Le recueil des papiers originaux des Pensées (suite)
Bref historique de la description du Recueil
La Bibliothèque Nationale de France possède trois manuscrits des Pensées qui proviennent de la famille de Pascal : le Recueil des papiers originaux des Pensées de Pascal (ms 9202 fonds français – anciennement n° 3002 du supplément français) 1, et deux Copies manuscrites (C1 et C2) 2 réalisées par un même copiste après la mort de Pascal : une première Copie cotée ms 9203 fonds français, anciennement n° 3002 bis du supplément français, et une deuxième Copie intégrée au Recueil ms 12449 du fonds français, anciennement n° 176 du suppl. français (noté RC2).
1 Les photos du Recueil que nous proposons dans cette édition sont inédites en couleurs. Elles ont été réalisées par le service de reproduction de la BNF que nous remercions vivement de l’intérêt qu’il ont bien voulu porter à ce projet.
2 Les éditeurs modernes pensent que ces Copies, qui ont été réalisées à la demande de la famille de Pascal, représentent l’ordre des papiers tel que Pascal les a laissés à sa mort.
Couverture
Dos |
Au XVIIIe siècle, l’abbé Charles Bossut a probablement été le premier éditeur à consulter le Recueil des originaux. Mais il ne l’a quasiment pas utilisé pour publier des pensées inédites. Pour la première fois en 1776, Condorcet a publié une transcription figurée exacte du Mémorial, qui faisait probablement partie du Recueil : « cette copie authentique [celle de l’abbé Périer] avait été faite sur l’original de Pascal, déposé à la Bibliothéque de S. Germain des Prez. » (Préface, p. xiv-xv). Les pensées inédites publiées par ces deux auteurs proviennent de copies dont la source est un manuscrit désigné sous le nom de Manuscrit de Louis Périer, ou la Copie déposée aujourd’hui à la BNF, désignée ordinairement sous la dénomination de copie C2. Le premier qui a mentionné explicitement ce Recueil est Augustin Renouard dans l’Avertissement de son édition des Pensées de 1803 et en particulier celui de 1812 (nouvelle édition) : « [...] On sait que le manuscrit original des Pensées de Pascal n’était autre chose qu’un amas de petits papiers que l’on trouva pêle-mêle dans sa chambre après sa mort ; [...] Comme l’écriture de Pascal, fort pénible à lire, était plus indéchiffrable encore sur ces brouillons écrits à la hâte et pour son seul usage, on eut aussi la précaution d’en faire une copie exacte ; [...]. Vers le même temps, on fit réunir et coller en un grand volume in-folio toutes les notes originales, mais presque sans aucun ordre, et surtout sans le moindre rapport d’arrangement avec la copie manuscrite, ni avec les imprimés. [...] [En 1776, le] manuscrit [était] conservé dans la bibliothèque de l’abbaye Saint-Germain-des-Prés [...]. Il me reste à dire deux mots sur les deux manuscrits, l’original et sa copie, conservés ensemble à la bibliothèque impériale, où ils furent transportés après avoir échappé à l’incendie qui, en 1794, consuma la bibliothèque de l’abbaye Saint-Germain-des-Prés [...] » A. Renouard précise aussi qu’une concordance, qu’il attribue au Père Jean Guerrier, bénédictin, permet d’utiliser la copie [il s’agit de la Copie C1] pour lire les papiers originaux. Renouard a publié 9 inédits. En 1842, dans son Rapport à l’Académie française, Victor Cousin a dénoncé l’inexactitude des textes publiés par Port-Royal en 1670 et 1678, et le manque d’intérêt de Bossut pour le manuscrit original. Pourtant, dit-il (p. 9), « Le manuscrit autographe subsiste ; il est à la Bibliothèque royale de Paris ; chaque éditeur en parle, nul ne le consulte, et les éditions se succèdent. Mais prenez la peine d’aller rue de Richelieu [...] vous serez effrayés de la différence énorme que le premier regard jeté sur le manuscrit original vous découvrira entre les pensées de Pascal telles qu’elles sont écrites de sa propre main et toutes les éditions, sans excepter une seule, ni celle de 1669, donnée par sa famille et ses amis, ni celle de 1779 [éd. Bossut], devenue le modèle de toutes les éditions que chaque année voit paraître. [...] Ce grand in-folio, [...] l’abbé [Louis] Périer, qui en hérita, le déposa, en 1711, à l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, comme il l’atteste lui-même dans trois lettres qu’on trouve en tête du manuscrit. » |
Prospère Faugère, qui a publié pour la première fois en 1844 la plupart des fragments à partir des manuscrits originaux (Recueil et Copies), décrit le Ms. autographe en ces termes : « C’est un registre grand in-folio, composé de 491 pages numérotées. Sur la plupart de ces pages se trouvent collés, ou encadrés avec soin quand ils sont écrits des deux côtés, les papiers sur lesquels Pascal avait écrit, ou fait écrire sous sa dictée, une foule de réflexions et de notes sur les sujets les plus divers, et particulièrement sur la religion. La préface de la première édition des Pensées nous apprend qu’après la mort de Pascal « on trouva ces papiers tous ensemble, enfilés en diverses liasses, mais sans aucun ordre et sans aucune suite ; ...et tout cela était si imparfait et si mal écrit, ajoute la préface, qu’on a eu toutes