Dossier thématique : L’Antéchrist

 

Voir Miracles I (Laf. 830, Sel. 419).

Voir la liasse Preuves de Jésus-Christ.

Bouyer Louis, Dictionnaire théologique, p. 63 sq. L’Antéchrist est un personnage mystérieux évoqué dans les deux premières épîtres de saint Jean (I, 2, 22, et 4, 3 et II, 7), et sous le nom de la Bête dans l’Apocalypse ; saint Paul en parle dans l’Épître aux Thessaloniciens, II, 3 sq. L’Antéchrist doit apparaître à la fin des temps pour mener contre l’Église et le Christ une lutte suprême, dont la Parousie marquera l’échec.

Bartmann Bernard, Précis de théologie dogmatique, II, p. 535. Il est difficile de se faire une idée de la nature de l’Antéchrist : homme de péché selon saint Paul, ou type de l’incrédulité selon saint Jean. Il doit selon les Pères produire une grande apostasie des fidèles du Christ, établir sa domination sur Jérusalem, mais il sera anéanti par le Christ et précipité en enfer.

Saint Paul, II Ep. Cor., II, 9-10. « Eum cujus est adventus secundum operationem Satanae in omni virtute et signis et prodigiis mendacibus, 10. et in omni seductione iniquitatis his qui pereunt eo quod caritatem veritatis non receperunt ut salvi fierent ».

Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, IIIa, q. 8, art. 8. Utrum Antichristus possit etiam dici caput omnium malorum. Conclusio : « Antichristus omnium malorum hominum caput est, non quidem secundum ordinem temporis vel virtutem influendi, sed secundum malitiae perfectionem ». « Respondeo dicendum quod, sicut supra dictum est, in capite naturali tria inveniuntur, scilicet ordo, perfectio et virtus influendi. Quantum ergo ad ordinem temporis, non dicitur esse Antichristus caput malorum, quasi ejus peccatum praecesserit, sicut praecessit peccatum Diaboli. Similiter etiam non dicitur esse malorum caput propter virtutem influendi. Si enim aliquos sui temporis ad malum sit conversurus, exterius inducendo ; non tamen illi qui ante eum fuerunt, ab ipso sunt in malitiam inducti, nec ejus malitiam sunt imitati. Unde secundum hoc non posset dici caput omnium malorum, sed aliquorum. Relinquitur igitur quod dicatur caput omnium malorum propter malitiae perfectionem. Unde super illud II Thess. II, ostendens se tanquam sit Deus, dicit Glossa, sicut in Christo omnis plenitudo divinitatis inhabitavit, ita in Antichristo plenitudo omnis malitiae, non quidem ita quod humanitas ejus sit assumpta a Diabolo in unitate personae, sicut humanitas Christi a filio Dei ; sed quia Diabolus malitiam suam eminentius ei influit suggerendo quam omnibus aliis. Et secundum hoc, omnes alii mali qui praecesserunt sunt quasi quaedam figura Antichristi, secundum illud II Thess. II, mysterium jam operatur iniquitatis ».

Levillain Philippe (dir.), Dictionnaire historique de la papauté, p. 112. Le concept chrétien d’Antéchrist s’enracine dans une tradition juive eschatologique. L’Antéchrist effectuera l’assaut final des forces hostiles au peuple d’Israël avant la nouvelle venue de Yahvé qui triomphera de ses ennemis avant d’établir son règne. Cette tradition s’enrichit au IIe siècle avant Jésus-Christ d’un courant apocalyptique nouveau, prolongement du prophétisme (Livre de Daniel). La figure démoniaque qui s’oppose à Dieu prend plusieurs formes : puissance politique païenne et adverse, allégorique (Gog et Magog, les quatre bêtes de Daniel, etc.) ou réelle (Antiochus IV Épiphane, Rome), Satan ou un esprit suscité par lui (Bélial, Béhémoth). Dans le Nouveau Testament, chez Jean, le mot désigne des apostats, des faux prophètes, le Séducteur qui nie le Père et le Fils et rejette l’Incarnation. Dans Paul, 2 Th 2, 3-10, sous le nom de l’Homme de l’iniquité, cet adversaire de Dieu apparaît comme un individu qui se révèlera à la fin des temps, persécutera les croyants et se prétendra Dieu. La Bête de l’Apocalypse (13, 11-18) représente le symbole, incarné dans Rome, de son pouvoir. La figure évolue par la suite comme celle d’un personnage instrument de Satan qui se fait adorer comme Dieu, dresse les peuples les uns contre les autres, s’avance entouré de violences, de haine et de bouleversements.

