Pensées diverses VI – Fragment n° 1 / 5 – Papier original : RO 103-2

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 174 p. 409-409 v° / C2 : p. 385 à 387

Éditions de Port-Royal :

    Chap. X - Juifs : 1669 et janvier 1670 p. 87 / 1678 n° 15 p. 87

    Chap. XIV - Jésus-Christ : 1669 et janvier 1670 p. 113-114 / 1678 n° 13 p. 113-114

Éditions savantes : Faugère I, 210, CIII ; II, 197, XIX / Havet VI.57, XV.19 et 20 / Michaut 268 et 269 / Brunschvicg 101, 737 (ex 603) / Tourneur p. 125 / Le Guern 655 / Lafuma 792 et 793 (série XXVIII) / Sellier 646

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Transcription diplomatique

(les additions sont en couleur orange)

 

 

 

Nota : cette transcription ne reflète pas les contraintes dues au papier (place restante à droite). Voir le papier original.

 

1 Z. Tourneur transcrit par inadvertance « il » (sans s).

2 Pascal a écrit « h__ ».

3 Z. Tourneur transcrit « les » mais hésite avec « ces » ou « leurs ». Nous lisons « leurs ».

4   : faut-il lire « VeritéEt^ ^ cequi » ou « Verité^ ^ cequi » (sans le Et) ? Après L. Brunschvicg, Z. Tourneur transcrit « vérité et ce qui ». Aurait-il interprété le signe, situé au-dessus du premier renvoi (désigné ici par une flèche rouge), comme étant un et ? Pourtant ce signe ne correspond pas à la graphie habituelle de et : . De plus, Pascal a écrit dans un premier temps « plus je les examine plus j’y trouve de vérité et quand j’ajoute à cela... » (c’est nous qui soulignons), puis il a barré la phrase et quand j’ajoute à cela..., y compris le et. Il serait étonnant que Pascal ait écrit « j’y trouve de vérité et et quand j’ajoute ».

5 Lecture douteuse.

6  : lecture très difficile. Nous proposons la transcription - douteuse - de Tourneur. Les trois premiers mots barrés pourraient être de sorte que plutôt que de ce que.

7 Lecture douteuse. Nota : l’image du texte laisse penser qu’il y a un trait de séparation en dessous de et qui. Les Copies transcrivent ce trait. En fait, il s’agit de la fin du mot ayant qui se prolonge jusqu’ici.

8  : Z. Tourneur n’en fait pas mention. Nous proposons deux interprétations :

1. Dans la ligne située au-dessus du mot, Pascal a voulu écrire misere mais sa plume était défaillante : . Il a réécrit le mot misere sous l’expression où leur ; c’est semble-t-il l’interprétation de Tourneur.

2. À moins qu’il faille lire mesme (aveuglement même) comme le proposent les Copies. La deuxième lettre ressemble plus à un e interne (à deux boucles alors que le e final est lissé) qu’à un i.

En conclusion, la graphie étudiée est plus proche de mesme (voir par exemple, RO 25-5 de Ordre 4 (Laf. 6, Sel. 40) : ) que de misere (voir par exemple, RO 161-1 de Contrariétés 5 (Laf. 122, Sel. 155) : ).

9 Nous avons essayé de transcrire au mieux le commentaire sur les Livres des Juifs, en tenant compte notamment de la transcription de Z. Tourneur. Lui-même dit, dans sa note 3 : « Le passage [...] est particulièrement difficile à déchiffrer, démêler et ordonner ». L’ordre de lecture semble être le suivant :

Et un peuple entier prophétisant, et fait exprès durant 4 000 ans,

---- leurs a livres dispersés durant 400 ans.

Plus je les examine plus j’y trouve de vérité, et quand j’ajoute à cela les miracles de l’un et de l’autre et ce nombre de Juifs qui l’ont précédé, plus de rois et de prophètes qui l’annoncent, ce qui a précédé et ce qui a suivi : un peuple entier le prédit avant sa venue, un peuple entier l’adore après sa venue ; et cette synagogue qui l’a précédé ; et ce nombre de Juifs qui et cette synagog misérables b et sans prophètes qui le suivent pour témoigner et qui témoignent et qui étant tous ennemis de ce que des prophètes tel c sont d’admirables témoin d pour nous de la vérité de ces prophéties où leur m[i]s[er]e et leur aveuglement même est dprédit. e Enfin eux sans prophètes idoles ni roi f.

Je trouve cet enchaînement, cette religion, toute divine dans son autorité, dans sa durée, sans g sa perpétuité, dans sa morale, dans sa conduite, dans sa doctrine, dans ses effets et

ainsi je tends les bras à mon libérateur...

 

a Z. Tourneur : « les ». Copies C1 et C2 : « leurs ».

b Pascal a barré et ce nombre de juifs en pensant le remplacer par et cette synagogue, mais il n’a pas terminé sa correction et a conservé la suite au pluriel. Ph. Sellier édite : « et cette synagogue (ce nombre de Juifs) misérables ». Nous proposons : « et [ce nombre de Juifs] misérables ».

c Transcription de Z. Tourneur. Nous lisons plutôt de sorte que des prophètes.

d Faute d’accord non signalée par Tourneur.

e Le premier copiste (de C1 et C2) a eu aussi beaucoup de mal à transcrire cette partie. Le résultat est très approximatif : « Plus je les examine, plus j’y trouve de vérité & cette synagogue qui est prédite & avec soin & ces misérables qui la suivent qui sont sans idole sans prophètes sans roi étant nos ennemis sont d’admirables témoins pour nous de la vérité de ces prophéties où leur misère & leur aveuglement même est prédit. Je trouve cet enchaînement... ». On notera aussi que le copiste a lu l’ensemble du texte de façon linéaire, sans chercher à s’occuper des ajouts successifs de Pascal et des contraintes dues au manque de place sur le papier.