les peines du monde à les déchiffrer ». Il ne faut chercher, dans le ms. autographe, rien qui ressemble à un arrangement quelconque ; les papiers de toute dimension qui le composent viennent à la suite les uns des autres, confusément et pêle-mêle, sans autre règle que le hasard. La confusion est telle, qu’il arrive quelquefois que des pages faisant partie du même morceau sont interverties, ou disséminées à de grands intervalles dans le ms. ; il y a même des pages dont les deux moitiés se trouvent séparées l’une de l’autre. [...] Le manuscrit est écrit de la main de l’auteur, excepté un petit nombre de pages qui furent dictées ou copiées. [...] Au commencement du ms. autographe se trouvent cinq feuillets non numérotés, qui méritent une mention particulière. Les deux derniers contiennent l’original, sur papier, de l’écrit trouvé dans l’habit de Pascal [le Mémorial], et une copie de l’original sur parchemin, du même écrit. Les trois premiers se composent de trois attestations écrites et signées par l’abbé Périer, et desquelles il semblerait résulter qu’il avait déposé dans la bibliothèque de St-Germain-des-Prés, outre le volume contenant les textes autographes des Pensées, deux autres volumes : l’un, contenant plusieurs pièces sur la Grâce et le Concile de Trente, en partie autographes ; l’autre, contenant des abrégés de la vie de Jésus-Christ, écrits de la main de Pascal. [...] Mais le grand in-folio ne renferme absolument rien concernant la grâce ou le concile de Trente [...] Quant aux Abrégés de la vie de Jésus-Christ, il est possible que le ms. autographe en renferme quelques pages, par exemple, le fragment que Pascal a intitulé Le Mystère de Jésus. ».
Léon Brunschvicg a été le premier en 1905 à publier les photos des pages du Recueil en noir et blanc. Dans la préface de son édition des Pensées, consacrée notamment au Recueil (Grands Écrivains de la France, Hachette, 1923, tome 12, p. XLI-XLVIII), il signale que « la reliure porte au dos la mention suivante Pensées de Pascal, 1711 ». L. Brunschvicg, qui doutait de l’autorité des Copies C1 et C2, pensait que les papiers avaient été découpés en plusieurs morceaux pour les coller dans le Recueil et que de nombreux textes (notamment ceux qui étaient barrés) avaient disparu : « On a découpé, au ras de l’écriture, des feuilles volantes en une infinité de petits morceaux ; puis on s’est livré à un jeu de patience qui consistait à en coller le plus grand nombre possible sur une même page du recueil. Telle page devient ainsi une véritable mosaïque où on relève huit, neuf, dix et jusqu’à onze tronçons (cf. p. 23, 39 ; 79, 83, 427 ; 63). À ce jeu, combien avons-nous perdu de lignes inachevées ou barrées ? » Il insiste aussi sur l’incroyable mélange des papiers : « Même en présence d’un long fragment, le relieur ne se soucie pas toujours de respecter la suite des pages, il ne tient pas compte des signes de renvoi : le fragment sur le Divertissement court de la page 139 à la page 210, puis 209, 217, 133 et 217. » Brunschvicg constate que « la plupart des fragments utilisés par Mme Périer dans la Vie de son frère n’ont pas été conservés dans l’autographe. Par contre, des pages entières, soit des notes pour les Provinciales, soit des méditations comme le Mystère de Jésus, n’ont pas été reproduites dans les Copies [...] »
Zacharie Tourneur donne une description beaucoup plus technique en 1942 (Édition paléographique..., Introduction, p. 7-14) :
« Ce recueil se présente aujourd’hui sous la forme d’un fort volume, dont la couverture, faite d’un double carton de 0m 005 d’épaisseur, revêtu de parchemin vert, mesure 0m 430 de long sur 0m 280 de large. Le dos, revêtu du même parchemin vert 3, est orné, en haut, d’un titre en lettres dorées sur fond brun : Original des Pensées de Pascal. En bas, une étiquette en losange et aux bords dentelés porte la cote : Fr. 9202 ». Cela contredit la description donnée par L. Brunschvicg (voir ci-dessus) ; il semble que le titre et cette étiquette ont disparu depuis (voir la photo du dos ci-dessus). « L’intérieur de la couverture [...] porte, au centre, la même étiquette avec la même cote. Avec ce feuillet fait corps, en volet, le feuillet de garde », de mêmes dimensions que la couverture, sur lequel figure la description suivante, datée du 21 novembre 1884, « Volume de 492 pages suivies de six pièces cotées 493-498. plus les feuillets A-E préliminaires plus 388 bis 4. » Suit une liste des numéros des feuillets (donc deux pages recto-verso) entièrement blancs, c’est-à-dire sur lesquels aucun papier n’a été collé.
3 Z. Tourneur signale que la Copie ms 9203 (C1) était recouverte du même type de couverture verte. Il est donc probable que ces deux documents, qui ont été conservés ensemble, ont été reliés à la même époque. 4 Le document coté 388 bis, intitulé « Page 389. Diana. », est une copie récente d’un document original collé p. 389. Cette copie semble prise dans la reliure entre les pages 388 et 389. |
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Aperçu de l’intérieur de la couverture |
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