Armogathe Jean-Robert, L’Antéchrist à l’âge classique. Exégèse et politique, p. 35 sq. L’Antéchrist est distinct de Satan. C’est un homme doté de pouvoirs exceptionnels, d’une méchanceté sulfureuse : p. 35. Il est l’adversaire personnel du Christ, dont il usurpe l’identité, au point de tromper les fidèles, comme si son règne était le retour annoncé du Seigneur : p. 36-37. Il est Diabolus simius Dei, le singe de Dieu. En un sens, il reprend l’action des faux prophètes. Adversaire du Messie par excellence, l’Antéchrist tendra à dévaluer le caractère messianique du Christ en s’appropriant les mêmes miracles, les mêmes enseignements et la même vie : p. 39 sq. Sur les origines de l’apparition de l’Antéchrist dans les épîtres de Jean, voir p. 51 sq. L’Antéchrist dans le texte de l’Apocalypse : p. 53 sq. Le portrait de l’Antéchrist par Hippolyte de Rome, traduit par Pierre-Victor Palma Cayet : p. 55. L’Antéchrist selon Tyconius : p. 60 sq. L’Antéchrist au Moyen-Âge : p. 67 sq.

L’Antéchrist du Ier au IXe siècle : p. 45 sq. L’Antéchrist sera appelé fils de perdition parce qu’il perdra autant qu’il le pourra le genre humain, et sera lui-même perdu le dernier jour : p. 284. Il surgira de la cité de Babylone, d’une prostituée, fera des conquêtes, des prodiges et des miracles : p. 285-286. Il pourra tromper même les saints, « car lorsque les saints et les élus de Dieu verront ces signes et ces prodiges, ils hésiteront et se demanderont s’il n’est pas le Christ, qui doit venir selon les Écritures à la fin des temps » : p. 286. L’Antéchrist thaumaturge et prédicateur : p. 243 sq. L’Antéchrist opérera des miracles que les Juifs attendent, les signes messianiques annoncés par les prophètes surtout ceux d’Isaïe 11 : p. 259. Signe essentiel : il tentera de faire croire à sa propre résurrection : p. 260. L’Antéchrist excelle dans l’art oratoire et la rhétorique : p. 244 sq. Ascension vers le pouvoir politique : p. 248 sq. Il soulèvera une persécution contre les chrétiens dans le monde entier, menaçant les fidèles par la terreur, par les présents et par les miracles ; il donnera à ceux qui croiront en lui de l’or et de l’argent en abondance. Il ira jusqu’à s’asseoir dans le temple de Dieu, se présentant comme étant Dieu : p. 289.

L’Antéchrist à l’époque des Réformes : p. 89 sq. Les mouvements hérétiques procèdent à l’identification de l’Antéchrist avec l’Église officielle : p. 90. Avec les Réformes protestantes, l’identification de la papauté prise en général, et non pas seulement individuellement, avec l’Antéchrist, devient une affirmation doctrinale : p. 92 sq. Luther n’attaque plus la papauté sur les mœurs, mais sur la doctrine de l’Église romaine, ce qui implique que l’Antéchrist est pluriel : p. 93-94. « L’Antéchrist est un collectif de nombreux faux Christs et faux prophètes, unis sous quelque tête pour mieux organiser et mener à bien leurs desseins », selon Edward Bagshaw : p. 94. Luther sur ce point : p. 97 sq. Calvin sur ce sujet : p. 100 sq. Bellarmin sur l’Antéchrist : p. 104 sq. Du Moulin : p. 111 sq. Suarez : p. 131 sq. Cornelius à Lapide : p. 205 sq. Le Maistre de Sacy : p. 208 sq.

La venue de l’Antéchrist sera précédée par celle de deux prophètes, Énoch et Élie, qui prépareront les fidèles de Dieu au combat en les instruisant : p. 289. La fin de l’Antéchrist est prédite : les deux témoins (Énoch et Élie, selon la plupart des exégètes) amènent l’Antéchrist à tomber le masque et à révéler qu’il est la Bête : p. 263. Le dernier combat sur le mont des Oliviers : p. 265 sq.

