Miracles II  – Fragment n° 10 / 15 – Papier original : RO 465-5

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 192 p. 449 v° / C2 : p. 248

Éditions de Port-Royal : Chap. XXVII - Pensées sur les miracles : 1669 et janv. 1670 p. 225-226 /

1678 n° 7 p. 219

Éditions savantes : Faugère II, 223, XIII / Havet XXIII.10 / Brunschvicg 821 / Tourneur p. 149 / Le Guern 689 / Lafuma 850 (série XXXIII, notée XXXII par erreur) / Sellier 431

 

 

 

 

 

Dans l’édition de Port-Royal

 

Chap. XXVII - Pensées sur les miracles : 1669 et janv. 1670 p. 225-226 / 1678 n° 7 p. 219

       

 

Différences constatées par rapport au manuscrit original

 

Ed. janvier 1670 1

Transcription du manuscrit

 

  [Miracles II - Laf. 846, Sel. 429] 2

[Miracles II - Laf. 840, Sel. 428] 3

 

Il y a bien de la différence entre tenter et induire en erreur. Dieu tente ; mais il n’induit point en erreur. Tenter c’est procurer les occasions qui 4 n’imposent point de nécessité. Induire en erreur c’est mettre l’homme dans la nécessité de conclure, et suivre une fausseté. C’est ce que Dieu ne peut faire, et ce qu’il ferait néanmoins, s’il permettait que dans une question obscure il se fît des miracles du côté de la fausseté.

 

[Miracles II - Laf. 840, Sel. 428] 5

 

 

 

 

 

Il y a bien de la différence entre tenter et induire en erreur. Dieu tente mais il n’induit pas en erreur. Tenter est procurer les occasions que, n’imposant point de nécessité, si on n’aime pas Dieu, on fera une certaine chose. Induire en erreur est mettre l’homme dans la nécessité de conclure et suivre une fausseté.

 

 

1 Conventions : rose = glose des éditeurs ; vert = correction des éditeurs ; marron = texte non retenu par les éditeurs.

2 « Jésus-Christ a prouvé qu’il était le Messie, en vérifiant plutôt sa doctrine et sa mission par ses miracles que par l’Écriture et par les prophéties.

C’est par les miracles que Nicodème reconnaît que sa doctrine est de Dieu : Scimus quia à Deo venisti, Magister ; nemo enim potest hæc signa facere quæ tu facis, nisi fuerit Deus cum eo [en marge : Joan. 32.]. Il ne juge pas des miracles par la doctrine, mais de la doctrine par les miracles.

Ainsi quand même la doctrine serait suspecte comme celle de Jésus-Christ pouvait l’être à Nicodème, à cause qu’elle semblait détruire les traditions des Pharisiens, s’il y a des miracles clairs et évidents du même côté, il faut que l’évidence du miracle l’emporte sur ce qu’il y pourrait avoir de difficulté de la part de la doctrine ; ce qui est fondé sur ce principe immobile, que Dieu ne peut induire en erreur. »

3 « Ainsi quand même la doctrine serait suspecte comme celle de Jésus-Christ pouvait l’être à Nicodème, à cause qu’elle semblait détruire les traditions des Pharisiens, s’il y a des miracles clairs et évidents du même côté, il faut que l’évidence du miracle l’emporte sur ce qu’il y pourrait avoir de difficulté de la part de la doctrine ; ce qui est fondé sur ce principe immobile, que Dieu ne peut induire en erreur.

Il y a un devoir réciproque entre Dieu et les hommes. Accusez-moi, dit Dieu dans Isaïe. Et en un autre endroit : Qu’ai-je dû faire à ma vigne, que je ne lui aie fait ?

Les hommes doivent à Dieu de recevoir la Religion qu’il leur envoie. Dieu doit aux hommes de ne les pas induire en erreur.

Or ils seraient induits en erreur, si les faiseurs de miracles annonçaient une fausse doctrine qui ne parût pas visiblement fausse aux lumières du sens commun, et si un plus grand faiseur de miracles n’avait déjà averti de ne les pas croire.

Ainsi s’il y avait division dans l’Eglise, et que les Ariens, par exemple, qui se disaient fondés sur l’Écriture comme les Catholiques, eussent fait des miracles, et non les Catholiques, on eût été induit en erreur. Car comme un homme qui nous annonce les secrets de Dieu n’est pas digne d’être cru sur son autorité privée ; aussi un homme qui pour marque de la communication qu’il a avec Dieu ressuscite les morts, prédit l’avenir, transporte les montagnes, guérit les maladies, mérite d’être cru, et on est impie si on ne s’y rend ; à moins qu’il ne soit démenti par quelque autre qui fasse encore de plus grands miracles.

Mais n’est-il pas dit que Dieu nous tente ? Et ainsi ne nous peut-il pas tenter par des miracles qui semblent porter à la fausseté ? »

4 La différence provient des Copies C1 et C2.

5 « On doit conclure delà, qu’il est impossible qu’un homme cachant sa mauvaise doctrine, et n’en faisant paraître qu’une bonne, et se disant conforme à Dieu et à l’Eglise, fasse des miracles, pour couler insensiblement une doctrine fausse et subtile : cela ne se peut. Et encore moins que Dieu, qui connaît les cœurs, fasse des miracles en faveur d’une personne de cette sorte. »

 

Commentaire

 

L’addition est un peu difficile à comprendre : l’affirmation que Dieu ne puisse faire quelque chose, mais qu’il la ferait s’il permettait que des miracles se fassent dans le parti de l’erreur, comporte des paradoxes en nombre excessif pour un lecteur profane.