Pensées diverses IV – Fragment n° 3 / 23 – Papier original : RO 275-1 r° / v°

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 153 p. 385 à 387 v° / C2 : p. 347 à 353

Éditions de Port-Royal : Chap. XXVIII - Pensées chrestiennes : 1669 et janvier 1670 p. 239-241 /

1678 n° 4 p. 231-233

Éditions savantes : Faugère I, 321-322, XI et XII / Havet XXIV.12 / Michaut 563 / Brunschvicg 862 / Tourneur p. 112-1 / Le Guern 624 / Lafuma 733 (série XXVI) / Sellier 614

 

 

 

 

 

Dans l’édition de Port-Royal

 

Chap. XXVIII - Pensées chrestiennes : 1669 et janvier 1670 p. 239-241 / 1678 n° 4 p. 231-233

       

 

Différences constatées par rapport au manuscrit original

 

Ed. janvier 1670 1

Transcription du manuscrit

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Il y a un grand nombre de vérités, et de foi, et de morale, qui semblent répugnantes et contraires, et qui subsistent toutes dans un ordre admirable.

 

La source de toutes les hérésies est l’exclusion de quelques-unes de ces vérités. Et la source de toutes les objections que nous font les hérétiques est l’ignorance de quelques-unes de nos vérités.

 

 

Et d’ordinaire il arrive que ne pouvant concevoir le rapport de deux vérités opposées, et croyant que l’aveu de l’une enferme l’exclusion de l’autre, ils s’attachent à l’une, et ils excluent l’autre.

 

 

Les Nestoriens voulaient qu’il y eût deux personnes en Jésus-Christ, parce qu’il y a deux natures : et les Eutychiens au contraire, qu’il n’y eût qu’une nature parce qu’il n’y a qu’une personne. Les Catholiques sont Orthodoxes, parce qu’ils joignent ensemble les deux vérités de deux natures et d’une seule personne.

 

Nous croyons que la substance du pain étant changée en celle du corps de notre Seigneur Jésus-Christ, il est présent réellement au S. Sacrement. Voilà une des vérités. Une autre est, que ce Sacrement est aussi une figure de la croix, et de la gloire, et une commémoration des deux. Voilà la foi Catholique qui comprend ces deux vérités, qui semblent opposées.

 

L’hérésie d’aujourd’hui ne concevant pas que ce Sacrement contient tout ensemble et la présence de Jésus-Christ, et sa figure, et qu’il soit sacrifice, et commémoration de sacrifice, croit qu’on ne peut admettre l’une de ces vérités, sans exclure l’autre.

Par cette raison ils s’attachent à ce point, que ce Sacrement est figuratif ; et en cela ils ne sont pas hérétiques. Ils pensent que nous excluons cette vérité ; et de là vient qu’ils nous font tant d’objections sur les passages des Pères qui le disent. Enfin ils nient la présence réelle ; et en cela ils sont hérétiques.

 

 

 

C’est pourquoi le plus court moyen pour empêcher les hérésies, est d’instruire de toutes les vérités : et le plus sûr moyen de les réfuter, est de les déclarer toutes.

 

 

L’Église a toujours été combattue par des erreurs contraires. Mais peut‑être jamais en même temps comme à présent. Et si elle en souffre plus à cause de la multiplicité d’erreurs, elle en reçoit cet avantage qu’ils se détruisent.

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Elle se plaint des deux, mais bien plus des calvinistes à cause du schisme.

Il est certain que plusieurs des deux contraires sont trompés. Il faut les désabuser.

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La foi embrasse plusieurs vérités qui semblent se contredire, temps de rire, de pleurer, etc. responde, ne respondeas, etc.

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La source en est l’union des deux natures en Jésus-Christ.

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Et aussi les deux mondes. La création d’un nouveau ciel et nouvelle terre. Nouvelle vie, nouvelle mort.

Toutes choses doublées et les mêmes noms demeurant.

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Et enfin les deux hommes qui sont dans les justes. Car ils sont les deux mondes, et un membre et image de Jésus-Christ. Et ainsi tous les noms leur conviennent de justes pécheurs, mort vivant, vivant mort, élu réprouvé, etc.

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Il y a donc un grand nombre de vérités, et de foi et de morale, qui semblent répugnantes et qui subsistent toutes dans un ordre admirable.

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La source de toutes les hérésies est l’exclusion de quelques‑unes de ces vérités.

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Et la source de toutes les objections que nous font les hérétiques est l’ignorance de quelques‑unes de nos vérités.

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Et d’ordinaire il arrive que, ne pouvant concevoir le rapport de deux vérités opposées et croyant que l’aveu de l’une enferme l’exclusion de l’autre, ils s’attachent à l’une, ils excluent l’autre, et pensent que nous au contraire. Or l’exclusion est la cause de leur hérésie, et l’ignorance que nous tenons l’autre cause leurs objections.

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Premier exemple : Jésus-Christ est Dieu et homme. Les Ariens, ne pouvant allier ces choses qu’ils croient incompatibles, disent qu’il est homme ; en cela ils sont catholiques. Mais ils nient qu’il soit Dieu ; en cela ils sont hérétiques. Ils prétendent que nous nions son humanité ; en cela ils sont ignorants.

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Second exemple : sur le sujet du Saint‑Sacrement. 2 Nous croyons que la substance du pain étant changée et transsubstantiée 2 en celle du corps de Notre Seigneur Jésus‑Christ y est présent réellement : voilà une des vérités. Une autre est que ce sacrement est aussi une figure de celui de la croix, et de la gloire, et une commémoration des deux. Voilà la foi catholique, qui comprend ces deux vérités qui semblent opposées.

L’hérésie d’aujourd’hui, ne concevant pas que ce sacrement contient tout ensemble, et la présence de Jésus‑Christ, et sa figure, et qu’il soit sacrifice, et commémoration de sacrifice, croit qu’on ne peut admettre l’une de ces vérités sans exclure l’autre pour cette raison.

Ils s’attachent à ce point seul que ce sacrement est figuratif, et en cela ils ne sont pas hérétiques. Ils pensent que nous excluons cette vérité, et de là vient qu’ils nous font tant d’objections sur les passages des Pères qui le disent. Enfin ils nient la présence, et en cela ils sont hérétiques.

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Troisième exemple : les indulgences. 2

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C’est pourquoi le plus court moyen pour empêcher les hérésies est d’instruire de toutes les vérités, et le plus sûr moyen de les réfuter est de les déclarer toutes.

Car que diront les hérétiques ?

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Pour savoir si un sentiment est d’un Père...

 

 

1 Conventions : rose = glose des éditeurs ; vert = correction des éditeurs ; marron = texte non retenu par les éditeurs.

2 Son absence dans l’édition a été proposée par un correcteur dans C1.

 

 

Commentaire

 

Les éditeurs de 1670 ont supprimé tout le début du texte, qui leur a sans doute paru trop énigmatique pour un public non spécialiste.

Ils suppriment aussi l’allusion aux indulgences, qui aurait exigé de composer une explication sur laquelle ils n’avaient aucune indication dans le recueil original.

La substitution des nestoriens aux eutychiens vise à plus d’exactitude théologique.