L’Antéchrist dans l’œuvre de Pascal.

L’Antéchrist a des raisons d’intéresser particulièrement Pascal dans sa réflexion sur les miracles. Sur la raison d’être de la mention de l’Antéchrist dans le questionnaire qu’il adresse à Barcos, voir Miracles I (Laf. 830, Sel. 419).

L’Antéchrist apparaît en quelques endroits de l’œuvre de Pascal. Dans les Pensées, toutes les allusions sont également localisées dans les dossiers Miracles. L’Antéchrist est alors considéré comme l’archétype de l’ennemi du Christ, qui l’imite pour mieux le combattre. Sur ces occurrences, voir les fragments connexes de Miracles I (Laf. 830, Sel. 419) et le commentaire.

Pascal situe le combat du Christ contre l’Antéchrist parmi les grands affrontements que devra soutenir l’Église catholique. Voir Miracles II (Laf. 856, Sel. 436). Contestation. Abel, Caïn. / Moïse, magiciens. / Élie, faux prophètes. / Jérémie, Ananias. / Michée, faux prophètes. / Jésus-Christ, pharisiens. / Saint Paul, Barjésu. / Apôtres, exorcistes. / Les chrétiens et les infidèles. / Les catholiques, les hérétiques. / Élie, Énoch, Antéchrist. Toujours le vrai prévaut en miracles. Les deux croix.

En dehors des dossiers Miracles, l’Antéchrist apparaît aussi dans les Provinciales, mais non plus comme archétype : son nom est employé dans le but de tourner en ridicule les exagérations de langage des ennemis de Port-Royal.

Provinciale III, éd. Cognet, Garnier, p. 44. « D’où vient, disent-ils, qu’on pousse tant d’imprécations qui se trouvent dans cette censure, où l’on assemble tous ces termes, de poison, de peste, d’horreur, de témérité, d’impiété, de blasphème, d’abomination, d’exécration, d’anathème, d’hérésie, qui sont les plus horribles expressions qu’on pourrait former contre Arius, et contre l’Antéchrist même, pour combattre une hérésie imperceptible, et encore sans la découvrir ? ».

Provinciale XV, éd. Cognet, Garnier, p. 294. « Mes Révérends Pères, il n’y a plus moyen de reculer. Il faut passer pour des calomniateurs convaincus, et recourir à votre maxime, que cette sorte de calomnie n’est pas un crime. Ce Père a trouvé le secret de vous fermer la bouche : c’est ainsi qu’il faut faire toutes les fois que vous accusez les gens sans preuves. On n’a qu’à répondre à chacun de vous comme le père Capucin, mentiris impudentissime. Car que répondrait-on autre chose, quand votre Père Brisacier dit, par exemple, que ceux contre qui il écrit sont des portes d’enfer, des pontifes du diable, des gens déchus de la foi, de l’espérance et de la charité, qui bâtissent le trésor de l’Antéchrist ? Ce que je ne dis pas (ajoute-t-il) par forme d’injure, mais par la force de la vérité. S’amuserait-on à prouver qu’on n’est pas porte d’enfer, et qu’on ne bâtit pas le trésor de l’Antéchrist ? ».

Il y a dans le monde libertin une théorie de l’Antéchrist comme invention du Christ pour accréditer sa doctrine. Voir là-dessus Charles-Daubert Françoise, Les libertins érudits en France au XVIIe siècle, Paris, P. U. F., 1998, p. 86. L’Antéchrist, invention habile du Christ, selon Vanini. « C’était pourvoir à l’éternité de la religion chrétienne » : le Christ prédit qu’un nouveau législateur voudra renverser sa loi, qu’il serait l’allié du démon, « c’est pourquoi personne ne se donnera comme l’Antéchrist, personne ne voulant se couvrir de tant d’opprobre et d’infamie, et, l’Antéchrist ne paraissant point, la loi chrétienne resta debout ».

 

Bibliographie sommaire

 

ARMOGATHE Jean-Robert, L’Antéchrist à l’âge classique. Exégèse et politique, Summulae, Paris, Mille et une nuits, 2005.

BARTMANN Bernard, Précis de théologie dogmatique, Mulhouse, Salvator, 1941.

BOUYER Louis, Dictionnaire théologique, Paris, Desclée, 1963.

LEVILLAIN Philippe (dir.), Dictionnaire historique de la papauté, Paris, Fayard, 1994.