L’essai de transcription de Louis Périer n’est pas plus convaincant : « Plus je les examine, plus j’y trouve de vérités, et cette marque qu’ils sont sans prophètes, ni roi, et qu’étant nos ennemis, ils sont d’admirables témoins         de la vérité de ces propheties, où leur vie et leur aveuglement même est prédit. Je trouve en cette enchassure... ».

P. Faugère propose : « Plus je les examine, plus j’y trouve de vérités, ce qui a précédé et ce qui a suivi ; enfin eux sans idoles ni roi, et cette synagogue qui est prédite & ces misérables qui la suivent et qui étant nos ennemis sont d’admirables témoins      de la vérité de ces prophéties où leur misère & leur aveuglement même est prédit. Je trouve cet enchaînement... »

 : tous ou nos (ennemis) ? Le mot ne ressemble pas vraiment à nos, tel qu’on le trouve notamment dans RO 81-6 (Vanité 22 - Laf. 35, Sel. 69) : . Il ne ressemble pas plus à tous : voir notamment RO 152-2 (Raisons des effets 3 - Laf. 83, Sel. 117) : .

f Z. Tourneur, note 5 : « [...] Je ne sais trop où la placer ». Tourneur la transcrit après leur aveuglement est prédit. L. Lafuma et Ph. Sellier éditent cette expression à cet endroit. M. Le Guern l’associe à ennemis. L’expression n’a pas été transcrite telle qu’elle dans les Copies (voir la note e ci-dessus).

g Pascal a écrit par inadvertance « sans » au lieu de « dans ».

 

10 Il s’agit bien de la graphie « Et » et non, comme le proposent les Copies, de « etc. » que Pascal écrit habituellement « &c ».

 

Genèse de l’écriture du texte :

Premier jet :

Je mets en fait que si tous les hommes savaient ce qu’ils disent les uns des autres, il n’y aurait pas quatre amis dans le monde. Cela paraît par les querelles que causent les rapports indiscrets qu’on en fait quelquefois.

 

[Emplacement laissé vierge pour une addition éventuelle]

[La barre qui précède la suite indique que cette suite n’a pas de rapport avec l’observation initiale]

 

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Dès là je refuse toutes les autres religions.

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Par là je trouve réponse à toutes les objections. Deus absconditus.

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Il est juste qu’un Dieu si pur ne se découvre qu’à ceux dont le cœur est purifié. [voir deuxième jet : Dès là cette religion [...] mais j’y trouve de plus]

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Je trouve d’effectif que depuis que la mémoire des hommes dure, voici un peuple qui subsiste plus ancien que tout autre peuple. Il est annoncé constamment aux hommes qu’ils sont dans une corruption universelle, mais qu’il viendra un Réparateur.

Que ce n’est pas un homme qui le dit, mais une infinité d’hommes et un peuple entier, prophétisant et fait exprès, durant 4 000 ans.

------- [voir troisième jet : Leurs livres [...] et]

Ainsi je tends les bras à mon libérateur qui, ayant été prédit durant 4 000 ans, est venu souffrir et mourir pour moi sur la terre, dans les temps et dans toutes les circonstances qui en ont été prédites. Et par sa grâce j’attends la mort en paix, dans l’espérance de lui être éternellement uni et je vis cependant avec joie, soit dans les biens qu’il lui plaît de me donner, soit dans les maux qu’il m’envoie pour mon bien et qu’il m’a appris à souffrir par son exemple.

Deuxième jet : Pascal a ajouté Dès là cette religion m’est aimable et je la trouve déjà assez autorisée par une si divine morale, mais j’y trouve de plus après dont le cœur est purifié.

Troisième jet : Pascal a ajouté Leurs livres dispersés durant 400 ans après le trait qui suit 4 000 ans. Il a ensuite ajouté un commentaire sur ces Livres ainsi que les additions ce qui a précédé et ce qui a suivi puis un peuple entier le prédit avant sa venue, un peuple entier l’adore après sa venue, puis enfin eux sans idoles ni roi puis Je trouve cet enchaînement [...] et.

Quatrième jet : Pascal a enfin ajouté trois notes là où il restait de la place en deuxième colonne, au-dessus des additions des deuxième et troisième jets :

Les ténèbres des Juifs effroyables et prédites : Eris palpans in meridie. Dabitur liber scienti litteras, et dicet : non possum legere.

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Le sceptre étant encore entre les mains du premier usurpateur étranger.

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Le bruit de la venue de Jésus-Christ.

 

Nota : Il semble que Pascal, en isolant la note Les ténèbres des Juifs..., ait voulu indiquer qu’elle ne faisait pas partie de l’enchaînement. En fait, elle se rattache tout naturellement au passage sur les Juifs misérables dont l’aveuglement est prédit : Pascal inscrit deux citations à l’appui, mais il est contraint de les isoler parce qu’elles ne se rattachent pas directement au fait que Hérode était un « usurpateur étranger » et que la « venue de Jésus-Christ » a suscité du « bruit ». Cependant l’idée de ténèbres des Juifs est bien liée à ce que Pascal dit du peuple prophète dans le texte.