Livre III, Second point, Œuvres, XVIII, p. 162 sq. État de la question. Les molinistes disent que « Jésus-Christ est mort pour le salut de tous les hommes, non seulement quant à la suffisance du prix, qui pouvait être appliqué à tous ; mais encore avec une volonté sincère et efficace de sa part, de les faire tous jouir du fruit de sa passion » : p. 162. Les augustiniens disent « qu’on peut dire que Jésus-Christ est mort généralement pour tous les hommes à ne considérer que la suffisance du prix de sa mort, et la dette dont il s’est chargé en prenant la nature humaine, qui est commune à tous les hommes. Mais qu’à proprement parler, et selon l’application du prix de son sang, il est mort pour tous les fidèles qui, par le baptême et les autres sacrements, ont part aux grâces qu’il a méritées par sa mort ; qui sont appelés du nom de tous les hommes, et de tout le monde, parce qu’ils sont répandus par tout le monde, selon l’Écriture (Joan, 11, 52), et non pas généralement pour tous les hommes, en y comprenant tous les impies, et les idolâtres, qui étaient déjà dans l’enfer, avant qu’il vint au monde (ce que les conciles ont condamné comme une erreur insupportable) (Conc. Val. C. 4) et ceux qui, depuis son incarnation, ne l’ont point reconnu pour leur Sauveur. Et qu’il est mort encore plus particulièrement pour tous les élus ; parce que c’est sur eux qu’il répand ses plus grandes grâces, et qu’il a voulu que sa mort leur servit pour les rendre éternellement heureux, comme étant ces enfants de Dieu dispersés par toute la terre, pour lesquels il devait mourir, selon l’Évangile (Joan, 11, 52 ; Joan, 17, 6 ; 17, 9 ; 10, 11 ; 10, 28), afin de les rallier dans son Église : comme étant ceux que son Père lui a donnés, pour être particulièrement à lui, et pour lesquels il témoigne, qu’il le prie, et non pour le monde : et comme étant ses brebis chéries et bien aimées, pour lesquelles il déclare qu’il voulait donner sa vie, en assurant en même temps que nulle d’elles ne périrait » : p. 162-163.

Arnauld Antoine, Apologie de M. Jansénius, IIIe sermon, article XVII, p. 172 sq. En quel sens selon saint Augustin et les pères Jésus-Christ est mort pour tout le monde. Concordance de Jansénius et de saint Paul. Tous s’entend de toute l’Église, et non des païens : p. 173. En quel sens le Christ n’est pas mort pour les seuls prédestinés : p. 175. En quels termes la maxime que Jésus est mort pour tous les hommes se trouve dans Jansénius : p. 177. Voir article XXI, p. 215 sq., En quelle sorte Jésus-Christ est le rédempteur de tout le monde. Voir article XXVI, p. 227 sq., Explication de ce que dit le concile touchant la mort de Jésus-Christ pour tous les hommes. Et particulièrement article XXXI, p. 242, Que le mot de tous ne se prend pas toujours si universellement dans l’Écriture, qu’il comprenne tous les hommes en général, sans en excepter aucun. Le problème rhétorique est traité dans le même article XXXI, p. 244 sq., Que les explications que saint Augustin donne aux passages de saint Paul, Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, et Jésus-Christ s’est donné pour la rédemption de tous, sont très raisonnables, et très conformes au langage de l’Écriture. Arnauld relève plusieurs procédés connus des logiciens, notamment la distributio commoda (distribution accommodée au sujet dont on parle, p. 245) et la distributio pro generibus singulorum, et non pro singulis generum (l’acception d’un terme universel pour les divers genres d’une chose, et non pas pour chaque chose en particulier de ces divers genres, p. 247).

Nicole Pierre, Fratris Joannis Nicolai doctoris theologi parisiensis, et apud praedicatores primarii Regentis molinisticae theses, thomisticis notis expunctae, 4 avril 1656, p. 21 sq. Saint Thomas : Christus pro omnibus sufficienter mortuum esse ; sed pro multis tantum efficienter.

