Pensées diverses III – Fragment n° 75 / 85 – Papier original : RO 439-5

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 145 p. 383 / C2 : p. 341 v°

Éditions savantes : Faugère II, 75, III / Havet I.1 bis / Brunschvicg 69 bis / Tourneur p. 109-5 / Le Guern 615 / Lafuma 723 (série XXV) / Sellier 601

______________________________________________________________________________________

 

 

Bibliographie

 

 

Voir la bibliographie de Vanité 9 (Laf. 21, Sel. 55), et celle de Transition 4 (Laf. 199, Sel. 230).

 

MAGNARD Pierre, Pascal La clé du chiffre, Paris, éditions Universitaires, 1991.

MESNARD Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., Paris, SEDES, 1993, p. 82-83 et 192-193.

MESNARD Jean, “Point de vue et perspective dans les Pensées de Pascal”, Courrier du Centre International Blaise Pascal, 16, 1994, p. 3-8.

MESNARD Jean, “Structures binaires et structures ternaires dans les Pensées de Pascal”, in Pascal, Pensées, Littératures classiques, n° 20, supplément 1994, Paris, Klincksieck, 1994, p. 45-57.

PAVLOVITS Tamàs, “Perspective et perspectivisme dans les Pensées”, in Chroniques de Port-Royal, 63, Paris, 2013, p. 221-233.

SERRES Michel, Le Système de Leibniz et ses modèles mathématiques, Paris, Presses Universitaires de France, 1990.

 

 

Éclaircissements

 

Deux infinis. Milieu.

Quand on lit trop vite ou trop doucement on n’entend rien.

 

Mesnard Jean, “Structures binaires et structures ternaires dans les Pensées de Pascal”, in Pascal, Pensées, Littératures classiques, n° 20, 1994, p. 45-57.

Entendre signifie comprendre.

Le rapport avec la vanité n’est visible que si l’on intègre ce fragment au motif du trop et trop peu, et de l’impossibilité de trouver le juste milieu, qui appuie l’argument de l’inconstance de l’homme. Ce thème est esquissé dans le fragment Vanité 28 (Laf. 41, Sel. 75) : Quand on lit trop vite ou trop doucement on n’entend rien. Il est ici complété par la mention deux infinis. Milieu, qui l’associe à l’ample développement de “Disproportion de l’homme”, Transition 4 (Laf. 199, Sel. 230) : Bornés en tout genre, cet état qui tient le milieu entre deux extrêmes se trouve en toutes nos puissances. Nos sens n’aperçoivent rien d’extrême, trop de bruit nous assourdit, trop de lumière éblouit, trop de distance et trop de proximité empêche la vue. Trop de longueur et trop de brièveté de discours l’obscurcit, trop de vérité nous étonne. [...] Les premiers principes ont trop d’évidence pour nous ; trop de plaisir incommode, trop de consonances déplaisent dans la musique, et trop de bienfaits irritent. [...] Nous ne sentons ni l’extrême chaud, ni l’extrême froid. Les qualités excessives nous sont ennemies et non pas sensibles, [...]. Trop de jeunesse et trop de vieillesse empêche l’esprit ; trop et trop peu d’instruction. La brève remarque originelle est ainsi intégrée à une vision du monde qui en donne la raison des effets, savoir la condition de l’homme prise dans un univers qui l’englobe sans qu’il lui soit possible de déterminer un milieu naturel fixe dans les infinités.

Pascal indique aussi dans Disproportion de l’homme, que l’excessive brièveté du discours empêche de le comprendre : Trop de longueur et trop de brièveté de discours l’obscurcit. Il ne s’agit pas alors de l’excès de vitesse de la lecture oculaire ou de la lecture orale, mais de la brevitas rhétorique. Mais l’idée revient substantiellement au même.

Le fragment Vanité 9 (Laf. 21, Sel. 55) indique aussi que certaines dispositions psychologiques peuvent aussi contribuer à cette impossibilité de trouver le juste milieu : Si on est trop jeune on ne juge pas bien, trop vieil de même. Si on n’y songe pas assez, si on y songe trop on s’entête et on s’en coiffe. Si on considère son ouvrage incontinent après l’avoir fait, on en est encore tout prévenu, si trop longtemps après, on n’y entre plus.

Michel Serres a bien étudié dans son ouvrage Le Système de Leibniz et ses modèles mathématiques, l’usage que dans les Pensées Pascal fait de la double infinité de grandeur et de petitesse pour abolir la possibilité de trouver un milieu.

La suite du texte Vanité 9 exprime cette observation à l’aide d’une comparaison avec la perspective et la peinture : Ainsi les tableaux vus de trop loin et de trop près. Et il n’y a qu’un point indivisible qui soit le véritable lieu. Les autres sont trop près, trop loin, trop haut ou trop bas. La perspective l’assigne dans l’art de la peinture. Mais dans la vérité et dans la morale, qui l’assignera ?

Girard Desargues associe les deux procédés au début de son Brouillon projet d’une atteinte aux événements des rencontres du cône avec un plan : « la raison essaye à connaître des quantités infinies d'une part, ensemble des si petites que leurs deux extrémités opposées sont unies entre elles, et que l'entendement s'y perd, non seulement à cause de leurs inimaginables grandeur et petitesse, mais encore à cause que le raisonnement ordinaire le conduit à en conclure des propriétés dont il est incapable de comprendre comment c’est quelles sont. »

Voir aussi les autres études mentionnées en bibliographie.