Bourzeis Amable, Propositiones de Gratia in Sorbonae Facultate propediem examinandae (auctore A.de Bourzeis), slnd (1649). Voir p. 30 sq. Quinta propositio.

Delassault Geneviève, Le Maistre de Saci et son temps, Paris, Nizet, 1957, p. 50. La rédemption peut être dite universelle en ce sens que le Christ s’est revêtu de la nature commune à tous les hommes ; ou que le sang versé était un prix suffisant pour la rachat du monde. Hors de cela, il n’est plus question d’universalité, puisque le Christ n’a effectivement racheté que les élus.

Chédozeau Bernard, Port-Royal et la Bible. Un siècle d’or de la Bible en France (1650-1708), p. 112. La controverse à propos de l’expression Christe redemptor omnium dans les Heures de Port-Royal.

Sainte-Beuve, Port-Royal, II, IX, T. 1, p. 583. Renvoi, pour un texte proche, à Augustinus, Pars III, Liv. II, ch. XXVII.

Gres-Gayer Jacques M., Le jansénisme en Sorbonne, p. 109. Selon la Sorbonne, fausse et scandaleuse ; selon la bulle Cum Occasione, impie, blasphématoire, injurieuse, dérogeant à la divine piété et hérétique.

On trouve une analyse logique et sémantique de cette proposition dans l’ouvrage de Dominicy Marc, La naissance de la grammaire moderne, Bruxelles, Mardaga, 1984, p. 108 sq. Les théologiens jansénistes doivent prouver que la proposition Jésus-Christ est mort pour tous les hommes reçoit une interprétation qui la rend compatible avec la thèse selon laquelle ceux qui sont ou seront damnés n’ont pas été rachetés par la mort sur la croix. Dominicy néglige la thèse selon laquelle l’universalité doit se comprendre de generibus singulorum, et non pas de singulis generum, c’est-à-dire de toutes les espèces de quelque genre et non de tous les particuliers de ces espèces : dans cette explication, on entend par tous les hommes toutes les conditions différentes qui se rencontrent parmi les hommes : p. 108. Explication par l’option pragmatique fondée sur l’indétermination et le postulat d’effabilité : p. 108 sq. Primo : tous signifie tantôt l’universalité, tantôt la simple pluralité ; voir Laf. 571, Sel. 474 : Il y a hérésie à expliquer toujours, omnes, de tous. Et hérésie à ne le pas expliquer quelquefois de tous, bibite ex hoc omnes. Leshuguenots hérétiques en l’expliquant de tous. In quo omnes peccaverunt. Les huguenots, hérétiques en exceptant les enfants des fidèles. Il faut donc suivre les pères et la tradition pour savoir quand, puisqu’il y a hérésie à craindre de part et d’autre. Les huguenots déduisent du passage de Matthieu XXVI, 27, que tous doivent communier sous les deux espèces ; mais le tous de buvez-en tous est restreint à l’auditoire du Christ, ou aux disciples auxquels il parlait, Judas excepté. Pour le péché originel, Romains, V, 12, entend tous de la totalité des hommes. Lorsque tous marque la pluralité, c’est qu’il exprime en fait l’universalité à l’intérieur d’un domaine délimité par le contexte ou la situation. Voir ce que dit Pascal sur l’or, métal le plus lourd de tous, c’est-à-dire de tous ceux qui sont connus, dans la Préface au traité du vide. Les propositions qui assertent en apparence l’universalité du salut se laissent toujours interpréter avec une restriction : voir Pascal, Traité de la prédestination, III, 12 :

« Que Dieu a discerné ses élus d’avec les autres par des raisons inconnues aux hommes et aux anges et par une pure miséricorde sans aucun mérite.

Que les élus de Dieu font une universalité, qui est tantôt appelée monde parce qu’ils sont répandus dans tout le monde, tantôt tous, parce qu’ils font une totalité, tantôt plusieurs, parce qu’ils sont plusieurs entre eux, tantôt peu, parce qu’ils sont peu à proportion de la totalité des délaissés.

Que les délaissés font une totalité qui est appelée monde, tous et plusieurs, et jamais peu.

Que Dieu, par une volonté absolue et irrévocable, a voulu sauver ses élus, par une bonté purement gratuite, et qu’il a abandonné les autres à leurs mauvais désirs où il pouvait avec justice abandonner tous les hommes. »

Arnauld Antoine, Réponse au P. Annat, provincial des jésuites, touchant les cinq propositions attribuées à M. l’évêque d’Ypres, 1654, in Arnauld Antoine, Œuvres, XIX, p. 193 sq., où Arnauld remarque que le P. Petau est d’accord avec les augustiniens pour admettre que Jésus n’est pas mort pour tous les hommes. Pour les autres, il n’est pas mort pour qu’ils soient sauvés, mais seulement afin que cette grâce leur fût donnée.

Les cinq propositions précédentes étaient à l’origine suivies de deux autres, pour être proposée à la condamnation, mais elles n’ont pas été conservées.

 

elles ne le sont plus.

 

Les propositions ne sont plus équivoques parce que Port-Royal a publié de nombreux ouvrages pour dissiper les ambiguïtés qu’elles comportaient. Mais c’est surtout l’événement du miracle de la Sainte-Épine qui est apparu à Pascal comme une approbation de son engagement dans la défense des disciples de saint Augustin. Tout le dossier des pièces relatives au miracle de la Sainte-Épine a été publié avec une note dans OC III, p. 800 sq.

Voir la note de l’éd. Sellier et Ferreyrolles de la Pochothèque, p. 1145. Les cinq propositions étaient susceptibles d’un sens orthodoxe comme d’un sens hérétique, mais le miracle intervenu chez les défenseurs de Jansénius tranche en faveur de leur orthodoxie.

Miracles III (Laf. 881, Sel. 443). Les cinq propositions condamnées, point de miracle. Car la vérité n’était point attaquée, mais la Sorbonne, mais la bulle. Entendre que la vérité n’était pas atteinte, puisque la condamnation ne touchait pas le vrai sens des propositions ; en revanche, la Sorbonne et la bulle étaient compromises. De sorte que Dieu n’avait pas à intervenir par un miracle. Le miracle est censé discerner entre les partis en présence, lorsque l’Église est divisée sur la vérité d’un point de doctrine. C’est en effet une idée que Pascal a soutenue, en faveur de laquelle il s’est exprimée dans les Pensées.

Provinciale XVI, § 22. « On l’entend aujourd’hui, cette voix sainte et terrible, qui étonne la nature, et qui console l’Église. »

Voir Shiokawa Tetsuya, Pascal et les miracles, notamment p. 106 sq., sur la Réponse à un écrit publié sur le sujet des miracles qu’il a plu à Dieu de faire à Port-Royal depuis quelques temps par une sainte épine de la couronne de Notre-Seigneur.

Gouhier Henri, Blaise Pascal. Commentaires, p. 149 sq. Y a-t-il eu un projet de Provinciale sur les miracles ? Lorsque les jésuites refusent de lire le miracle comme une approbation surnaturelle de Port-Royal, la polémique provoque chez Pascal une réflexion sur le cas particulier de ce miracle, réflexion qui va s’étendre à la question classique en apologétique de la manière d’établir l’authenticité et la signification des miracles : p. 150. Dans les Pensées, les dossiers Lafuma XXXI, XXXII et XXXIII mêlent ce qui touche les Provinciales avec des éléments d’un projet sur les miracles.

Orcibal Jean, “La signification du miracle et sa place dans l’ecclésiologie pascalienne”, Chroniques de Port-Royal, n° 20-21, p. 66-82.

Mesnard Jean, “Miracle et mystère”, p. 59-70.